Traveller

Les voyages du Conscience Tranquille : Anekthor, jour 3 (092-1105)


Anekthor, jour 2 (091-1105)


Vous prendrez bien une bonne glace ?


La nuit se passe sans incident, bien que les hurlements du vent soient parfois relativement bruyants : tout le monde est suffisamment fatigué pour s'endormir sans aucune difficulté, même Gam qui est pourtant souvent sujette aux problèmes de sommeil (ce qui ne l'empêche pas de se réveiller plusieurs fois dans la nuit, à cause du bruit sans doute). Le vent finit par se calmer au bout de plusieurs heures.
Quand les grimpeurs émergent de leurs sacs de couchage, certes un peu moins tôt que le matin précédent, il fait encore nuit. Les tentes sont recouvertes de neige gelée, et en va de même des cordes d'alarme qui avaient été tendues : les plus basses sont même partiellement enfouies... Par contre, il n'en tombe plus.
Après le petit déjeuner, l'expédition lève le camp et reprend l'ascension à la lueur des lampes frontales, crampons à glace aux pieds (pour une meilleure prise sur la neige verglacée), après que tout le monde se soit soigneusement encordé les uns aux autres (Gam ayant contrôlé elle-même la qualité de la corde) : la neige recouvrant tout, le risque de tomber dans une crevasse, ou simplement de glisser sur une plaque de verglas et de dévaler la pente gelée, est à prendre très au sérieux. Il n'y a pas d'autre lumière visible à flanc de montagne : les autres concurrents doivent encore dormir.
La cordée a à peine parcouru une dizaine de mètres sur la pente à 45 degrés qu'elle tombe sur une série de creux dans la couche de neige, qui pourraient avoir été laissées par le passage perpendiculaire à la pente d'une ou plusieurs personnes, ou d'un gros animal (voire de plusieurs animaux). En fait, rien ne permet de dire avec certitude qu'il s'agit d'une série d'empreintes de pas. Mais rien ne permet de l'exclure non plus : ça y ressemble vaguement, c'est la première hypothèse qui vient à l'esprit, et à vrai dire, la seule réellement plausible pour nos héros (même s'il pourrait aussi s'agir par exemple d'une bizarrerie des caprices du vent). Si l'on part du principe qu'il s'agit bien de traces de pas, il est difficile d'en dire plus à leur sujet : entre la neige tombée jusqu'en première partie de nuit qui les a comblées (en supposant qu'elles aient été faites avant que la neige ne cesse) et le vent qui les a déformées, il y a tellement d'altérations possibles qu'il serait hasardeux d'en déduire quoi que ce soit. Tout au plus peuvent ils constater que ces marques sont un peu moins profondes que celles qu'ils laissent eux-mêmes en marchant, et d'un écartement comparable. Quant à la taille, c'est plus petit que la pointure de Billy et plus grand que celle de Gam. Henri Dupont voit bien entendu dans ces traces la preuve du passage d'un Marcheur du Vent, ce qui l'enthousiasme visiblement...
Billy est d'avis de continuer à monter sans s'attarder. Il suggère que la caméra de Kyle pourrait servir à faire une reconnaissance le long de la "piste" découverte, si cela intéresse quelqu'un. Kyle suit sa suggestion et promène la caméra sur quelques dizaines de mètres dans la nuit noire, sans découvrir quoi que ce soit d'intéressant.

La cordée continue son ascension, Gam toujours en première de cordée, puis dans l'ordre Henri Dupont, Billy, Charlotte Bogner, Hans, Dame Sandra, Wallace Dougal, Al, et Kyle. Il fait toujours nuit et la neige, gelée, recouvre tout. Heureusement, le vent ne souffle presque plus, et le relief est moins difficile que ce qui a été escaladé dernièrement : la progression se fait en marchant, parfois en s'aidant un peu des mains. Mais la couverture neigeuse est traître, et plus d'une fois l'un des grimpeurs glisse sur un rocher verglacé malgré ses crampons. Heureusement, dans toutes ces situations la corde les retient... Bien sûr, il y a quelques passages plus abrupts qui nécessitent d'en revenir à l'escalade avec mise en place de coinceurs et corde, mais l'essentiel de la progression est plus simple (et du coup, plus rapide).

