Les voyages du Conscience Tranquille : Fornice (1105)
Gam, qui trouve qu'on commence un peu à s'ennuyer à bord, commence à draguer Swen Jonathan. Ce dernier est d'une apparence plutôt banale, mais pourrait sûrement être beau gosse s'il prenait un peu soin de son apparence. Par contre, ce que Gam prenait au premier abord pour de la timidité n'en est pas vraiment : il est socialement à côté de la plaque et n'a probablement pas compris là où elle voulait en venir.
En fait, comme elle s'en rend assez rapidement compte en essayant de nouer des liens, la seule chose qui semble l'intéresser, c'est sa collection de spectroscopies stellaires, qu'il a prises au fil de ses (visiblement nombreux, ce qui, vu son âge relativement jeune, tendrait à indiquer qu'il s'agit d'un fils de famille friquée dilapidant son héritage au lieu d'étudier ou de gagner sa vie) voyages. Et Gam a beau avoir des rudiments en la matière datant de la formation théorique de base inculquée par le SIEI, elle a du mal à partager son enthousiasme pour ce genre de clichés, et doute que même un astrophysicien puisse être sur le même trip, car il s'agit quand même d'images amateures dont l'intérêt scientifique laisse à désirer.
Ajoutons encore à cela que, s'il y a des gens qui savent rendre communicatif leur enthousiasme pour des sujets barbants, ce n'est pas le cas de M. Jonathan, et que par ailleurs, sa réelle compréhension du sujet semble des plus limitées (il n'a visiblement pas les bases scientifiques pour ça), et Gam en conclut que, bien qu'il semble personnellement ravi de pouvoir faire partager sa passion à une tierce personne, il est plus ennuyeux qu'autre chose.
Un point positif quand même : contrairement à ce qu'on pourrait croire à ce stade de la description, il sait apparemment ce qu'est l'hygiène corporelle et comment on l'entretient.
Escale à Fornice
La semaine dans l'espace-saut se passe sans incident notable. Comme attendu, Swen Jonathan est un handicapé social. Rishar Lagkuurda parle beaucoup et trop fort et se croit intéressant, amusant et spirituel (trois choses qu'il n'est certainement pas au goût de ceux des personnages qui sont amenés à le fréquenter, même si ceux-ci trop professionnels pour lui donner leur avis sur le sujet) ; il passe sa semaine à essayer d'impressionner Dame Sandra, mais il est manifeste que, si Wallace Dougal ne cache pas la piètre opinion qu'il a de "ce parvenu", Dame Sandra elle-même n'a pas non plus une très haute impression de l'individu qu'elle remet à sa place plus d'une fois (malheureusement, Lagkuurda ne semble pas saisir les subtilités des remarques caustiques, voire des insultes élégamment habillées, de sa victime).
Quant aux deux autres passagers, ils sont "normaux" ; Ashran Siikusir est quelque peu geek et fasciné par la haute technologie (au moins pour ce qui est de l'informatique et de l'audiovisuel), et China Sanchez semble légèrement complexée par ses quelques rondeurs, mais au moins ils ont une conversation "normale", des centres d'intérêt "normaux", et un comportement "normal".
Al fait quand même de son mieux pour que Lagkuurda se sente à l'aise et intéressant, sans pour autant qu'il ennuie ses compagnons de vol. C'est-à-dire qu'il passe beaucoup de temps à supporter l'individu, qui est effectivement lourd.
Quant à Swen Jonathan, une petite séance de visionnage de quelques-unes de ses spectroscopies stellaires (un domaine dans lequel ses bases sont plus poussées que celles de Gam) laisse à Al une sensation comparable à un désagréable goût de cendre et de déprime... Ce type est profondément ennuyeux et atterrant.
Le 054-1105, le Conscience Tranquille émerge dans le système de Fornice. Après avoir refait le plein d'hydrogène dans l'atmosphère d'une des deux géantes gazeuses du système, il met le cap sur Fornice elle-même.
Plutôt petite et très peuplée, Fornice est une planète relativement moderne, même si ce n'est pas Mora.
Une fois l'autorisation de se poser obtenue et le Conscience Tranquille stationné sur le tarmac du spatioport, les personnages s'attellent sans tarder au déchargement de leur cargaison.
Ils sont visiblement arrivés en plein cœur de l'été local, dans une saison comparable à la mousson du sud-est asiatique, et c'est sous des trombes d'eau que les passagers quittent le bord. Faisant la moue devant les conditions climatiques, Dame Sandra, qui espérait visiblement faire comme à l'accoutumée un petit tour dans les environs, déclare qu'elle attendra un peu.
Le récipiendaire des holos de Hot'n'Spicy, un technicien en salopette avec un grand chapeau de pluie, les recompte au déchargement, semble étonné mais soulagé que le compte y soit, et fait à Al et Kyle : "Si vous saviez le nombre de ces machins qui disparaissent mystérieusement pendant les transports, les mecs..."
Kyle regarde Al avec un long regard entendu : "Oui, disons qu'on a une assez bonne idée des pertes lors des transports. Vous savez, les holos des groupes connus, c'est une denrée assez périssable..."
Le Conscience Tranquille prend en charge quelques-unes des cargaisons attendant leur convoyage jusqu'à Maitz :
Toutes ces marchandises seront chargées à bord dans les trois jours, ce qui devrait permettre au vaisseau de redécoller le 057-1105.
Côté passagers, c'est une fois de plus l'affluence, avec vingt candidats au voyage vers Maitz en cabine et dix-sept pour la cryo, pour quatre places disponibles dans chaque catégorie.
Les aventuriers du Gnak'kak perdu
L'agente commerciale avec lequel les personnages viennent de faire affaire (par vidéocom interposé) pour la prise en charge des 7 tonneaux de sculptures, une femme d'une quarantaine d'années dont les cheveux teints dans des tons allant de l'orange au mauve sont empilés au dessus de sa tête en une sorte de cône dont nos héros se demandent parfois comment il peut tenir ainsi sans s'effondrer, et comment elle le protège lorsqu'elle sort des trombes de pluie qui s'abattent presque sans discontinuer sur la ville en ce moment, recouvrant le tarmac du spatioport d'une couche d'eau épaisse de quelques millimètres et qui s'écoule le long de la légère pente vers un système de fossés grillagés, marque une hésitation avant de se lancer brusquement pour leur demander s'ils seraient disposés à entreprendre pour son compte, moyennant une rémunération des plus substantielles, un petit travail délicat afin de réparer une horrible bévue. De la façon dont c'est présenté, c'est probablement à la limite de la légalité... de l'autre côté de la limite, bien sûr.
