Traveller

Les voyages du Conscience Tranquille : De Fornice à Maitz (1105)


Fornice (1105)


Dans l'après-midi, les huit nouveaux passagers (quatre en cryo et quatre en cabine) se présentent à bord, où ils sont pris en charge par Gam et Al, qui s'efforcent tant bien que mal de ne pas leur montrer à quel point ils sont fatigués.

Les quatre nouveaux passagers "vivants" sont :

  • Calvin Garnier : un astéroïdien grand et costaud de bientôt 45 ans, aux cheveux chatains clairs grisonnants attachés en une queue de cheval, au visage bronzé et fortement buriné, mais arborant un grand sourire (il est d'ailleurs plutôt bel homme). Ses vêtements confortables et résistants sont neufs et il n'a pour tout bagage qu'un sac à dos.
  • Nicole Baron : âgée de 29 ans et elle aussi astéroïdienne, cette jolie petite brune athlétique contraste avec son confrère par ses mâchoires serrées et son regard dur. Ses vêtements, dans le même genre que ceux de Garnier, commencent à être usés.
    (à noter que ces deux astéroïdiens ne voyagent pas ensemble et ne semblent d'ailleurs même pas se connaître)
  • Piyotr Belanshiir : un ancien du SIEI de 74 ans, ridé comme une vieille pomme, qui porte un vieux treillis défraîchi et a, vissée sur son crâne, une casquette d'uniforme du SIEI fortement usée et dont l'écusson tout particulièrement aurait besoin d'un bon nettoyage (elle date peut-être de ses années de service...). Un tremblement discret et intermittent de ses mains indique les débuts des ravages de l'âge sur son organisme...
  • Jannik Brite : une jeune (27 ans) représentante en peintures et revêtements pour vaisseaux et habitats spatiaux, dont les cheveux violets coupés en brosse avec des motifs abstraits tracés au rasoir sur les côtés et l'arrière, et les arcades sourcillières hérissées d'une multitude de petits piercings multicolores clignotants, contrastent avec le strict tailleur-pantalon gris et le maintien distingué.
  • Les passagers installés à bord et les autorisations nécessaires au décollage enfin obtenues, le Conscience Tranquille s'arrache dans la soirée au sol de Fornice, sans que les autorités locales ne soient intervenues pour poser des questions à ses membres d'équipage au sujet de leur emploi du temps de la nuit dernière. Mais ce n'est qu'une fois dans l'espace-saut, en direction de Maitz, leur prochaine escale, que les personnages commencent vraiment à se détendre à ce sujet...


    De Fornice à Maitz


    Laissant derrière eux Fornice, sa délégation k'kree, et les évènements auxquels ils ont été mêlés (et au sujet desquels ils se disent rétrospectivement qu'ils ont foncé un peu légèrement, qu'ils auraient pu être manipulés sans aucune difficulté, et que finalement, ils ont bien de la chance d'être tombés dans un coup "réglo" et de ne pas se retrouvés plongés jusqu'au cou dans le crottin de k'kree), les personnages sautent en direction de leur prochaine escale, Maitz, fief du père de Dame Sandra.
    La jambe blessée de Kyle ne se rappelle pas trop à son bon souvenir, mais la fatigue de la nuit blanche pèse sur Gam et Al. Il n'y a que Hans qui soit en pleine forme...

    Quant aux passagers, si Calvin Garnier et Jannik Brite sont souriants et ont l'air d'un abord agréable, Nicole Baron semble préoccupée. Mais dans l'immédiat, c'est Piyotr Belanshiir qui accapare l'attention du malheureux Al : après avoir protesté contre le fait que les hublots de sa cabine soient obturés ("J'ai fait quarante ans dans le SIEI, jeune homme ! Alors c'est pas de regarder le gris de l'espace-saut qui va me faire déprimer ! Je sais ce que c'est ! J'ai été seul à bord d'un Sulieman pendant des années !"), le vieil homme se plaint du ménage dans sa cabine ("Vous auriez pu nettoyer correctement ! Regardez cette poussière !" s'exclame t-il en brandissant un mouton de poussière dont Al ne peut nier l'existence, mais qui était peut-être bien unique dans la cabine), du lit qui est mal fait, du choix d'hologrammes disponibles pour décorer les murs de la cabine, et, une fois venue l'heure du repas, du fait qu'il a faim depuis un bon moment déjà, de la lenteur du service, de ce que le plat chaud est trop froid et le dessert trop chaud ; quant au café, il le trouve tout simplement imbuvable.
    Bref, un insatisfait acariâtre dont les personnages se seraient bien passés. Mais celui-ci ne poura pas être mené en bateau comme l'avait été Dryon Lammerca : Belanshiir a une longue expérience de l'espace et ils ne pourront pas s'en tirer avec un simple bobard...

    Al essaie, indépendamment puis en combinaison, tous les stimulants "alimentaires" qu'il peut trouver dans les stocks de la cambuse, café, thé et autres, mais rien n'y fait : il est fatigué, il le sent, et il attend avec impatience le soir pour aller enfin se coucher.
    La seule solution pour retrouver la forme serait de demander à Gam si elle n'a pas dans sa pharmacie des stimulants un peu plus costauds, mais la connaissant, il estime qu'il y a de fortes chances pour que sa réponse soit "Ce n'est rien, ça va passer", et qu'elle ne lui donne pas le moindre dopant miracle, se limitant à des remèdes vilani à base de plantes.
    C'est donc diminué par son épuisement qu'il tente de gérer le cas Belanshiir, en essayant l'approche complicité entre anciens du SIEI tout en se montrant aussi onctueux, voire obséquieux, que possible devant ses exigences impossibles. Il en fait une véritable affaire d'honneur et se met véritablement en quatre ; tout en gardant un œil sur Nicole Baron, dont l'air préoccupé le... préoccupe.
    Mais il a beau faire de son mieux, il a vraiment l'impression que plus il redouble d'efforts et se met en quatre, plus Belanshiir cherche la petite bête pour pouvoir râler encore et toujours. À croire qu'il fait partie de ces vieux qui n'ont d'autre plaisir que d'emmerder leur entourage autant que possible...