Il fait jour depuis une bonne heure au moins, les alpinistes ont abrité derrière des verres protecteurs leurs yeux des risques d'ophtalmie liés à la réverbération de la lumière du soleil de Tivid sur la neige, et ils se trouvent désormais à environ 8.500 m d'altitude, quand la voie suivie par Gam les amène sur un glacier. Là, les passages trop raides qui nécessitent de poser une corde pour faciliter la progression ne se font plus en utilisant des coinceurs, mais des broches à glace, dont la tige filetée doit être vissée à la main dans la glace : c'est plus lent et plus fatigant. Mais Gam estime que l'escalade du glacier permettra au final à son groupe de monter plus facilement qu'en le contournant, car le détour les contraindrait en outre à s'attaquer à des à-pics impressionnants, et car l'escalade glaciaire est une technique qu'elle maîtrise très bien. Cependant, au bout d'un moment il faudra probablement que quelqu'un la relaie en tête de la cordée, car il vaudrait mieux qu'elle ne s'épuise pas à faire toute la montée en premier.
Billy a un peu de mal au début avec l'escalade sur glacier, qui fait entre autres appel aux pointes situées à l'avant des crampons, mais passé un temps d'adaptation, il assimile la technique.

Lors d'un passage "marché", Gam traverse soudain brusquement la couche de neige et tombe dans une crevasse du glacier. Pas très profondément certes, car elle est retenue par la corde qui la relie à ses compagnons (et à Henri Dupont en premier lieu) : elle en sera quitte pour quelques bleus, et son casque lui a évité d'aller s'assommer contre la paroi de la crevasse. Elle oscille légèrement, pendue en bout de corde à deux ou trois mètres sous la "surface" et à une dizaine de mètres au plus du fond de l'étroite crevasse, où la lumière de sa lampe frontale lui permet de voir un corps inerte, en tenue d'alpiniste.
Après avoir poussé un cri d'alarme en traversant brusquement la couche de neige glacée, Gam se reprend et annonce au reste de la cordée : "Bon, tout va bien, je ne me suis pas fait mal. il y a une belle crevasse là en bas. Mais il y a aussi un alpiniste qui a eu moins de chance que moi. Il est mort environ dix mètres plus bas. Puisque j'ai trois mètres d'avance sur vous, je propose que vous continuiez à me descendre, que je vois qui c'est. Sûrement une expédition antérieure..."
Passé un premier moment de surprise et d'inquiétude lorsque Gam est engloutie par la neige traîtresse, les autres sont vite rassurés par ce qu'elle leur dit. Tout le monde s'est instinctivement raidi sur la corde, pour éviter un effet d'entraînement, mais Henri Dupont est expérimenté et a à peine trébuché quand la corde s'est brutalement tendue, et quelques mètres encore derrière lui il y a le massif Billy, ce qui fait que la seule possibilité pour que Gam descende plus bas dans la crevasse serait qu'elle se détache ou que la corde cède. Mais comme elle demande du mou, Dupont puis Billy, puis tout le monde, se rapproche de la crevasse et Henri Dupont, sous le regard attentif de Billy, fait doucement coulisser la corde pour que Gam puisse explorer ce qui se trouve plus bas.
Gam est éclairée par sa lampe frontale, et par la lueur du jour qui passe par le trou et à travers les endroits où la couche de neige gelée est la plus mince, ce qui donne à l'intérieur de la crevasse des reflets bleutés.
Le corps est gelé, partiellement pris dans la glace qui s'est formée par dessus lui : il doit y avoir un certain temps qu'il est là. Il est vêtu d'une tenue dans des tons jaunes et orange fluo, mais sans casque. Le froid l'a conservé intact : c'était un homme d'une quarantaine d'années, blond, légère barbe, plutôt grand et athlétique. Son ½il gauche, resté ouvert, était gris. Le côté droit de son visage, que Gam ne parvient pas pour l'instant à dégager de la glace lorsqu'elle essaie de retourner le cadavre, porte la trace d'un hématome important : il est possible qu'il se soit assommé en tombant, et n'ait jamais repris connaissance. Il porte un sac à dos de montagnard, un baudrier, des crampons à glace, il a des mousquetons et un paquet de bicoins à sa ceinture, mais il n'était pas encordé. Pas de piolet non plus. Un peu plus loin dans la crevasse, Gam remarque une carabine de chasse : peut-être l'a t-il échappée en tombant ?
Gam se creuse la mémoire pour tenter de se souvenir si elle avait déjà vu le mort avant l'ascension (lors de recherches bibliographiques sur l'histoire des tentatives d'ascension de l'Anekthor), ou si les circonstances de la découverte du corps pourraient correspondre au récit qu'elle aurait lu d'une disparition fait par un survivant ; mais nos héros s'étaient alors plus préoccupés des voies suivies et des difficultés rencontrées que du visage des alpinistes. En outre, il est probable qu'il était imberbe avant le départ de son expédition. Et aucun d'eux n'a enregistré les photos de leurs prédécesseurs trouvées sur le réseau informatique planétaire (or là où ils sont actuellement, il n'y a plus d'accès au réseau). Mais effectivement, ce qu'elle voit de son visage lui rappelle confusément quelque chose : elle est à peu près sûre de l'avoir vu, imberbe et souriant, sur une photo de groupe prise au pied de la montagne, avant le départ d'une expédition. Reste à savoir laquelle...