Kyle et Gam, potentiellement intéressés, demandent à avoir plus d'informations.
Après un léger temps d'hésitation, leur interlocutrice (qui s'est présentée sous le nom de Salma Currie) pousse un soupir et commence à déballer son histoire sous le sceau du secret :
Une délégation commerciale centaure (le terme couramment employé par les humains pour désigner les K'kree) a lancé des négociations sur plusieurs mondes du sous-secteur de Mora, dont Fornice, pour la distribution de produits centaures dans les Marches Directes. Le Conseil Planétaire des Marchands Forniciens (CPMF) a fait une proposition, mais il se trouve bien entendu en compétition avec d'autres sociétés et groupes d'intérêts commerciaux désireux de remporter eux aussi le gros lot.
La délégation centaure se trouve actuellement sur Fornice, où elle est logée et "encadrée" par le CPMF, qui a fait bâtir à son intention une enclave pour la loger non loin du spatioport (les centaures étant claustrophobes et agoraphobes, l'enclave en question, une structure d'un type assez courant lorsqu'on a affaire à une délégation k'kree, est un immense dôme qui abrite les ET tout en leur donnant (en particulier au moyen de paysages holographiques) l'illusion de grands espaces).
Le CPMF, ayant appris que le chef de la délégation centaure était un amateur éclairé d'art multimédia centaure, s'est procuré à grand prix (et avec moult difficultés) une œuvre d'art d'Irmi Kagashur, une artiste impériale qui est l'un des rares non-centaures à maîtriser cette forme d'expression artistique. Malheureusement, le chef d'œuvre, une pièce baptisée Gnak'kak, ce qui se traduit approximativement par Murmures d'été, a été dérobé par des malfrats agissant probablement pour le compte d'un groupe d'intérêt commerciaux rival du CPMF (probablement, parce que l'enquête officielle n'est pas terminée et que le jugement n'a pas encore eu lieu). Heureusement, les marchands forniciens ont réussi à récupérer in extremis Gnak'kak (sur Mora), qui a finalement été offert au chef des centaures il y a deux jours.
Malheureusement, les Forniciens ont réalisé ensuite que Gnak'kak avait été endommagé dans les péripéties subies ; ce n'est pas facilement décelable pour un humain (ce qui explique que le problème n'ait été décelé qu'après coup, en comparant des images de l'œuvre prise après son sauvetage avec d'autres antérieures au vol), mais pour un centaure, surtout un connaisseur, ça ne sera pas la même chose.
Or, le chef de la délégation, visiblement très content de son cadeau, ne l'a pas vraiment regardé de près : il compte le dévoiler de façon cérémonielle dans trois jours (le 057), c'est-à-dire le jour où doivent être annoncés les résultats des négociations.
Le CPMF craint que lorsque les centaures se rendront compte que Gnak'kak est abîmé, ils en soient offensés et choisissent un de ses concurrents pour signer le juteux contrat.
Kagashur se trouvant encore sur Fornice, les marchands forniciens ont obtenu d'elle qu'elle répare les dégâts ; mais le CPMF ne souhaite pas attirer l'attention sur les embrouilles entourant Gnak'kak, et a donc besoin que des gens s'introduisent discrètement dans l'enclave centaure et remplacent ses parties abîmées par celles que Kagashur vient de réaliser. Mais au cas où ces gens se feraient prendre, le CPMF nierait avoir eu connaissance de leurs agissements (mais s'arrangerait toutefois pour les sortir discrètement des mailles de la justice).
Salma Currie propose aux personnages cent mille crédits pour l'opération, qui doit être réalisée dans les deux jours.
En demandant des précisions, nos héros apprennent les détails suivants :
Gnak'kak est constitué d'une série de projecteurs holographiques, qui produisent une image en trois dimensions représentant des plantes originaires de Kirur en train d'onduler sous l'action du vent ; d'un haut-parleur qui émet pendant une quinzaine de minutes ce qui pour des oreilles humaines n'est que cacophonie ; et d'un grand nombre de croissants en cire, qui sont l'élément central de l'œuvre, le reste étant très grossièrement comparable au cadre d'un tableau ou au piédestal d'une statue.
Pour contempler Gnak'kak, un K'kree met en route l'image et le son, et place l'un des croissants dans la paume de sa main, calé contre son pouce et enclos (sans serrer) entre ses doigts. Les croissants sont faits de mélanges de cires qui fondent à des températures légèrement différentes. La chaleur de la main du K'kree réchauffe le croissant, faisant fondre les cires l'une après l'autre en dégageant une série d'odeurs, qui sont l'élément central de toute forme d'art k'kree (les K'kree ayant un odorat particulièrement développé).
Ce sont ces éléments en cire qui ont été endommagés et doivent être discrètement remplacés.
L'enclave k'kree est une imposante structure en forme de dôme, de 120 mètres de diamètre environ, et d'une hauteur maximum d'environ trente mètres, qui peut héberger confortablement une centaine d'individus adultes. Le dôme, en matière plastique, permet de protéger l'intérieur de l'enceinte des pluies diluviennes qui s'abattent actuellement sur la région. À l'intérieur, des projecteurs holographiques dissimulent la paroi en donnant l'impression d'un paysage de savane s'étendant jusqu'à l'horizon virtuel.
La plus grande partie de l'espace intérieur est entièrement dégagée et occupée par des herbes plus ou moins hautes. Quelques cloisons légères isolent les machineries et les lieux de stockage.
L'éclairage intérieur a été réglé de telle sorte qu'il simule le rythme circadien de Kirur (dont le jour dure 28,6 heures standard), avec un éclairage réduit la nuit et une fausse voûte céleste imitant le ciel de Kirur, avec ses étoiles et sa lune Kirrixur, projetée sur le plafond et les parois du dôme.