    Voyant ses compagnons en posture délicate avec Belanshiir, et les sachant épuisés par les récents évènements, Hans, après avoir vérifié que ses chères machines tournent toutes "mieux que bien" et peuvent se passer de lui pendant un moment, décide de monter à leur secours et de s'occuper du vieil acariâtre, avec un grand sourire en prime :
    "Nous aussi on était dans un Sulieman y'a pas bien longtemps... J'ai fait quelques missions seul là dedans aussi... Je trouve ça chouette quand on est responsable de tout, qu'on fait tout dans la machine, qu'on pilote et tout ça... "
    Ce disant, il espère que le passager se mette à radoter sur des vieux souvenirs : il y a une infime chance pour que ça soit intéressant, et dans le cas contraire, de toutes façons, les vieux débris peuvent radoter longtemps sur le même sujet sans que leur interlocuteur n'ait besoin d'écouter ou de répondre quoi que ce soit.
    Un peu décontenancé, Belanshiir le regarde, puis il se reprend et lui répond, presque agressivement :
    "Ah bien sûr, maintenant c'est plus facile, avec toute l'électronique que vous avez. De mon temps, c'était vraiment une aventure, on était des pionniers !"
    Dans d'autres circonstances, ce genre de réaction aurait fait perdre à Hans la quasi-totalité de ses moyens, et il aurait probablement battu en retraite en bredouillant un genre d'excuse à peine audible, mais là, il est en terrain familier, et ce vieux schnoque se fout de sa gueule ! Il y a peut-être deux ou trois gadgets en service maintenant qui n'existaient pas à son époque, mais il ne peut pas être si vieux qu'il ait connu des conditions vraiment différentes de celles dans lesquelles Hans et ses compagnons ont servi. Peut-être qu'il a fait des missions dans le cadre de la Quatrième Guerre Frontalière ; mais quoi qu'il en soit, entre un Sulieman de son époque et un Sulieman actuel, Hans sait très bien qu'il n'y a pour ainsi dire aucune différence : même le système d'air conditionné (le gros point faible des Sulieman, qui, si l'air n'en est pas changé au bout de trois semaines, se met à répandre dans tout le vaisseau une odeur de vieille chaussette macérée qui devient généralement intolérable au bout d'environ six semaines) n'a pas été amélioré, c'est dire !

    Rebondissant sur une autre des râleries de Belanshiir, Hans lui déclare :
    "Bon, vous savez les hublots obturés, c'est juste parce qu'on fait plus du promène-touriste qu'autre chose, d'habitude, hein... Moi aussi j'aime ça le gris de l'espace-saut, je trouve ça... reposant..."
    Une fois de plus, Belanshiir est déconcerté par son commentaire. Après un blanc, il hausse les épaules et se détourne en grommellant quelque chose d'incompréhensible. Le tremblement parkinsonien de ses mains devient plus nettement perceptible.

    Hans le laisse deux minutes avec Al, puis revient à la charge, alors que Belanshiir est encore en train de récriminer contre Al pour un motif des plus futiles, et d'un air innocent, lui demande :
    "Ah et puis aussi, excusez moi de vous déranger, mais comme vous êtes un ancien du SIEI... je peux vous demander un conseil, peut-être ? ... J'ai la synchro de la boucle de contre-réaction de mon régulateur de poussée qui est trop stable, j'ai même pas 1 % d'instabilité... Ca veut dire que je tire pas la puissance maximum du moteur, parce que si j'était à pleine bourre, je devrais avoir au moins 3 % d'instabilité non ? C'est quoi qui bloque à votre avis ? On pourrait peut-être débrider le stabilisateur pour mettre un peu plus la patate quand on est dans l'espace normal, non ? Je suis sûr qu'on peut gagner au moins 2 % de poussée..."
    "C'est quand même un comble que je sois obligé de vous donner des leçons de mécanique, jeune homme !" lui rétorque Belanshiir. "Ah, on ne m'y reprendra plus à voyager à votre bord ! Vous n'êtes que des incompétents !"
    Il fait une brève pause, ce qui permet au sang qui lui était monté aux joues de refluer quelque peu, puis reprend, en levant l'index de la main droite comme s'il allait faire une démonstration :
    "1 % d'instabilité seulement ? Effectivement, ce n'est pas normal. J'ai eu un problème de ce genre une fois sur un Donosev. En fait, c'est simple à résoudre quand on connait le truc. Mais évidemment, il faut bien s'y connaître en électromécanique astronautique, jeune homme. Vous allez faire... Euh... euh..."
    Et le professeur s'interrompt, l'air stupide, au moment de commencer son explication. Pourtant, il avait l'air d'avoir la réponse à la question !
    (réponse que, au passage, Hans connait fort bien ; il est certain que le point est carrément technique et qu'il faut pas mal d'expérience pour savoir ça, mais il n'est pas non plus le premier venu)
    Bref, le casse-pieds de service semble présenter, outre des symptômes parkinsoniens, quelques autres signes de sénilité, comme des pertes de mémoire...
    Hans lui glisse un élément de la réponse en posant innocemment une question. Mais cette stratégie ne fonctionne pas : après un assez long blanc (plusieurs secondes) avec le doigt levé, la parole lui revient et Belanshiir déclare vigoureusement :
    "Et je trouve inadmissible que vous ne soyiez même pas capable de gérer correctement la puissance de vos moteurs ! Comptez sur moi pour vous faire de la publicité ! Mais pas de la bonne !"
    La conclusion tirée par Hans de cette discussion (et partagée par ses compagnons) et que le vieillard emmerde le monde parce que c'est tout ce qu'il sait encore faire... Mais cela ne résoud pas le problème : non seulement il porte sur le système de l'équipage, mais il risque assez vite de gonfler les autres passagers.