Gam s'intéresse ensuite à la carabine. Elle aussi est collée au sol par la glace, mais étant donnée sa forme, elle est assez facile à décoller en forçant sur l'extrémité du canon pour arracher la crosse à la glace. C'est un modèle de chasse classique, calibre 7 mm, à chargeur et avec une lunette, qui a été faussée (peut-être suite à la chute). Gam éjecte le chargeur, d'une capacité de dix cartouches : il est vide (ce sont des munitions sans étui, donc pas de "douille" qu'elle pourrait aussi se mettre à chercher pour voir si elles ont été tirées ici : la charge propulsive est collée à la balle et entièrement consumée lors du tir). Elle en déduit qu'il a tiré sur quelque chose à plusieurs reprises, avant de fuir et de tomber dans la crevasse. Mais dans ce cas, ce sur quoi il a tiré n'est pas allé le récupérer dans la crevasse. Or un grimpeur moyennement compétent peut descendre dedans (et en remonter) sans matériel (même s'il est plus prudent de le faire assuré par une corde...) ; a fortiori une bestiole à plusieurs paires de pattes...
Elle remarque maintenant une paire (cabossée) de lunettes de soleil par terre, vers la carabine, qu'elle n'avait pas repérée au premier coup d'½il, et les ramasse : ce sont des lunettes de glacier tout ce qu'il y a de plus ordinaire, pour se protéger de la réverbération sur la neige et la glace. Il est possible que le mort les ait perdues en tombant.
Gam effectue une fouille superficielle du cadavre. Dans ses poches externes, il y a ce que l'on pouvait s'attendre à trouver : des barres de nourriture énergétique encore emballées, un gros canif multilames, une baguette magique, un briquet, des broches à glace, et divers petits objets. À son bras gauche il porte son ordinateur personnel. Autour du cou, une paire de jumelles (endommagée dans la chute). À l'ouverture, le compartiment supérieur du sac à dos montre une trousse de premiers soins, des vêtements, de la nourriture. Le compartiment inférieur contient des ustensiles de cuisine et une lampe torche. Roulés et attachés au bas du sac il y a une tente, un tapis de sol et un sac de couchage, et sur le côté du sac, un rouleau de corde d'escalade (qui à vue de nez doit faire une cinquantaine de mètres).
La batterie de l'ordinateur est très faible, mais pas complètement à plat (le froid a dû pas mal contribuer à la décharger). Mais il faut un mot de passe pour déverrouiller l'appareil...
En comparant les dates limite d'utilisation optimale des barres énergétiques du mort (jusqu'en 1106) à celles de celles achetées sur place qu'elle a elle-même dans les poches (jusqu'en 1114), Gam estime que l'expédition du malheureux remonte aux alentours de 1097 (évidemment, cela va dépendre aussi de la technologie de l'usine qui a fabriqué les barres et de la règlementation locale, et de combien de temps s'est écoulé entre leur fabrication et le départ de l'expédition). Elle le prend en photo, qu'elle transmet à ses compagnons de cordée. Hans montre la photo du corps à Henri Dupont et à Charlotte Bogner. Cette dernière déclare ne pas le connaître, "mais on ne le voit pas très bien sur la photo" ; par contre, Henri Dupont, qui a pâli et semble à la fois surpris, choqué et peiné, est catégorique : c'est Jake Courteaud, un alpiniste de Collinsville qui avait disparu dans une tentative d'ascension au printemps 1097. L'expédition comportait neuf personnes, et c'est l'une de celles qui sont montées le plus haut sur l'Anekthor. Ils ont été pris dans une avalanche aux alentours de 8.300 m et il y a eu trois morts. Une partie de l'expédition a alors décidé de rebrousser chemin, et seuls les deux frères Courteaud, Jake et Francis, ont continué. On ne les a jamais revus vivants. Le corps de Francis a été retrouvé en 1101 au pied d'un a-pic par une aéromobile, et Jake restait porté disparu jusqu'à présent.
"J'aurais dû partir avec eux" explique Dupont à Hans, "mais je me suis blessé à la main en bricolant chez moi deux jours avant le départ, et j'ai dû rester à Collinsville. Jake était un de mes meilleurs copains..." Sa voix s'éteint sous le coup de l'émotion, sa lèvre supérieure tremblote. Il a même une petite larme qui commence à perler au coin de l'½il...
Billy s'étonne qu'Henri Dupont semble être LE grimpeur incontournable qui devrait être de toutes les expéditions. Al, qui a étudié l'histoire des tentatives récentes pour vaincre l'Anekthor, lui rappelle que Collinsville n'a que 25.000 habitants (et Tivid toute entière 40.000), donc dans le milieu des alpinistes locaux d'un certain niveau et en âge de tenter ce genre d'exploits, on a vite fait de retrouver assez souvent les mêmes noms. Dupont a participé à plusieurs tentatives pour vaincre l'Anekthor ces vingt dernières années (facilement une quinzaine de tentatives sérieuses, plus des ascensions moins ambitieuses ne cherchant pas à atteindre l'un des trois sommets), donc il a une certaine expérience de la montagne qui le rendait intéressant à avoir au sein d'une cordée. Après, sa réputation de porte-poisse et son obsession des Marcheurs du Vent (que la plupart des gens considèrent comme une légende) ont apparemment conduit des expéditions à écarter sa candidature, surtout à partir de 1099 et de la tentative d'ascension dont il a été le seul survivant (tentative qui était par ailleurs la dernière tentative sérieuse d'atteindre le sommet).
Wallace Dougal reste toujours phlegmatique. Al et Kyle, qui sont les plus proches de lui, l'entendent néanmoins murmurer quelques vers de ce qui semble être un poème sur la montagne, magnifique mais aussi meurtrière, en guise d'oraison funèbre. Dame Sandra présente ses condoléances à Henri Dupont quand elle apprend qu'il s'agissait d'un de ses amis. Charlotte Bogner fait d'ailleurs de même, avec moins de style. Al y va aussi de son petit mot.