Les conditions nocturnes à l'intérieur correspondent donc à un éclairage deux fois plus puissant que celui de la pleine lune sur Terre, par exemple, ce qui devrait être suffisant pour agir sans avoir besoin d'un éclairage d'appoint, mais sans bénéficier d'une obscurité complice.
La paroi du dôme est en matière plastique rigide, a priori suffisamment résistante pour qu'on puisse marcher dessus, mais l'absence d'aspérités alliée aux fortes pluies risque fort de rendre la surface glissante et la chute quasi-assurée, à moins de s'amarrer à la paroi.
L'entrée, assez grande (environ trois mètres de haut sur six de large), est fermée par une porte.
Le dôme ayant été réalisé pour le CPMF, Salma Currie peut en fournir le plan et indiquer les conditions d'éclairage à l'intérieur à un moment précis.
Il se situe à proximité du spatioport : quelques minutes en aéromobile et moins d'une demi-heure de marche (non compris le délai pour franchir la douane).
Il n'y a pas a priori de surveillance particulière du dôme par les autorités.
Gnak'kak est exposé au centre du dôme, dans un jardin d'ornement (avec ce qu'il faut de buissons et de rocaille pour se dissimuler un peu aux regards si besoin était, et des fleurs dont le parfum sera peut-être suffisamment marqué pour masquer une odeur humaine au nez perçant des K'kree), disposé au sein des pierres près d'une source artificielle.
Al souhaite fureter sur place de jour avant d'accepter éventuellement la mission ; chose que Salma Currie comprend, mais elle aimerait bien avoir une réponse rapide de la part des personnages : les choses sont relativement urgentes, et s'il faut que le CPMF trouve d'autres personnes pour mener l'opération, chaque seconde comptera.
Un petit tour rapide de repérage autour de l'enclave montre que celle-ci a été installée dans une zone industrielle (ce qui n'est pas spécialement étonnant, puisque c'est le CPMF qui organise tout ça, ils ont dû utiliser du terrain appartenant à ou loué par l'un ou l'autre des adhérents), ce qui laisse espérer peu de passage dans le cas où les personnages choisiraient d'opérer de nuit. Les terrains avoisinants sont occupés par des usines ou des entrepôts, et l'endroit précis où est installée l'enclave correspond visiblement pour partie à un parking et pour partie à un entrepôt qui a été démonté à la hâte (il en reste quelques morceaux en place, et plus encore qui ont simplement été déposés par terre non loin, ce qui peut constituer autant de cachettes pour se dissimuler à l'improviste aux regards de passants indiscrets).
Les personnages acceptent de mener la mission, et se mettent à cogiter un plan. Ils décident de faire livrer Al, Gam et Kyle à l'intérieur de l'enclave dans des conteneurs. Contactée, madame Currie prend des dispositions pour qu'ils soient inclus dans la livraison de divers produits commerciaux avec lesquels les K'kree repartiront chez eux, prévue pour lendemain matin ; mais, souhaitant agir sous le couvert de la pénombre, ils devront attendre huit heures avant qu'il ne fasse nuit sous le dôme.
Les conteneurs de marchandises (des modèles standards mesurant de 3 à 12 m de long (selon les tailles) sur 3 m de large et 3 m de haut, environ, avec des portes aux deux bouts) sont stockés dans une zone du dôme proche de la paroi extérieure, abritée des regards par des cloisons, et dans laquelle les K'kree n'ont en principe pas de raisons majeures de se rendre (à part lors de la réception de nouveaux conteneurs).
Les trois clandestins s'habillent de tenues camouflage avec plusieurs nuances de kaki, pour mieux se dissimuler aux yeux des K'kree dans la végétation, et prennent place dans un conteneur, dissimulés derrière une rangée de marchandises.
Focalisés sur les capacités de l'odorat k'kree, ils emportent avec eux entre autres choses des boules puantes. En prévision de leur utilisation, ils se sont munis de respirateurs. Ils portent aussi des verres amplificateurs de lumière, pour ne pas être gênés par la pénombre dans laquelle ils vont opérer. Ils n'ont pas d'armes.
Une diversion est prévue, au moyen d'un engin incendiaire télécommandable bricolé par Hans et placé dans un autre conteneur.
Quant à la sortie, elle reste le point faible du plan : les personnages comptent, s'ils ne sont pas repérés, se faire extraire dans un conteneur d'ordures.
Nos quatre héros resteront en contact au moyen de leurs communicateurs.
Intrusion chez les K'kree
Après avoir élaboré une ébauche de plan d'action, les personnages recontactent Salma Currie, qui leur donne rendez-vous de nuit dans un petit entrepôt proche du spatioport.
Madame Currie, vêtue d'une combinaison imperméable blanche et fuchsia dans un style un peu Bibendum très à la mode, mais dont la coiffure sophistiquée a un peu souffert de la pluie, les fait rentrer dans l'entrepôt. Elle est seule sur place, expliquant à nos héros que "moins il y aura de personnes au courant, mieux ça vaudra."
Al, Gam et Kyle, à qui elle a remis une mallette contenant les éléments en cire à échanger discrètement, prennent place dans un conteneur de marchandises. Hans et Salma Currie les dissimulent derrière une cloison amovible qui sera cachée par le contenu normal du conteneur. Ils sont un peu à l'étroit...
Hans place également sa bombe incendiaire dans un deuxième conteneur.
Une fois les conteneurs refermés, Hans et Salma Currie quittent l'entrepôt.
Hans va garer l'aéromobile sur un parking pas très loin de l'enclave dans un endroit discret où on ne remarquera pas un conducteur solitaire qui reste trop longtemps dans son véhicule. Après avoir recouvert les sièges de bâches en plastique pour les protéger des salissures, prévoyant l'exfiltration de ses camarades avec les ordures, il reste à l'écoute sur la fréquence de leurs communicateurs, tout en somnolant, car l'attente devrait être longue.