    Après une sieste réparatrice, Gam quant à elle aborde Nicole Baron, et sous le prétexte d'un bavardage futile, elle tente de cerner une cause de soucis qui peut concerner ou pas l'équipage du Conscience Tranquille.
    Elle arrive assez facilement à lier le contact avec la passagère et à l'amener à lui parler un peu d'elle.
    Ce qui la préoccupe n'est pas franchement en rapport avec les personnages : Nicole Baron vient de signer un contrat avec le groupe Wickett & Hyal Prospection, pour travailler sur un champ d'astéroïdes "nouvellement ouvert" dans l'une des ceintures du système de Maitz, et elle espère arriver sur place dans les premiers, car W&H a déclaré que le groupe offrirait en prime aux trente premiers arrivés sur le site un petit pourcentage des bénéfices, en plus de leur salaire ; mais comme ils ont recruté plusieurs centaines de mineurs, la concurrence sera rude.
    Et si le "filon" se révèle aussi lucratif qu'on le prévoit, cela lui permettrait peut-être de changer d'horizons : acheter une part d'un petit vaisseau (comme Gam), monter une petite boîte de prospection d'astéroïdes, ou autre chose, elle ne sait pas encore très bien ; mais une chose est sûre, elle ne compte pas faire ce métier là toute sa vie.
    Elle a d'ailleurs un bagage qui lui permet de viser largement au delà de son activité actuelle, puisqu'elle est ingénieure, diplômée de l'École des Mines de Glisten. À vrai dire, il est même étonnant qu'elle se retrouve à exercer le métier de simple mineure...
    Gam discute avec elle des avantages et inconvénients de posséder une part d'un vaisseau. Nicole Baron est visiblement très intéressée par l'éclairage que peut lui apporter par son expérience son interlocutrice.
    Gam trouve en cette passagère un mélange de maturité, qui la surprend parfois sur certains points quand elle considère qu'elle n'a pas trente ans (non qu'elle soit elle-même beaucoup plus âgée en fait, puisqu'elles n'ont pas quatre ans d'écart), et d'idéalisme de la jeunesse, qui a tendance à ne pas toujours percevoir tous les revers d'un sujet.
    Trouvant des atomes crochus l'une pour l'autre, les deux femmes se mettent à discuter à bâtons rompus, et il ne faut pas longtemps avant qu'elles ne se mettent à se tutoyer. Quel changement par rapport à nombre de passagers que le Conscience Tranquille eu l'occasion de transporter jusqu'à présent !
    Mise en confiance, Nicole Baron fait part à son interlocutrice de ses appréhensions pour l'avenir, des choix de carrière qu'elle va devoir faire, de ceux qu'elle a déjà faits et qui n'étaient pas forcément judicieux, bref, elle avait visiblement besoin de parler à une oreille compréhensive.

    Al profite du dévouement de ses compagnons pour faire des microsiestes en attendant l'heure du coucher.

    Hans envisage la possibilité de faire un détour par la ceinture d'astéroïdes pour déposer directement Nicole Baron sur le territoire des opérations, et lui faire ainsi gagner un temps précieux. Selon l'emplacement précis dans la ceinture d'astéroïdes et le moment où le Conscience Tranquille va arriver dans le système, cela peut impliquer un détour plus ou moins long ; mais dans tous les cas, cela voudra probablement dire deux ou trois jours au minimum, et autant pour rejoindre la planète Maitz elle-même ensuite : c'est jouable par rapport aux délais pour se rendre sur Tivid au pied de l'Anekthor, mais cela réduirait d'autant le temps dont les personnages disposeront sur place là-bas pour se préparer avant l'ascension elle-même.
    Hans étudie la question, détermine que cela prendrait un peu plus de quatre jours, et donne ses conclusions au reste de l'équipage, déclarant à ses compagnons : "Après tout, ça pourrait être bien d'avoir une copine prospectrice - ingénieure des mines qui nous doive un service, non ?"
    Mais quand on lui demande s'il ne serait pas plutôt en train de se mettre en quatre parce que c'est une jolie femme, il affirme laconiquement que non. Mais il est soudain un peu trop rouge et se rappelle qu'il a de la maintenance préventive à faire d'urgence au fond de la cale...
    L'idée d'un détour, trop chronophage, est abandonnée. Gam l'annonce à la passagère, qui lui répond que ce n'est pas grave, elle ne comptait absolument pas sur ce genre de coup de pouce. "Mais c'est super sympa d'y avoir pensé, alors merci quand même..." ajoute t-elle.

    Bien vite, il apparait que l'insupportable Belanshiir va poser un gros problème pendant la semaine de huis-clos que va durer le saut, et les personnages se demandent comment ils vont bien pouvoir le gérer.