Hans a probablement les compétences pour craquer l'ordinateur, mais ça va lui prendre du temps (certainement plusieurs heures au minimum). D'autant qu'il n'est pas dans les conditions idéales, entre l'humidité, le froid, etc... Et s'il a certes tous les programmes, câbles et outils qu'il faudrait à bord du Conscience Tranquille, ici il ne peut utiliser que ce qu'il y a dans son ordinateur personnel.
Lancer rapidement une routine de crack qui tourne sans supervision et qui cherche pendant que l'ascension continue est envisageable, mais nécessiterait de connecter physiquement l'ordinateur de Jake Courteaud avec un autre, donc ne serait pas pratique car Hans veut continuer de porter le sien à l'avant-bras : or le plus simple serait de les connecter et de les mettre tous les deux dans un sac à dos, ou dans une grande poche d'anorak. Il récupère donc cet ordinateur, avec la ferme intention d'aller voir ce qu'il a dans les tripes, mais se contente de le placer dans son sac à dos, préférant conserver en permanence son propre ordinateur portable au poignet et garder ainsi la connexion avec ses compagnons d'aventure et l'accès immédiat à ses applications favorites.

Billy se demande s'il ne faudrait pas prévenir les autorités. Les plus proches sont celles de Collinsville (qui revendiquent la souveraineté sur à peu près toute la planète, à part la région de Nevislaren, l'autre ville de Tivid, qui a déclaré son indépendance). Mais faire 500 km à travers des régions inhabitées pour venir récupérer un corps en haute montagne ne sera sûrement pas une priorité pour eux, sauf s'il s'agissait d'une victime d'homicide ; or à première vue, tout ça a bien l'air d'être un accident.
Il est décidé de laisser le corps de Courteaud au fond de sa crevasse, mais nos héros relèvent les coordonnées précises de l'endroit, pour qu'une éventuelle expédition montée dans ce but puisse venir le récupérer plus tard.

Billy remonte Gam en tirant la corde, bras gauche, bras droit, bras gauche, bras droit, en en faisant un max dans le genre "gros bras" au bénéfice des spectateurs, tandis que Kyle le cadre bien avec la caméra. Puis les grimpeurs reprennent leur ascension.


Dix mille !