Trois quarts d'heure plus tard, les conteneurs sont chargés sur un véhicule (par au moins deux hommes, si les personnages dissimulés en jugent par les voix qu'ils entendent) et acheminés à l'enclave. L'entrée semble se faire sans encombre (l'un des hommes discute avec un ou deux K'kree, au moyen d'un système de traduction informatique, puisque l'homme s'exprime en frantic alors que les K'kree répondent dans une langue au rythme chantant mais comportant beaucoup de k et de consonnes gutturales), et après une nouvelle manutention, le conteneur de nos héros semble avoir rejoint la place qui lui était assignée, puisqu'il ne bouge plus alors qu'ils entendent le véhicule s'éloigner. À travers les orifices d'aération du conteneur, leurs narines s'emplissent peu à peu de l'odeur particulière des K'kree ; une odeur qui n'est pas celle d'un bétail humain, mais qui évoque inévitablement les effluves d'une écurie, d'une étable ou d'une porcherie. Ce n'est pas exactement une odeur désagréable, mais c'est inhabituel, et les personnages n'en raffolent pas.
Lorsque leurs montres indiquent qu'il fait désormais nuit (artificielle) sous le dôme, et après avoir attendu un petit moment supplémentaire dans le silence, les intrus décident de sortir de leur cachette.
Le moindre petit bruit fait en ouvrant le conteneur de l'intérieur semble extraordinairement retentissant, mais personne ne survient pour voir ce qui se passe. Après avoir refermé le conteneur derrière eux pour ne pas laisser de traces de leur intrusion, les personnages sortent de la zone de stockage et débouchent dans la partie principale du dôme. Les étoiles qui brillent sur la voûte ne correspondent pas aux constellations visibles depuis Fornice : c'est une reconstitution du ciel nocturne de Kirur, la planète natale des K'kree.
Tout en se déplaçant sans bruit, les personnages se font la réflexion que les K'kree ici présents ne sont peut-être même pas originaires de Kirur, et que ce souci du détail qu'a eu à leur intention le CPMF leur échappe peut-être totalement...
L'odeur des K'kree est omniprésente depuis la sortie du conteneur, et nos héros se demandent si leurs propres effluves seraient réellement perceptibles, masqués qu'ils sont par elle.
Grâce à leurs verres amplificateurs de lumière, les personnages distinguent facilement les occupants de l'enclave, qui semblent dormir à ciel ouvert (ou plutôt, sans autre toit que le dôme), rassemblés en plusieurs groupes dont le plus proche est à une trentaine de mètres. L'essentiel du lieu est constitué d'une grande aire à peu près plane et principalement recouverte d'une pelouse, et si l'un des K'kree était insomniaque, il n'y a pas grand chose qui pourrait l'empêcher de voir les intrus tant qu'ils n'auront pas atteint le relatif abri des buissons du jardin central, à cinquante mètres environ. Et justement, trois ou quatre silhouettes sont debout sur leurs quatre pattes, comme des sentinelles postées auprès des groupes de dormeurs...
Kyle pense que la présence de ces veilleurs confine à la paranoïa. Mais du point de vue k'kree, ils sont isolés sur une planète étrangère, entourés de mangeurs de viande... Il est compréhensible qu'ils ne se sentent pas pleinement détendus.
En courant, les personnages arrivent l'un après l'autre au jardin d'ornement. Mais il semble que Kyle, qui a traversé le dernier la zone à découvert, encombré par la mallette, ait attiré l'attention d'un des veilleurs, car l'un d'eux, la tête levée et semblant humer l'air, se dirige vers le jardin. Il tient quelque chose dans ses mains, un fusil peut-être ; à moins que ce ne soit un bâton ?
Accroupis derrière un buisson
Le K'kree se rapproche, et il n'y a pas de doute à avoir : c'est bien vers l'endroit par lequel nos héros ont pénétré dans le jardin (avant de se tapir derrière un buisson touffu) qu'il se dirige.
Par contre, ce que leur paranoïa montante leur avait initialement fait supposer être un fusil n'est qu'un bâton, un bête bâton d'environ 1m50, voire un peu plus, à vue de nez.
En parlant de nez, comme le veilleur est maintenant plus près, il devient manifeste qu'il a les naseaux grands ouverts et semble humer activement l'air autour de lui. Il est à craindre qu'il ne repère aisément le passage des personnages, si ce n'est déjà fait... D'ailleurs, il raffermit sa prise sur son bâton tout en continuant à s'approcher, un peu moins vite mais visiblement tous ses sens aux aguets. Il atteint l'entrée du jardin (c'est-à-dire l'endroit où un passage ouvert entre deux buissons d'ornement permet de franchir le premier rideau d'arbustes pour se retrouver au milieu des massifs), à quelques mètres des intrus.
Kyle prévient Hans de tenir sa diversion prête.
Un K'kree dans la nuit
Tandis que Gam et Al foncent vers Gnak'kak avec la mallette, pour tenter d'en remplacer aussi vite que possible les éléments défectueux, Kyle est resté en arrière et voit le K'kree s'approcher en reniflant, tenant fermement son bâton comme s'il s'attendait à devoir s'en servir comme d'une arme.
Tout à coup, l'extra-terrestre s'écrie quelque chose, à l'attention du buisson, ou peut-être du capitaine du Conscience Tranquille qui tente de se dissimuler derrière... Difficile de savoir, car aucun des personnages ne comprend la langue des K'kree. Le ton en tous cas semblait impérieux.
Devant Gnak'kak, Gam et Al ont la surprise de constater que le présentoir sur lequel étaient censés reposer les éléments à remplacer (selon un ordre particulier que Salma Currie leur avait minutieusement expliqué) est vide !
Par contre, posée à son pied se trouve une mallette en tous points semblable à celle dans laquelle ils transportent les pièces de rechange.
Gam l'ouvre et y découvre interloquée les pièces défectueuses (ou supposées telles, car leur aspect est apparemment identique à celui de celles que les personnages apportent), qui n'ont pas été placées sur le présentoir mais laissées dans leur mallette de transport. Elle en déduit que les K'kree se sont rendus compte de la malfaçon.
Le K'kree se rapproche sans hésitation du buisson derrière lequel est dissimulé Kyle.
Tenant la télécommande de la bombe à portée de main, Hans démarre et se tient prêt à foncer en direction de l'enclave.
Gam dépose la mallette contenant les bonnes pièces à côté de celle qui contient les pièces défectueuses.
Al repère ce qui lui parait être la moins pire issue de secours : un endroit de la paroi qui peut être rejoint par un sprint effréné en ligne droite d'une bonne soixantaine de mètres sans obstacle majeur et surtout sans passer à proximité des groupes de K'kree endormis.