    Hans propose de dérégler subtilement le générateur de gravité de sa cabine pour y provoquer de petites variations de pesanteur, espérant lui donner le mal de l'espace. Il pense que sa victime n'osera jamais avouer qu'elle a le mal de l'espace, en tant qu'ancien du SIEI, et préfèrera rester terré à vomir dans sa cabine.
    C'est assez facilement réalisable. Pour des fluctuations aléatoires, il faudrait connecter les plaques gravitiques de la cabine à un ordinateur effectuant des tirages de nombres aléatoires, et l'imagination de Hans se laisse rapidement emporter par l'écriture (mentale) du programme adéquat. Un jeu d'enfant...
    Attention toutefois à l'amplitude des fluctuations, car il n'est pas rare que des passagers imprudents, voulant expérimenter l'apesanteur en coupant le générateur gravitique de leur cabine, se retrouvent avec un membre cassé lorsque la gravité revient brusquement à la normale. Et sur un vieux plus ou moins décalcifié, les fractures arrivent plus facilement... Hans prévoit donc une amplitude de la variation très faible, de préférence tout juste au niveau du seuil de perception, pour ne pas risquer un accident musculaire ou squelettique. Le but est juste de générer un inconfort presque imperceptible, mais qui s'impose lentement et qui grandit doucement...
    Mais le moins que l'on puisse dire est que le vieux a l'estomac bien accroché. Il a certes l'air fatigué, mais est-ce dû à son âge ou aux effets délétères du bricolage de Hans, les personnages n'ont pas le recul nécessaire pour le déterminer.
    Quoi qu'il en soit, il passe beaucoup de temps à dormir. Ce qui ne l'empêche pas d'être exécrable en quasi-permanence lorsqu'il est réveillé, et quoi que fasse le pauvre Al qui se démène frénétiquement, il n'arrive jamais à contenter cet éternel insatisfait.

    Al a eu beau redoubler d'efforts, il a assez vite saisi que se décarcasser n'est d'aucune utilité. Il aura beau faire, Belanshiir trouvera TOUJOURS un motif pour récriminer, aussi illusoire et bidon qu'il soit. Al le soupçonne d'ailleurs de salir des endroits exprès pour râler parce que le ménage n'est pas fait comme il faut, par exemple.
    Par contre, avec la pression qu'il est en train de se mettre lui-même, Al risque de s'épuiser, physiquement et surtout nerveusement !
    Bref, même si son amour-propre de crème de la crème des stewards doit en prendre un coup, il sait, rationnellement, au fond de lui, qu'il vaudrait mieux ne pas en faire plus que d'habitude, et se contenter de satisfaire les autres passagers (qui, quant à eux, semblent apprécier la cuisine du bord...).

    Bref, comme le suggère Gam, l'équipage du Conscience Tranquille fait le gros dos en attendant que la tempête se passe. Après tout, cela ne durera qu'une semaine. Et puis, même les autres passagers subissent ses jérémiades et n'hésitent pas à faire savoir qu'ils sont de tout cœur avec les personnages.
    Comme le déclare, désabusé, Calvin Garnier : "Sur un vaisseau, il suffit d'un emmerdeur pour gâcher un voyage... Et avec ce vieux sénile, je crois qu'on a tiré le gros lot !"
    Nicole Baron par contre semble avoir plus de mal à le supporter, et au bout de trois jours, elle s'exclame à l'issue d'un repas où l'encombrant passager s'est montré aussi odieux qu'à l'ordinaire, à la grande surprise de Al et alors que Belanshiir vient de quitter la table sur un nouvel éclat concernant la qualité du café, et se retire dans sa cabine pour y faire sa sieste post-prandiale habituelle : "Putain, s'il se calme pas le vieux, je vais lui péter la gueule ! Il peut pas nous laisser manger en paix, merde ? ! !"
    Y aurait-il finalement deux passagers "délicats" à surveiller au lieu d'un seul ?

    Gam tente de désamorcer la crise expliquant à Nicole Baron que la situation les embarrasse beaucoup, qu'ils sont navrés que son voyage soit "pollué par quelqu'un d'aussi chiant", mais que l'équipage risque un procès s'il tente beaucoup plus que essayer de calmer Belanshiir, tant qu'il ne commet pas de délit. Le mieux, c'est de l'éviter et de l'ignorer... Ce qui est difficile pour les autres passagers, qui prennent tous leurs repas à la même table, y compris Dame Sandra et Wallace Dougal. C'est beaucoup plus facile pour l'équipage, qui n'est pas obligé de socialiser avec les passagers ; à part évidemment Al, qui, en tant que steward, est constamment sollicité par Belanshiir...
    Nicole Baron confie à Gam que, même si elle n'aurait pas dû dire ce qu'elle a dit tout à l'heure, elle n'arrive vraiment plus à le supporter, lui et ses jérémiades continuelles, il lui tape vraiment sur le système, elle va vraiment finir par craquer.
    C'est vrai qu'en lui parlant, Gam la sent stressée nerveusement. Mais si elle met à exécution sa menace de "péter la gueule" à Belanshiir, elle pourrait faire du dégât : le vieux est probablement partiellement décalcifié, et Nicole Baron est jeune, athlétique, et musclée, métier physique oblige. Et vue sa tension nerveuse actuelle, Gam pense qu'un dérapage est vraiment à craindre, à l'un ou l'autre repas. Elle est presque prête à parier qu'il aura lieu avant l'arrivée à Maitz.

    Al tâche de désamorcer un conflit potentiel entre les passagers en discutant avec eux sur Belanshiir, sur sa maladie : il tente de les apitoyer, comme il l'est finalement lui-même un peu...

    Avec Calvin Garnier, cette manœuvre marche assez bien. Le bonhomme lui confie qu'il trouve triste qu'un homme de l'espace finisse comme ça, qu'il n'aimerait pas que ça lui arrive à lui, que c'est surtout pour l'entourage que c'est éprouvant parce que soi-même, on ne s'en rend pas compte, que d'ailleurs il a remarqué que ça arrive souvent aux gens de l'espace, de finir comme ça : les astéroïdiens, les spationautes, il en connait plein qui ont fini par perdre la boule en vieillissant, avec ce genre de symptômes, "pas aussi pénibles que lui, mais quand même... Ça doit être une conséquence des radiations qu'on encaisse à longueur de temps dans l'espace, même avec les protections qu'on a..."
    Bref, s'il se montre compréhensif, l'aboutissement de ses réflexions serait plutôt de nature à saper le moral d'Al.