La montée est désormais moins rapide que les jours précédents : la neige omniprésente, la roche gelée et le froid ralentissent les alpinistes, l'altitude (et avec elle, la diminution de la pression en oxygène) commence à se faire sentir, et la fatigue des jours précédents joue également. Les conversations se font moins fréquentes, aussi : c'est sans doute lié à la fatigue et aux conditions environnementales, mais la macabre découverte faite par Gam a peut-être joué sur les esprits. Al lui-même semble moins enjoué.
Le reste de la matinée se passe sous un soleil radieux, qui permet aux montagnards de profiter du paysage magnifique quand ils relèvent la tête des rochers enneigés.
Plus loin sur leur gauche, ils sont témoins d'une impressionnante avalanche de neige qui dévale la pente en dessous de Lankir, le second des trois pics de l'Anekthor. Ils sont bien trop loin pour qu'elle puisse constituer un danger pour eux (ou pour leurs concurrents ; puisque les trois expéditions sont à l'aplomb du sommet principal), et c'est heureux, car la coulée, partie d'environ 9.000 m d'altitude, dévale le flanc de la montagne sur un dénivelé de plusieurs kilomètres, recouvrant tout sur son passage : un spectacle impressionnant que Kyle ne manque pas de filmer.
L'ascension se passe plutôt bien malgré la difficulté. Certes, la neige dissimule d'autres crevasses, mais aucune n'est aussi large que celle dans laquelle Gam est tombée tout à l'heure, et les grimpeurs n'y enfoncent rien de plus que les manches de leurs piolets.
La halte de midi se fait à l'altitude de 10.000 m. Encore environ quatre kilomètres de dénivelé et la cordée sera au sommet... Cette nuit peut-être, se disent les montagnards, s'ils osent finir l'ascension dans l'obscurité nocturne, ou demain matin s'ils sont plus prudents. Mais d'ici là, bien des difficultés les attendent. Et puis n'oublions pas que jusqu'à présent, personne n'a jamais réussi l'ascension, ni même atteint le seuil des 12.000 m : ce n'est sans doute pas aussi facile que ça...

En attendant, Henri Dupont propose à Gam de prendre lui-même la tête de l'expédition après cette pause : on arrive sur un passage qui selon lui est particulièrement technique, mais il l'a déjà franchi deux fois et pense donc que son expérience peut faire gagner à la cordée un peu de temps sur ses concurrents. Gam considère que c'est une bonne idée et le laisse passer devant elle. Elle peut ainsi plus facilement donner quand cela est nécessaire (ou simplement utile) de judicieux conseils à Billy, qui grimpe derrière elle et que Charlotte Bogner ne se prive pas de conseiller non plus au besoin.
C'est un véritable mur vertical de plusieurs centaines de mètres de roche gelée et partiellement enneigée qui se dresse désormais devant les alpinistes : Henri Dupont n'a pas menti en déclarant que le passage allait devenir particulièrement technique. Mais effectivement, à quelques hésitations près (bien compréhensibles puisque sa dernière ascension à cette altitude remonte à plusieurs années) il semble savoir où il faut passer, et si la progression du groupe s'est bien évidemment fortement ralentie, elle continue. Billy en bave par moments, mais comme le lui disent ses deux encadrantes, "c'est le métier qui rentre". Hans se dit qu'il aurait peut-être dû se mettre au régime plus tôt, et surtout mieux suivre ledit régime, car toutes ces pizzas ont laissé des traces sur son organisme. Et il est manifeste à Al, qui le suit, et à Kyle, qui ferme la marche, que Wallace Dougal commence à avoir des difficultés : ses gestes sont moins assurés, ses prises moins fermes. Certes, il n'a pas beaucoup à forcer, c'est Dupont qui assure l'essentiel en ouvrant la voie et les autres "n'ont qu'à" se laisser monter le long des cordes qu'il installe, mais Al et Kyle commencent à se demander si Dougal sera en mesure de continuer longtemps sans ralentir tout le monde, sans même parler d'atteindre le sommet. Gam se demande s'il ne serait pas temps de prendre une décision à son sujet, car il va finir par ralentir le groupe. Il est certain qu'il se fatigue plus vite et récupère moins bien : c'est celui des neuf sur lequel les conséquences de la fatigue accumulée depuis le début de l'ascension, et des difficultés rencontrées, se manifestent le plus visiblement ; ce qui vient certainement en partie de son âge (à 46 ans, c'est le doyen du groupe) et de son manque d'habitude de ce genre d'ascension difficile et de longue durée. Et donc, sur le long terme, il va effectivement ralentir peu à peu la cordée. Gam pense qu'il sera le prochain à devoir abandonner l'ascension : elle serait étonnée qu'il aille jusqu'en haut, en tous cas pas dans les conditions d'un "raid", si le groupe veut maintenir un certain rythme. Dans le cadre d'une ascension plus lente, peut-être qu'il aurait ses chances d'arriver en haut, mais là elle n'y croit pas (et sa mise hors course, après celle d'Eric Jens, signerait la disparition de la "garde rapprochée" de Dame Sandra).
En y réfléchissant bien, Gam se demande également si les autres vont vraiment tenir le coup jusqu'au bout. Elle n'a pas trop d'inquiétude pour ce qui est de ses trois compagnons d'aventure habituels : même Hans a le niveau, ou en tous cas il l'a eu avant de se laisser aller physiquement et de prendre du poids. Mais la montagne, à ce niveau là, c'est exigeant, et elle craint fort que Dame Sandra ne cède à son tour avant le sommet. Et comme c'est elle qui doit absolument arriver en haut pour le concours, les chances de victoire sont finalement assez maigres.
Henri Dupont lui fait bonne impression pour l'instant : elle pense qu'il aurait ses chances cette fois-ci. Quant à Charlotte Bogner et à Billy, elle estime qu'ils iraient plus haut que Dame Sandra mais elle a des doutes sur leur capacité à atteindre le sommet (pour Billy, c'est l'inexpérience, le manque d'habitude de la montagne, et la préparation trop courte, qui risquent de l'empêcher d'arriver en haut ; il a du potentiel, mais brut, il faudra le développer, et les conditions de ce concours ne sont pas adéquates pour ça). Évidemment, tout ceci est théorique, car une fois que Dame Sandra aura jeté l'éponge, l'ascension sera terminée.