Après en avoir indiqué les coordonnées précises (grâce au réseau local de navigation par satellites) à Hans afin que celui-ci puisse de l'extérieur y créer une brèche permettant à l'ensemble du groupe de s'enfuir hors du dôme, il s'empare de la mallette contenant les pièces défectueuses afin de la faire disparaître.
Gam est d'avis de se montrer au veilleur, puisqu'il les a apparemment repérés ; mais pour éviter d'éventuelles complications, telles qu'un passage par le poste de police, les personnages décident finalement de s'enfuir à toutes jambes.
Hans rejoint en vitesse le point indiqué par Al, et se met à y découper au moyen de son chalumeau laser un orifice par lequel un humain pourra s'extirper sans problème, mais qui ne laissera pas passer un K'kree adulte.
Quant à Kyle, il est désormais manifeste que le K'kree sait où il est caché et qu'il a l'intention de le faire sortir de sa cachette en le piquant du bout de son bâton, bâton qu'il enfonce avec une hésitation perceptible dans le buisson en direction du capitaine : sans doute a t-il peur que ce mystérieux intrus soit armé et dangereux.
C'est donc le moment que choisit ce dernier pour jeter brusquement des boules puantes dans sa direction, avant de bondir en direction du point de sortie que Hans a à peine commencé d'ouvrir. Derrière lui, il entend le centaure s'ébrouer bruyamment.
Il ne faut aux trois intrus que quelques secondes pour atteindre l'endroit que signale la lueur rougeoyante du chalumeau laser. Ils vont devoir attendre plus longtemps que Hans finisse de leur ouvrir un passage !
Au centre de l'enclave, le K'kree se met à pousser de grands cris pour alerter ses congénères. Déjà, les trois ou quatre d'entre eux qui étaient réveillés se sont tournés vers les personnages, et il ne leur faudra que quelques instants pour accourir jusqu'à eux...
Devant l'urgence de la situation, Hans déclenche sa diversion : la bombe incendiaire explose dans son conteneur, ce qui s'accompagne d'un bruit assez violent. Les K'kree qui accouraient, déconcertés, se retournent pour regarder d'où vient ce vacarme, tandis que leurs congénères ont été brusquement tirés de leur sommeil. Quelques instants après l'explosion, des flammes commencent à apparaître, et tous les K'kree commencent à s'agiter en criant.
Des images confuses remontent à l'esprit des trois intrus coincés à l'intérieur du dôme : souvenirs de documentaires dans lesquels des troupeaux de grands herbivores, affolés, couraient en piétinant tout sur leur passage pour échapper à des feux de prairie... Ils s'attendent à vivre en direct une scène de ce genre.
Des trois ou quatre K'kree qui accouraient vers eux, un seul continue dans leur direction : les autres retournent auprès de leurs congénères, ou se précipitent vers l'incendie naissant. Il tient à la main une sorte de lance, qui doit bien faire trois ou quatre mètres de long ; ce n'est pas un simple bâton, car il se termine par une lame métallique qui doit bien faire au moins cinquante centimètres de long... Il s'agit probablement d'un !!ring'k : une arme d'hast k'kree traditionnelle, sans doute apportée ici dans des buts cérémoniels.
Les personnages larguent leurs dernières boules puantes, mais cela n'a pas d'effet sur le K'kree qui se lance sur nos héros. Ceux-ci se jettent de côté au dernier moment, et l'assaillant heurte de son flanc gauche la paroi à peu près là où Hans est en train d'achever de la découper. Ce dernier la voit d'ailleurs se bomber bruyamment.
Prenant appui sur l'obstacle qui vient de l'arrêter, le K'kree se redresse en secouant la tête et se retourne vers les intrus, sur des pattes un peu flageolantes, bouchant la sortie. Vue de près, la lame de son arme, qui mesure bien dans les soixante centimètres, a l'air parfaitement à même d'infliger des blessures vicieuses.
Hans a enfin fini de découper l'ouverture, qui lui offre une vue imprenable sur le flanc droit du K'kree. Il perçoit aussi nettement, malgré la pluie et les relents de plastique fondu ou brûlé qui viennent de son petit travail, l'odeur forte, animale, de l'extra-terrestre, et aussi (mais moins nettement) celle des boules puantes lancées par ses camarades.
Il réduit la puissance du chalumeau et le dirige vers le fuyant du flanc du K'kree en appuyant très brièvement sur l'interrupteur. Sa victime fait un brusque écart en poussant un mugissement mi-rageur, mi-douloureux, dégageant partiellement l'issue. S'y mettant à trois avec élan, les personnages bousculent leur adversaire en le poussant sur son flanc gauche, ce qui a pour effet de finir de dégager la sortie improvisée, dans laquelle ils s'engouffrent l'un après l'autre sans traîner.
Gam émerge la première, suivie par Al qui porte la mallette avec les pièces défectueuses (mallette qui reçoit au passage un coup de pied magistral du K'kree (sans doute plutôt destiné à Al), ce qui a pour effet de précipiter sa sortie, qui se fait en heurtant d'abord de l'épaule et du coin de la tête le côté droit de l'ouverture, puis en parcourant quelques pas à moitié courbé, avant de s'étaler dans une flaque, emporté par l'inertie du mouvement. Kyle sort le dernier, quand il ressent brutalement une violente douleur dans le mollet droit : l'extra-terrestre a réussi à se retourner et à lui infliger un coup de la pointe de son arme ! Le sang coule, la douleur irradie dans toute la jambe, mais porté par l'adrénaline, Kyle, hurlant de souffrance, parvient à se jeter jusqu'à l'aéromobile.
Hans reprend les commandes et démarre tandis qu'Al et Gam aident Kyle à se hisser à bord sur le siège arrière. Al est monté à l'avant, car l'absence de passager aux côtés de Hans risquerait peut-être d'éveiller les soupçons.
Hans démarre tout de suite et à vive allure, s'éloigne très rapidement tous feux éteints par des rues dont il s'attend à ce qu'elles soient désertes, et contourne un certain nombre d'usines pour rejoindre au plus vite un autre axe et avoir l'air de venir d'une autre direction sans rapport avec l'enclave.
Deux minutes après, au détour d'une allée déserte, il rallume ses feux et adopte la conduite la moins suspecte possible tout en suivant un trajet qui le rapproche du spatioport en passant par des rues discrètes et peu éclairées, et si possible désertes la nuit.