    Jannik Brite prend les choses avec une certaine philosophie : "Vous savez, c'est pas forcément pire que certains clients qu'on peut rencontrer. Pas dans le même genre, et puis on ne les supporte pas en vase clos pendant toute une semaine, mais après tout, une semaine, c'est vite passé !"
    Et elle ajoute : "Vous savez, à mon avis, vous en faites trop pour lui. De toutes façons, il ne sera jamais satisfait. Il prend son pied à râler... Alors, arrêtez de vous en faire, vous n'y pourrez rien, c'est comme ça !"

    Wallace Dougal, qui semble agacé intérieurement (il est toujours aussi imperturbable extérieurement) est certes de l'avis d'Al, mais il estime que l'entourage de Belanshiir devrait le prendre en charge. "On ne devrait pas laisser un vieillard dans cet état voyager seul..."

    Dame Sandra, avec un sourire, déclare à Al que ce Belanshiir est effectivement particulièrement insupportable, qu'elle doit elle-même prendre sur elle pour ne pas le remettre à sa place (chose dont elle est de toutes façons convaincue que cela ne fonctionnerait pas, vue la semi-sénilité de l'individu), mais que "c'est le genre d'inconvénients auxquels on doit s'attendre quand on choisit de voyager à bord d'un petit transporteur au lieu de prendre un paquebot de luxe" (déclaration qu'elle appuie d'un clin d'œil enjoué). "Ah, ce n'est pas sur les Lignes Maxos qu'on aurait à subir ce genre de choses !"

    Nicole Baron par contre n'est pas réceptive aux arguments d'Al. Comme Gam tout à l'heure, celui-ci la sent stressée, sur les nerfs. Il est évident que les enjeux qui l'attendent dans le système de Maitz la travaillent, et qu'elle s'est mis toute seule avec ça une sacrée pression. Alors devoir en plus supporter Belanshiir et ne pas pouvoir prendre ses repas paisiblement, il est naturel que ça n'arrange pas les choses...

    Hans, qui trouve que le comportement de Belanshiir est une triste fin pour un ancien du SIEI, suggère à Gam d'assaisonner le repas du passager pénible avec un médicament qui lui donnerait la courante et le clouerait dans sa cabine à faire l'aller-retour entre son lit et les sanitaires : "À cet âge là, les vieux, ça digère mal... Et pour peu que le produit ne laisse pas de traces, ce sera juste une bonne gastro-entérite à mettre sur le compte de son intestin fatigué."
    L'idée est réalisable, mais le problème est de droguer Belanshiir sans contaminer les autres passagers, car pour des raisons pratiques, Al monte les plats... en plat, justement, et sert ensuite dans les assiettes à table. C'est plus simple que de monter six assiettes remplies d'un étage à l'autre...

    Pour résoudre le problème de l'administration du produit, Gam propose de regarder Belanshiir d'un air extrêmement préoccupé, et de lui proposer finalement une visite médicale où elle lui diagnostiquerait une affection plausible qui l'amènera à prendre une médication. Mais lorsqu'elle tente le coup, Belanshiir la regarde d'un sale œil et lui rétorque sur un ton agressif : "Je vais très bien ! Si j'étais malade, je le saurais !"

    Al décide finalement, avec la complicité de Gam, de faire avaler un laxatif au casse-pieds.
    La solution fournie par Gam est d'une élégance incomparable. Ses connaissances en médecine traditionnelle vilanie l'amènent à employer relativement fréquemment des plantes originaires de Vland. Ces plantes ne sont pas comestibles sans avoir subi un traitement préalable (généralement au moyen d'un mode de conservation particulier, ou d'un traitement chimique). Une fois traitées par contre, elles deviennent parfaitement assimilables par un organisme humain.
    Gam ayant suivi une formation de shugilii avant de quitter Centra et de mettre à jour ses connaissances médicales grâce au SIEI, sait fort bien comment préparer ces plantes. Elle remet donc à Al suffisamment de baies de jenfadebr pour parfumer cinq parts de sorbet (la cuisson (sous forme de tartelettes, par exemple) risquant d'atténuer les effets)... ainsi qu'une petite poignée des mêmes baies, dont l'aspect semble indiquer qu'elles ont été cueillies beaucoup plus récemment. Cette dernière poignée n'a pas encore eu le temps de subir la longue préparation qui les rend digestes, et n'est donc pas assimilable par l'appareil digestif d'un humain non génétiquement modifié. En principe, cela devrait selon Gam avoir sur Belanshiir l'effet d'une bonne purge, sans autre conséquence, et sans laisser de traces.
    Toujours prévenant, Al demande un peu plus de baies comestibles, pensant préparer un peu de rab de sorbet pour l'équipage du Conscience Tranquille, à commencer par Hans.
    Faisant bien attention de ne pas mélanger les deux types de baies, il s'attelle à la tâche de préparer le repas du soir. Mais le voici face à un dilemme : doit il préparer dès maintenant les sorbets, et les servir tout à l'heure, avec le risque que Belanshiir soit malade pendant la nuit, mais rétabli le lendemain matin, ou vaudrait il mieux attendre le repas du lendemain midi, en espérant que Nicole Baron résistera encore un peu à la tentation de "péter la gueule" au vieil emmerdeur ?

    Après de longues discussions, les personnages décident d'attendre le lendemain pour empoisonner le casse-pieds. Pour éviter les problèmes entre passagers lors du dîner, Kyle invite Belanshiir à la table du capitaine (c'est-à-dire celle de l'équipage).