En jetant un coup d'½il vers le bas, Kyle repère une autre cordée dans leur sillage, mais elle est à plusieurs centaines de mètres en contrebas et il n'est pas possible de distinguer à l'½il nu de laquelle des deux il s'agit. Si nos héros laissent des cordes en place, ou simplement des coinceurs ou des pitons à glace, les autres ne manqueront pas d'en faire usage lorsqu'ils arriveront à leur tour sur ce mur, et gagneront du temps. Déjà, le simple fait d'ouvrir la voie quelques heures devant eux leur facilite la tâche en leur montrant où il faut passer... Kyle s'escrime donc à retirer un maximum de dispositifs d'ancrage sur son passage, mais les pitons à glace sont plus lents à dégager que de simples bicoins.

Qu'est ce que ce mur gelé est long ! Le soleil de Tivid décline de plus en plus, et nos héros n'en voient toujours pas le bout... De temps en temps, l'un ou l'autre s'arrête quelques minutes à flanc de paroi, accroché à la corde, pour reprendre ses forces. Plus souvent Wallace Dougal que les autres, et peut-être moins souvent Billy que les autres, du moins pendant la première heure et demie ; après, il finit par faire comme les autres et souffler plus régulièrement (comme le lui recommandent Gam et Charlotte Bogner, qui l'encadrent ; et puis de toutes façons, il est bien obligé de suivre le même rythme, puisqu'il ne peut pas doubler Gam sur la corde). Tant pis pour son amour propre, et puis il n'a pas à rougir, il se comporte aussi bien que des montagnards plus entraînés que lui.
Il faudra à la cordée cinq bonnes heures pour venir à bout de cet à-pic d'environ 300 mètres, et une fois arrivés sur une zone nettement moins pentue (mais bien enneigée) sur laquelle ils peuvent à nouveau progresser en marchant, tous n'ont qu'une envie, c'est de trouver un emplacement pour y établir le bivouac. Les grimpeurs, dès qu'ils arrivent à ce niveau, font quelques pas pour s'éloigner du précipice et se laissent tomber les uns à côté des autres, fesses dans la neige, pour souffler. Le vent s'est à nouveau levé, et il est vraiment froid. Le crépuscule commence à s'étendre, et le soleil ne va pas tarder à disparaître derrière Lankir, à l'ouest (et sur leur gauche). Ils n'iront pas plus haut aujourd'hui.