Pendant ce temps, Gam, montée à l'arrière pour s'occuper du blessé, lui administre les premiers soins.
La plaie au mollet de Kyle est franche et semble relativement profonde, mais à première vue, aucune artère n'a été touchée. Il va quand même falloir aller gratter dedans pour nettoyer et recoudre correctement, ce que Gam sera en mesure de faire à bord du Conscience Tranquille. Ensuite, Kyle devrait boiter pendant quelques temps, et conserver une belle estafilade. Et cela risque de le gêner pour l'ascension de l'Anekthor...
Gam s'attelle immédiatement à réaliser un pansement compressif pour juguler l'hémorragie.
Après son détour à travers la zone industrielle, Hans prend la direction du spatioport. Il s'est remis à pleuvoir des trombes d'eau, l'humidité ambiante est très nettement sensible à travers la capote, et Hans circule à vitesse réduite en raison du peu de visibilité que lui procurent l'action frénétique des essuie-glaces et le peu d'éclairage des rues de la zone industrielle, dans lesquelles, à part nos héros, il ne semble pas y avoir âme qui vive.
Rien à déclarer ?
Profitant d'une légère et passagère accalmie, Al, qui est le plus trempé de tous suite à sa chute dans une flaque lors de la sortie du dôme, se charge de descendre de l'aéromobile sous la pluie pour planquer tous les objets considérés comme compromettants (à commencer par la mallette) parmi le bric-à-brac du coffre, avant le passage de la ligne d'extraterritorialité.
Mais lorsqu'ils l'atteignent, le douanier de faction se contente de contrôler les papiers des personnages par la vitre de l'aéromobile et de faire signe de passer sans sortir de sa guérite (ce qu'il aurait pourtant pu faire sans se mouiller, puisque le point de passage est couvert, justement à cause du climat local).
Quelques minutes plus tard, nos héros sont à l'abri à bord du Conscience Tranquille.
Tandis qu'Al rassemble les tenues trempées (ce qui a au moins eu pour avantage d'en faire disparaître les relents d'œuf pourri liés à l'utilisation des boules puantes) pour les laver, et que Hans décharge le coffre, Gam soutient Kyle, qui fait la grimace à chaque pas.
La cuisine amusante
Le Conscience Tranquille ne dispose d'aucun local faisant office d'infirmerie, ce qui pose un problème lorsque survient un bobo de ce genre. Les pépins plus légers sont soignés n'importe où, mais là, Gam va avoir besoin d'un endroit suffisamment propre pour opérer, même si ce n'est que sous anesthésie locale, avec un plan de travail sur lequel Kyle puisse s'allonger, facilement nettoyable, chauffé, et avec assez de place pour qu'elle puisse travailler dans de bonnes conditions. Le choix se porte sur la table du carré, sur laquelle sur laquelle l'équipage prend ses repas, entre les fauteuils, l'écran vidéo et le coin kitchenette.
Ses camarades aident Kyle à s'asseoir dans le carré. Pendant que Gam file chercher ses instruments, Al nettoie la future table d'opérations, encombrée d'objets divers et de miettes de pizza, et Hans se rend dans son repaire pour en ramener une pièce en forme de gouttière qui permettra d'immobiliser un peu mieux la jambe du patient pendant l'opération.
En quelques minutes, tout est prêt. Hans et Al ont bâché au mieux tout ce qui craint les taches, et Gam et son assistant Hans ont revêtu des blouses en plastique jetables. Pendant que Gam prépare son matériel, Hans et Al aident Kyle à retirer son pantalon, procèdent au lavage et à une désinfection sommaire de la zone opératoire, aident le capitaine à s'asseoir sur la table, puis à s'allonger sur le ventre, et placent sa jambe dans la gouttière, qui a auparavant été plus ou moins solidarisée à la table au moyen de petits étaux fournis par Hans.
Le moins qu'on puisse dire est que la position de Kyle n'est pas très confortable : non seulement la table est dure, mais comme sa tête dépasse, il a une vue plongeante sur le bazar qui traîne par terre. Il va d'ailleurs avoir tout le temps de se dire qu'il faudrait vraiment faire un peu de rangement !
Après une nouvelle désinfection cutanée, Gam procède à l'anesthésie locale, puis se lance dans l'opération proprement dite.
En fait, une fois la plaie bien nettoyée à l'intérieur, elle n'est pas si vilaine que ça : l'arme du K'kree était bien tranchante, et la blessure est franche. Gam réalise donc les sutures nécessaires, et en un quart d'heure environ, Kyle est assis sur la table, avec un bon pansement autour du mollet. Le pronostic est bon, mais il faudra éviter pendant quelques semaines de faire forcer la jambe... Autant dire en gros que ça signifie le repos forcé jusqu'à l'arrivée sur Tivid, en espérant qu'il ait pleinement récupéré d'ici là !
Conscience Tranquille, mais nuit agitée
Une fois Kyle recousu et pansé, Gam est prise d'une crise de tremblements nerveux et est obligée de s'asseoir. Heureusement, comme ce n'est pas la première fois qu'elle fait ça suite à une situation stressante une fois que l'adrénaline est retombée, ses camarades savent comment l'aider à gérer sa crise : Al, toujours aux petits soins, lui fait infuser un thé vilani aromatisé et corsé, et les tremblements s'atténuent, puis cessent.
Pendant ce temps, Hans s'occupe de planquer au mieux la mallette contenant les pièces défectueuses (à un endroit de la salle des machines où il est persuadé qu'il faudra du temps et de l'imagination à un éventuel fouineur pour aller la dénicher), et vérifie que tout soit prêt pour un éventuel décollage en urgence du Conscience Tranquille.
Les personnages peuvent alors laver leurs vêtements, nettoyer un peu le vaisseau et l'aéromobile, se laver eux-mêmes, et tâcher enfin de prendre quelques heures de sommeil ; car la nuit est déjà bien avancée, et tôt tout à l'heure, il faudra superviser l'embarquement du reste de la cargaison.
Mais les évènements de la nuit leur pèsent : Gam ne trouve pas le sommeil, passant son temps à se tourner et à se retourner sur sa couchette.