    Le dîner de cons


    Belanshiir est visiblement surpris quand Al lui transmet l'invitation du capitaine ; tellement qu'il en oublie de récriminer. À l'heure dite, il est prêt, attendant Al de pied ferme dans sa cabine, vêtu un peu mieux qu'à l'ordinaire (même si ses vêtements ne sont pas de la dernière mode et sont quelque peu défraîchis) : il a troqué son vieux treillis pour un costume de ville, laissé au clou sa vieille casquette, et attaché ses cheveux gris en une courte queue de cheval.
    Il accompagne Al jusque dans la salle commune de l'équipage, où Kyle l'accueille à la table, et se fend même d'un remerciement poli à l'égard du capitaine. Bref, il semble presque qu'il ne s'agisse plus du même individu...

    Le repas commence sans anicroche. Les personnages orientent la discussion sur la carrière du vieil homme au sein du SIEI, et celui-ci leur débite à la pelle des récits de ce qu'il a vécu dans les rangs de leur vieille "maison". Il n'y a rien là d'exceptionnel d'ailleurs, juste des histoires comme ils en ont déjà entendu mille fois, voire vécu eux-mêmes. En tous cas, même s'ils le soupçonnent parfois d'enjoliver quelques faits (à moins que ce ne soit sa mémoire qui lui joue des tours ?), il ne cherche pas à en rajouter, ni à se donner particulièrement le beau rôle. Ce qu'il raconte là, c'est le quotidien d'un explorateur lambda du SIEI...
    Il est par contre intarissable, et les autres convives parviennent difficilement à en placer une.

    Dans la salle à manger des passagers, l'ambiance est nettement plus détendue qu'à l'accoutumée, et les dîneurs plaisantent et rient beaucoup. Calvin Garnier interpelle Al lors de l'un de ses passages, lui demandant comment ça se passe "en bas", et Jannik Brite ajoute qu'"on ne remerciera jamais assez votre capitaine pour son dévouement... ou non, plutôt pour son esprit de sacrifice", ce à quoi l'assemblée part d'un grand éclat de rire.
    Al ne rentre pas dans les remarques grinçantes des passagers : Belanshiir est certes imbuvable, mais également "vieux, usé et fatigué", ce qui l'incite à faire quand même preuve de compassion à son égard.

    Le repas est terminé, et les personnages en sont au café et aux liqueurs, quand Belanshiir lâche d'un ton des plus banals :
    "Finalement, ça vaut pas le coup de manger avec vous : la bouffe est aussi dégueulasse que celle que vous servez aux passagers, et votre conversation n'est pas plus intéressante. En plus, vous auriez pu ranger la pièce pour recevoir du monde : non mais vraiment, on se croirait dans une chambre d'ado..."
    Alors qu'Al a passé un certain temps à ranger la salle commune, à y faire le ménage, et à tenter d'y apporter une petite touche de décoration !

    Bref, le Belanshiir imbuvable est toujours bien présent... et Kyle a fort envie de lui sauter dessus.

    Le dîner avec Piyotr Belanshiir se termine enfin, et l'odieux individu est reparti sur le pont supérieur, non sans qu'il ait eu le temps de se plaindre de la qualité du café préparé par Al et de déclarer que "Franchement, capitaine Smâa, l'indigence de votre cave à liqueurs me désole...", entre autres réflexions pas vraiment agréables à entendre.
    C'est un véritable soulagement pour les personnages de ne se retrouver que tous les quatre dans leur salle commune, dont ils ont même accéléré le renouvellement de l'air pour chasser jusqu'à l'odeur du casse-pieds.

    Gam fait le bilan :
    "Ben, le but de cette soirée, c'était de faire patienter, en attendant de passer à l'offensive. Au moins, ce soir, personne s'est mis sur la gueule."

    La nuit se passe. Au matin, Nicole Baron préfère utiliser le distributeur automatique situé dans la salle commune des passagers et grignoter toute seule dans sa chambre que de prendre son petit déjeuner avec les autres, et avec Belanshiir en particulier, ce qui soulage les personnages de la crainte de la voir mettre à exécution ses menaces de "péter la gueule" au vieil emmerdeur.
    Al passe une partie de la matinée à préparer soigneusement ses sorbets au jenfadebr, dont le fameux sorbet destiné à Belanshiir et contenant les baies non préparées dont il espère qu'elles vont avoir sur lui un bon gros effet purgatif et l'affaiblir suffisamment pour qu'il laisse tout le monde tranquille pendant au moins une demie journée... mieux que rien, mais il reste encore trois jours de saut, plus le temps entre la sortie du saut dans le système de Maitz et l'arrivée sur la planète, où le Conscience Tranquille pourra enfin faire débarquer ses passagers. Les personnages envisagent fugitivement de remplacer l'un des passagers en cryo par Belanshiir une fois celui-ci malade, mais cette solution soulevant de multiples nouveaux problèmes, elle est rapidement abandonnée.