C'est en haut du mur que l'on voit les alpinistes


La cordée qui suit nos héros risque quant à elle de passer la nuit accrochée à flanc de rocher (à moins qu'ils ne continuent à grimper en nocturne à la lueur de leurs lampes, ce qui n'est pas forcément très prudent). Et eux-mêmes auraient probablement eux aussi été confrontés à ce choix si Gam n'avait pas laissé à Henri Dupont le soin d'ouvrir la voie, car il est manifeste que son expérience de certaines des difficultés du passage a permis de gagner un temps précieux. Elle le félicite chaleureusement : "Sans vous, nous serions encore sur la paroi, vous nous avez été indispensable." Il balaie ses remerciements comme s'il n'avait rien fait qui sorte de l'ordinaire (mais elle sent que ça lui fait plaisir quand même que sa compétence et son apport à l'équipe soient reconnus) : "Je n'ai rien fait de spécial... Je connaissais ce passage, c'est normal que je vous fasse profiter de mon expérience. Après tout, c'est bien pour ça que j'ai été engagé." Avec une légère pointe de tristesse dans la voix, il ajoute : "Malheureusement, je ne suis jamais allé bien plus haut, donc la suite sera de la découverte pour moi aussi. La dernière fois, j'avais dû redescendre avec deux compagnons après le bivouac, j'avais des orteils gelés..."
Gam propose de monter le camp, et Henri Dupont emmène la cordée à quelques dizaines de mètres, en un endroit où la disposition des rochers permet de s'abriter un peu du vent.

Gam se demande s'il est temps d'avoir avec Dame Sandra une discussion sérieuse quant aux chances qu'elle a de réussir elle-même son pari. Certes, il serait possible de ralentir un peu le rythme pour permettre aux plus faibles de continuer plus longtemps, comme le fait remarquer Billy, mais cela ne ferait que retarder l'échéance, et tôt ou tard il faudra bien qu'il arrête (ou alors il ira au bout à l'extrême limite de ses capacités, mais ne redescendra pas) ; et Gam se dit qu'il n'y a pas de raison d'abandonner Wallace Dougal tôt ou tard si sa patronne elle-même ne parviendra pas non plus à aller jusqu'au bout. Mais le cas de Dame Sandra est différent : elle doit arriver au sommet (et vivante) pour gagner. Donc au pire, si elle n'est plus qu'un zombie que ses alpinistes pilotent, voire portent pour certains passages, même si elle est trop épuisée pour penser et même pour faire autre chose que mettre un pied devant l'autre, même si l'hypoxie la fait halluciner et s'il faut l'attacher pour qu'elle ne se jette pas dans le vide, si nos héros la mènent au sommet avant ses concurrents, elle aura quand même gagné (ensuite, une altitude plus basse, plus d'oxygène, le repos et quelques soins médicaux appropriés devraient lui permettre de réaliser sa victoire et de pouvoir en profiter). Elle est plus jeune que Wallace Dougal et son organisme résistera mieux (ou moins mal) à ce genre d'effort stupide.
Alors certes, il serait envisageable de tenter d'emmener Wallace au sommet dans les mêmes conditions. Mais comme ça va être très dur même pour les valides, s'encombrer de deux poids morts au lieu d'un seul risque de les empêcher de réussir, ou de les amener à prendre eux-mêmes trop de risques pour que ce soit raisonnable.
De discussions précédentes qu'elle a pu avoir avec Dame Sandra, Gam pense que, si jamais on lui demande d'envisager qu'elle puisse ne pas être en état de grimper jusqu'au sommet, elle sortira l'argument selon lequel il suffit qu'elle y arrive, peu importe dans quel état, et que c'est aussi pour ça qu'elle paie ses alpinistes. Par ailleurs, elle a déjà déclaré que si jamais personne ne devait parvenir au sommet, elle compte bien être celle des trois concurrents qui rebroussera chemin le plus haut. Donc tant que les deux autres continueront, elle voudra continuer. Même si ce n'est pas raisonnable.
Évidemment, Gam se dit qu'il lui serait toujours possible, sous le prétexte de lui injecter un médicament quelconque pour stimuler son organisme, de la shooter pour pouvoir la redescendre de force. Mais pour l'instant, on n'en est pas là.
Les montagnards installent leur camp pour la nuit. Après un repas chaud, chacun se recroqueville dans son sac de couchage pour échapper au maximum au froid mordant qui sévit jusque sous les tentes, et sombre rapidement dans un sommeil réparateur mais qui sera sans doute trop court.