Al quant à lui passe lui aussi une fort mauvaise nuit. S'il n'a pas de problème particulier pour trouver le sommeil, ce dernier est fortement agité par des cauchemars horribles, et il se réveille plusieurs fois en sueur et en sursaut, des images de K'kree menaçants armés de lances à la longue lame se mêlant avec des visions de sa planète natale, Alnimes, ravagée par la guerre civile.
Au matin, Al, les traits tirés, se remet à discuter tout seul, comme s'il parlait avec un passager fictif.
Kyle quant à lui a la ferme intention de se tenir à distance du moindre K'kree pendant un moment, et il consomme une quantité importante de café à son réveil.
Aucune activité particulière des autorités aux alentours n'est visible par les hublots, et un zapping rapide sur le réseau local n'évoque pas d'intrusion dans l'enclave k'kree. Seul un entrefilet annonçant une intervention nocturne des pompiers sur le dôme montre que les évènements ne sont pas passés totalement inaperçus.
Nos héros se font une fois de plus la réflexion que leur vaisseau, comme tous les Impératrice Marava, n'est pas si pratique que ça (pas d'infirmerie, pas de planque pour des objets "sensibles" ou du matériel de contrebande, ...), et qu'ils vont devoir tôt ou tard prendre la décision de le personnaliser en procédant à quelques aménagements. Mais comme la plupart des modifications à réaliser devront l'être en chantier spationaval, ils en restent là pour le moment.
Par ailleurs, la présence fort opportune d'une mallette contenant les pièces défectueuses posée juste à côté de Gnak'kak continue à interloquer les personnages, qui se demandent si cela ne cache pas une quelconque embrouille ou s'ils ont bien compris ce qu'ils avaient à faire.
Les instructions étaient d'échanger les pièces défectueuses. On leur a donc confié une mallette semblable à celle qui avait déjà été donnée avec Gnak'kak, et contenant les pièces en cire qui en principe se placent sur un présentoir adapté.
Le présentoir était vide et la mallette d'origine contenait les pièces à retirer.
Comme l'inauguration officielle de l'œuvre d'art n'avait pas encore eu lieu, c'est peut-être normal. C'est peut-être aussi parce que les K'kree s'étaient rendu compte que les pièces étaient défectueuses.
Ou qu'une tierce partie avait déjà procédé à un échange.
À moins qu'on ne les ait envoyé retirer des pièces conformes et les remplacer par des pièces non conformes, pour entraîner un incident diplomatique lors de l'inauguration...
Allez savoir.
La méfiance confine pour certains à la paranoïa...
Kyle contacte Salma Currie au vidéophone. Elle a les traits tirés et des cernes sous les yeux, comme quelqu'un qui a mal dormi la nuit et s'est fait du mauvais sang. Sa coiffure élaborée n'est pas aussi soignée que par le passé, et son maquillage "laisse à désirer".
En apprenant que l'échange est réussi, elle pousse un soupir de soulagement, et propose que les personnages lui apportent la mallette avec les pièces défectueuses comme preuve, à l'entrepôt dans lequel ils avaient été "mis en conteneurs pour livraison" il y a un peu plus de vingt-quatre heures, où elle leur remettra en échange la somme convenue.
Bref, une opération simplissime... si ce n'est que l'entrepôt en question se situe de l'autre côté de la ligne d'extraterritorialité.
Peu désireux de franchir à nouveau cette ligne et de s'exposer aux lois locales, nos héros, d'un commun accord, demandent à ce que la rencontre ait lieu côté spatioport.
Impec ! Passe la mallette !
Salma Currie semble un instant surprise, mais accepte un rendez-vous d'ici une heure dans un bar - restaurant du spatioport, L'As des as, que Kyle a choisi car c'est un peu le point de ralliement de pas mal de pilotes (et d'équipages) de petits vaisseaux dans le genre du leur : des vrais pilotes, pas des simples conducteurs de vaisseaux spatiaux.
Tandis que Al et Gam restent au Conscience Tranquille, le premier pour superviser le chargement de la cargaison, la seconde pour préparer l'embarquement des passagers à destination de Maitz, Hans et Kyle se rendent au lieu de rendez-vous sous la pluie battante, un peu en avance et après un détour pour déposer la mallette dans un casier de consigne automatique.
Malgré l'heure relativement matinale, l'endroit est déjà pas mal peuplé. Il y a essentiellement des humains, mais aussi quelques Vargr. Bon nombre de ce petit monde porte des combinaisons de mécano du genre de celle de Hans, d'anciens uniformes du SIEI, ou d'autres tenues du genre du blouson de Kyle, qui font que les deux voyageurs s'intégrent parfaitement dans la scène. L'ambiance est animée, on discute fort, et une chape de fumée issue de la combustion de diverses substances plus ou moins addictives stagne au dessus des têtes, cependant qu'un petit robot (gros comme un lapin) en forme d'œuf coupé en deux selon son grand axe circule entre les pieds des meubles et ceux des consommateurs, aspirant au passage mégots, miettes, flaques, et parfois les restes d'un verre cassé.
Kyle et Hans parviennent à trouver une petite table inoccupée pour s'y asseoir en attendant leur commanditaire. Une à deux minutes après, un serveur d'une bonne cinquantaine d'années, au visage buriné et dont la démarche trahit en lui l'ancien homme de l'espace, vient leur demander "Salut les gars ! Qu'est ce que vous prenez ?" (un café bien serré sans sucre pour Kyle et une boisson gazeuse bien sucrée pour Hans), et leur apporte leur commande assez rapidement, encaissant l'addition dans la foulée.
Salma Currie fait son apparition quelques minutes plus tard, à peu près à l'heure du rendez-vous. Elle est visiblement seule. Après une halte sur le seuil pendant laquelle l'eau dégouline de ses vêtements (elle a la même combinaison imperméable ample blanche et fuschia que la dernière fois), y compris l'espèce de capuchon qu'elle portait pour protéger sa coiffure toujours aussi extravagante, ce qui fait accourir vers elle le petit robot qui se met à aspirer les flaques, elle finit par repérer les personnages (sans doute aidée en cela par le signe du bras que lui a fait Kyle) et se dirige vers eux. Leur tendant la main, elle les salue (Hans se contentant pour toute réponse de sa part d'un hochement de tête qu'il espère poli), puis leur demande : "Tout s'est bien passé ?"