    Le déjeuner se passe dans une certaine tension, à moins que ce ne soit une impression que ressent Al en raison de l'enjeu. Les autres passagers se sont placés de telle sorte que Belanshiir et Nicole Baron ne soient ni face à face, ni l'un à côté de l'autre, et Dame Sandra et Calvin Garnier, face à face au milieu de la tablée, tentent visiblement de constituer un "rideau" entre les deux et d'accaparer l'attention de Nicole Baron en lui faisant la conversation, tandis que Jannik Brite, qui affiche un sourire de plus en plus crispé au fur et à mesure que le repas se déroule, semble s'être dévouée pour supporter le vieux pénible assis en face d'elle (et qui bien entendu, a commencé par râler parce qu'il voulait s'asseoir au milieu et pas en bout de rangée).
    Malgré tous les efforts de Belanshiir pour pourrir la vie de tout le monde avec ses récriminations, le repas se déroule sans violence, même s'il semble à Al avoir vu Nicole Baron s'empourprer une fois ou deux, suite à quoi Garnier s'est systématiquement tourné vers elle pour lui adresser la parole un peu fort...
    La distribution des sorbets se fait sans problème, et ce dessert est visiblement apprécié des convives.
    Après le café (ou plutôt "la lavasse", s'il faut en croire Belanshiir), celui-ci se retire dans sa cabine pour sa sieste post-prandiale. À peine a t-il disparu que Jannik Brite déclare aux autres passagers : "Je vous préviens, ce soir, on change les places à table !"

    L'après-midi (si tant est qu'on puisse parler d'après-midi dans l'espace-saut) se déroule sans anicroche. Nicole Baron et Piyotr Belanshiir restent cloîtrés dans leurs cabines respectives.
    Mais quand vient le repas du soir, si la première sort de son antre au tout dernier moment en arborant une mine bougonne, le second n'apparait pas, malgré l'annonce de Al. Serait il malade ?

    Gam va toquer à la porte de sa cabine pour se renseigner. De l'intérieur, une voix étouffée lui parvient : "Foutez moi la paix ! J'ai pas faim !"
    Pas de doute, c'est bien lui...
    "Vous vous sentez bien ?" demande t-elle sur un ton aimablement préoccupé.
    La réponse, un grommellement, est incompréhensible à travers la porte, mais son ton irrité ne fait aucun doute...

    Al lui propose un repas en cabine, s'inquiétant de ses besoins éventuels : un potage, une soupe, un repas léger, un plateau copieux ? Il faut trois tentatives de la part de Belanshiir pour lui faire comprendre à travers la porte que non, il ne veut rien, et que s'il veut manger sa nourriture de merde, il le sonnera... On dirait qu'il a du mal à râler aussi fort (en volume) qu'il le voudrait.

    Le repas, tant celui de l'équipage que celui des passagers, se déroule relativement paisiblement.
    Les passagers ont bien entendu remarqué l'absence de Belanshiir (comment faire autrement ?), mais elle ne semble pas les préoccuper outre mesure, et aucun ne semble s'en inquiéter particulièrement.

    Quand Gam, craignant que le malade ne finisse par se déshydrater, retourne au bout de deux heures frapper à la porte du reclus (tandis que le reste des passagers a choisi de veiller un peu dans la salle commune pour y regarder une vidéo tout en discutant), elle a droit à un "Gnnn... Foutez moi la paix !" pas très fort.
    En l'absence de moyen de surveillance précis de ce qui se passe à l'intérieur de la cabine, et compte tenu du fait qu'il est probable que l'état de Belanshiir le fatigue et l'amène à dormir longtemps et profondément, donc qu'il ne réponde pas au prochain passage que Gam projette de faire, celle-ci décide de surveiller la composition de l'air de sa cabine : tant que la consommation en oxygène et les rejets en dioxyde de carbone (pas en eau, car il y a trop de facteurs pouvant perturber la mesure, à commencer par l'utilisation des robinets de la cabine) correspondent approximativement à la respiration d'un être humain de sa masse corporelle, c'est signe que le passager est encore vivant (sans préjuger évidemment de son état précis). Vue l'heure tardive, elle confie la surveillance à un système informatique, avec pour consigne de la prévenir si les paramètres sortent d'une certaine fourchette, puis va se coucher.

    La nuit se passe sans encombre. Le lendemain matin au réveil, les paramètres de surveillance de la cabine sont stables et conformes aux valeurs attendues.
    La matinée commence, tous les passagers sont sortis prendre leur petit déjeuner, sauf Belanshiir.
    "Il est peut-être crevé ?" suggère Calvin Garnier, ce à quoi Nicole Baron répond à voix basse "Ce serait trop beau...".


    Qui c'est qu'a pété ?


    Al va quand même proposer de quoi se restaurer au malade. Il frappe à la porte, puis appelle à travers, sans obtenir de réponse.
    En tendant bien l'oreille, il lui semble percevoir un ronflement relativement régulier...

    Comme Al plus tôt dans la matinée, Gam frappe à la porte quelques heures plus tard mais n'obtient pas de réponse. Et comme Al, il lui semble entendre ronfler dans la cabine... Les "indicateurs" basés sur la composition de l'air de la cabine restant dans la fourchette normale, elle ne s'inquiète pas outre mesure : Belanshiir a dû passer une nuit blanche, à courir entre son lit et les toilettes, et à se tordre en même temps que ses boyaux, et il récupère maintenant.

    Le déjeuner se passe sans l'odieux individu, et il est manifeste qu'en son absence, l'ambiance est nettement plus détendue.
    L'après-midi se déroule elle aussi sans encombre, Belanshiir ne réapparait pas pour le dîner, bref, tout se passe bien. Encore deux jours comme ça, et ce sera l'arrivée à Maitz !

    Ce n'est qu'en fin de soirée que la porte de la cabine s'ouvre enfin, pour laisser sortir, d'abord une puanteur diarrhéique atroce, ensuite un Belanshiir pâle et flageolant, qui déclare à Al, seul en train de ranger la salle commune des passagers : "Votre bouffe est décidément infecte... Je crois bien qu'elle m'a rendu malade."
    Un coup d'œil par la porte ouverte permet à Al de constater que le vieux pénible n'a pas toujours visé correctement la cuvette des WC : il y aura du boulot pour nettoyer tout ça.