Avec un petit sourire narquois, Kyle rétorque d'un air blasé en sirotant son café (pas exceptionnel, mais buvable) :
"Si ça s'est bien passé ? Oh oui, on est assez satisfaits dans l'ensemble à vrai dire. Nous sommes encore tous en vie, à peu près en un seul morceau, cela aurait pu être pire..."
Après une brève interruption pour s'adresser au serveur, il continue :
"Que disais-je ? Ah oui, hier soir... plutôt pas mal donc, si bien sûr nous faisons abstraction de notre sortie mouvementée et du début d'incendie dans l'enceinte k'kree, mais après tout ce n'est que broutille, puisque cela n'a pas été évoqué dans les médias.
La mallette avec les pièces que nous avons échangée est en ce moment dans une consigne du spatioport, dont voici la clé."
Ce faisant, il pose la clé sur la table devant lui.
Après une pause, il ajoute :
"Hmm. À propos, maintenant que j'y pense, peut-être que vous aimeriez savoir que les pièces "défectueuses" étaient rangées bien proprement dans une mallette identique à la nôtre, à côté du Gnak'kak. Nous n'avons fait que procéder à l'échange des mallettes, avant de nous retirer en toute discrétion..."
Salma Currie a l'air surprise.
"J'espère que ça ne signifie pas qu'ils s'étaient rendus compte du problème, sinon votre intervention risque de causer plus de problèmes qu'elle n'en aura résolu..." dit elle avec une pointe d'angoisse dans la voix.
Elle ne touche pas la clé posée sur la table et déclare : "Allons voir ces pièces."
Elle ajoute, sur le ton de quelqu'un qui s'excuse : "Vous comprenez, ce n'est pas que je ne vous fait pas confiance, mais vue la somme en jeu, je souhaite d'abord m'assurer que vous avez bien accompli le travail..."
Kyle soupire, prend un air peiné, et réplique sur un ton blessé : "Comment ? ... Vous ne me faites donc pas confiance ? À moi ? Ahhhh... (soupir)... C'est bien dommage...
Écoutez, comprenez moi également. Ce n'est pas non plus que je ne vous fasse pas confiance, mais la situation est désormais un brin plus complexe qu'au début...
Pour tout vous dire, cette histoire de mallette me chagrine moi aussi, sur bien des points. Il pourrait y avoir une autre équipe de joueurs impliquée...
Mais bon, disons que vous m'êtes tout de même sympathique, et je suis prêt à vous accorder une certaine confiance... limitée. Prouvez moi que vous êtes bien en possession de ce qui était convenu. Nous allons le déposer ensemble dans une consigne. Ensuite, nous irons vérifier le contenu de la mallette, et nous pourrons nous échanger les clés..."
Glissant sa main à l'intérieur de sa combinaison imperméable, Salma Currie en sort une lettre de crédit, négociable toutes banques, émise par la Banque Centrale de Fornice et dont le donneur d'ordre est le Conseil Planétaire des Marchands Forniciens. La somme indiquée est bien de cent mille crédits. Il ne manque que les signatures (la sienne et celle d'un des personnages) au bas du document.
"Vous êtes bien compliqué..." soupire t-elle. "Je vous propose quelque chose de plus simple : on va vérifier le contenu de la mallette, on signe le crédoc sur la porte de la consigne, et tout est réglé."
Kyle est frustré de voir son plan compliqué balayé aussi facilement :
"Rien de compliqué, croyez moi, juste quelques saines précautions. Mais effectivement, vu que nous sommes entre gens de bonne volonté, nous pouvons aller vérifier le contenu de la mallette. Si vous voulez bien me suivre, ce n'est pas très loin..."
Accompagnés de Hans, qui reste impassible et silencieux mais observe attentivement ce qui se passe alentour, ils se rendent à la fameuse consigne.
Kyle ouvre le compartiment et en sort la mallette qu'il pose par terre avant de l'ouvrir. Salma Currie s'accroupit à côté, prenant quelques éléments en cire qu'elle examine attentivement tout en consultant l'écran de son ordinateur portable, sur lequel elle affiche parfois des photos de croissants en cire ressemblant énormément à ceux contenus dans la mallette, mais surtout du texte. Elle sort d'une poche de sa combinaison imperméable un appareil électronique constitué d'un petit boîtier sur lequel sont branchées deux électrodes et, sous le regard intéressé de Hans, fiche les pointes des électrodes dans un nouvel élément en cire, avant de consulter les indications s'affichant à l'écran du boîtier. Apparemment satisfaite, elle replace les croissants dans la mallette qu'elle referme délicatement, et se relève en se tournant vers les personnages avec le sourire :
"Bien joué !" déclare t-elle en sortant d'une autre poche le crédoc qu'elle avait montré dans le bar. "Je ne comprends pas pourquoi c'était déjà tout prêt dans la mallette", ajoute t-elle en s'appuyant contre la porte d'une consigne voisine pour apposer une signature sur le document. "On dirait carrément qu'ils ne les avaient pas sortis pour les mettre sur leur présentoir... J'espère qu'ils ne s'étaient rendus compte de rien."
Refermant son stylo, elle tend à Kyle le crédoc signé. "Comme convenu... Et avec les remerciements du CPMF !"
Elle prend ensuite congé des deux hommes après leur avoir chaleureusement serré la main, puis part avec la mallette, car il lui reste encore à détruire les croissants en cire...
Kyle et Hans regagnent le bord sans encombre. Al, qui parle toujours avec un interlocuteur inexistant, est en train de mettre la dernière main à l'arrimage de la cargaison dans la soute. Quant à Gam, visiblement fatiguée par sa nuit blanche, elle est assise, quelque peu amorphe, devant un écran d'ordinateur, faisant du zapping sur les canaux d'informations locaux, pour voir si l'expédition de la nuit dernière fait des vagues. Mais l'intervention nocturne des pompiers sous le dôme k'kree ne fait pas pour l'instant l'objet de beaucoup de médiatisation : elle est mentionnée dans la rubrique des chiens écrasés, sans beaucoup d'informations en dehors de l'heure de l'intervention et de l'heure à laquelle l'incendie a été éteint (moins de vingt minutes plus tard).