    Gam lui propose avec insistance un examen médical, arguant du fait que comme personne n'est malade à bord, c'est peut-être autre chose, un virus ou un dérèglement interne...
    Après avoir catégoriquement refusé, au prétexte que "ce n'est qu'une petite chiasse, j'en ai vu d'autres !", Belanshiir finit par se laisser convaincre par son insistance.
    En l'absence d'infirmerie à bord, Gam réalise l'examen dans la cabine du passager, dont le renouvellement de l'air a été accéléré pour permettre la dissipation des odeurs fétides.
    Belanshiir s'est effectivement conduit comme un goret, ne prenant pas forcément la peine de sortir le WC escamotable et prenant les draps de sa couchette pour du papier toilette.

    Accompagnant ses actes de tout un tas d'explications médicales, suffisamment alambiquées pour inquiéter son patient, mais suffisamment simples pour qu'il ne la soupçonne pas d'en rajouter, Gam procède à un examen poussé de Belanshiir au moyen du senseur médical du bord, qu'elle a relié à son ordinateur personnel, et de divers accessoires. Une fois qu'elle a (assez rapidement) déterminé qu'à condition de boire beaucoup ou d'être mis sous perfusion, le vieux pénible ne court a priori aucun risque vital, elle peut s'en livrer à cœur joie dans le diagnostic alarmiste, et faire admettre au malade, dont les récriminations de protestations se font de moins en moins vives à mesure qu'elle l'assomme de petites phrases inquiétantes, qu'il doit être placé sous perfusion car "dans l'état actuel d'irritation où se trouvent vos muqueuses intestinales, et vus les dérèglements manifestes de votre pancréas exocrine... dites moi, vous est il arrivé de faire des accès de fièvre brutaux accompagnés de vomissements sanguinolents ? Toussez, s'il vous plaît... plus fort !", c'est la seule solution pour alimenter correctement son organisme, et qu'il doit être maintenu dans un strict isolement, évitant au maximum les contacts avec d'autres personnes, "au cas où votre état se révèlerait contagieux... avec les moyens réduits dont nous disposons à bord, c'est un risque que je ne peux ni confirmer, ni infirmer, et vous qui avez une longue expérience de l'espace, vous comprendrez aisément que nous ne pouvons pas nous permettre de courir le risque que vous contaminiez d'autres personnes à bord, en particulier l'équipage... Je vais d'ailleurs moi-même me placer sous traitement préventif, par précaution."

    Bref, Gam parvient à convaincre Belanshiir de rester enfermé dans sa cabine, sans en sortir avant l'arrivée à Maitz, et de n'avoir de contacts qu'avec Al et elle. Elle lui pose en outre une perfusion afin de le réhydrater et de le nourrir, et en profite pour lui administrer par voie veineuse un sédatif, dont elle prétend qu'il s'agit de médicaments destinés à lutter contre sa (prétendue) maladie.

    Le subterfuge (et surtout les injections répétées de sédatif dans la perfusion) fonctionne remarquablement bien, et Gam parvient ainsi à avoir la paix à bord du Conscience Tranquille jusqu'à la sortie du saut.

    Pour poursuivre la mascarade jusqu'au bout, elle constitue un dossier médical bidonné, expliquant que son dérèglement intestinal a rendu le patient agressif, qu'il a commencé à vandaliser sa chambre de manière particulièrement répugnante, etc... ; d'où les sédatifs. Ceci afin de pouvoir confier Belanshiir à l'infirmerie du spatioport orbital de Maitz, où les médecins n'auraient pas manqué de déceler l'administration de ces médicaments.


    Maitz, enfin !


    Belanshiir étant désormais à peu près sous contrôle, puisqu'il n'est plus en mesure de sortir de sa cabine et que donc seuls Gam et Al ont encore à subir ses éternelles récriminations, atténuées par les tranquillisants dont il est bourré, la fin du voyage semble se dérouler très vite, et le Conscience Tranquille émerge dans le système de Maitz, avant-dernière étape avant Tivid et l'Anekthor.
    Après avoir ravitaillé en hydrogène en écumant l'atmosphère d'une des deux géantes gazeuses du système, les personnages mettent le cap sur Maitz elle-même, et le 065, après avoir suivi un parcours délicat entre les orbites des lunes, astéroïdes, satellites artificiels et autres débris qui l'entourent, le vaisseau s'amarre au spatioport orbital de la planète.
    Il reste 25 jours avant le départ de l'ascension, et compte-tenu des deux sauts qu'il reste à faire, des temps de manœuvres intra-systèmes (peut-être cinq ou six jours en tout), des délais nécessaires pour trouver, charger et décharger les cargaisons, embarquer et débarquer les passagers, il ne faut pas traîner !

    Ne pas traîner, c'est d'ailleurs ce que fait Nicole Baron en quittant le bord : pressée d'arriver dans les premières sur le champ d'astéroïdes où elle doit travailler afin de toucher un pourcentage des bénéfices, comme elle l'avait expliqué à Gam, elle prend à peine le temps de dire au revoir avant de foncer hors du Conscience Tranquille, le portable à l'oreille, ses sacs sur le dos et sa valise à la main.
    Belanshiir quant à lui assure qu'il est extrêmement mécontent de son voyage, qu'il ne manquera pas de faire à l'équipage la publicité qu'il mérite, et que "ce n'est pas de cette façon là que vous réussirez à gagner votre vie dans l'espace, jeunes gens". Puis il reporte son aigreur sur les deux brancardiers du spatioport qui sont venus le prendre en charge, et à qui Gam a confié le dossier médical quelque peu bidonné. C'est avec soulagement que tout le monde les voit s'éloigner avec ce vieux pénible.
    Jannik Brite et Calvin Garnier prennent quant à eux le temps de remercier les personnages, avant de partir chacun de son côté.


    Maitz (1105)


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