Coups de feu dans la nuit


Gam, qui a le sommeil léger, se réveille brusquement : elle a entendu des bruits, comme des coups de feu qui viendraient de bien plus bas et qui résonnent dans le silence de la nuit, plus ou moins répercutés par les parois montagneuses. Les autres n'ont rien entendu.
Elle sort de sa tente avec des lunettes amplificatrices, s'approche du bord de l'abîme, se met à plat ventre dans la neige, et regarde vers le bas, mais elle ne repère pas grand-chose : quelques petites lumières fixes qui indiquent que la cordée suivante bivouaque suspendue au dessus du vide, accrochée au mur rocheux par des pitons (et accessoirement, qu'ils n'ont pas eu les mêmes hésitations qu'elle quant à l'utilisation de lumière, qui pourrait pourtant faire d'eux des cibles : le ou les tireur(s) ne sont sans doute qu'à quelques centaines de mètres, et un bon tireur pourvu d'un bon fusil peut faire mouche à cette distance).
Elle ne distingue rien d'autre dans la nuit noire. Ce n'est pas forcément surprenant, vu le relief accidenté : un ou plusieurs rochers peuvent cacher d'éventuelles lumières à sa vue. Plusieurs armes tirent, au coup par coup mais de façon soutenue. Il y a des cris aussi : des appels et des hurlements (de souffrance ? de peur ?). Elle ne parvient pas à repérer précisément d'où ils viennent (d'autant qu'il y a un peu de vent qui souffle en hululant plus bas), mais c'est plus bas que la cordée qui bivouaque à flanc de précipice. Elle a perdu le compte des tirs, mais ils se comptent en dizaines de cartouches.
Et puis, toute cette agitation cesse, et il n'y a plus que le hululement du vent, en bas.
Quelqu'un marche derrière Gam venant du bivouac, sans chercher à ne pas faire de bruit, et en s'éclairant avec une lampe dont il obstrue le faisceau lumineux pour qu'il ne soit presque pas visible de loin. En se retournant, elle reconnait Wallace Dougal. Il s'approche du bord du précipice, et ne l'a peut-être pas vue. Dans sa main droite il tient une lampe torche en mettant ses doigts devant l'ampoule, et dans sa main gauche il a sa carabine de chasse, qu'il tient par le fût, sous le canon. Il se met à plat ventre, la carabine posée à côté de lui et la lampe torche éteinte, et scrute vers le bas avec une paire de jumelles.
Hans, réveillé lui aussi par tout ce bruit plus bas, s'avance à son tour vers le bord avec des lunettes amplificatrices, en tenant sa carabine mais sans s'éclairer.
Al, Billy et Kyle se réveillent à leur tour ; mais le temps qu'ils sortent de leurs tentes (Al sans arme, Billy avec sa hache à la main et Kyle avec sa carabine), la fusillade a cessé. Tous trois se demandent ce qui se passe. Kyle et Billy vont voir si tout va bien du côté des tentes du reste du groupe.
Henri Dupont, Charlotte Bogner et Dame Sandra émergent de leurs tentes respectives à leur arrivée, chacun tenant sa carabine de chasse à la main. Les deux premiers, qui se sont également munis chacun d'une lampe torche, ont l'air pas très bien réveillé des gens qu'on vient de tirer de leur lit en sursaut en déclenchant l'alarme incendie. Dame Sandra par contre a l'air bien réveillée, pour autant que l'on puisse en juger derrière ses verres amplificateurs. Elle tient son arme à deux mains comme si elle avait l'habitude de s'en servir. Kyle remarque au passage que la carabine de Charlotte Bogner est pourvue d'un pontet plus grand, qui lui permet de l'utiliser commodément avec la main gantée (pratique dans des conditions enneigées et froides comme celles qui règnent ici). À la lumière de sa lampe, Billy constate que les tentes de Gam, Hans et Wallace Dougal sont vides, mais que des traces de pas sortent de chacune des trois et se dirigent vers le précipice, de façon à peu près parallèle entre elles. Il les repère rapidement au bord de l'abîme et les rejoint, suivi par les autres.
Les bruits de fusillade n'ont pas repris. Gam explique le peu qu'elle sait de ce qui s'est passé : "Ça a mitraillé en dessous mais on n'a pas vu grand-chose. Apparemment, ca a fait du vilain quand même."
Seuls les hululements du vent parviennent aux oreilles des montagnards penchés au-dessus du vide. Mais est ce bien le vent ? Ceux qui sont à côté de lui entendent Henri Dupont marmonner dans sa barbe de quelques jours (il ne s'est pas rasé depuis le début de l'ascension) : "Écoutez-les ! Les Marcheurs du Vent... En font-ils une musique !"

Laissant Dupont, qui tente encore désespérément de percer les mystères de l'obscurité, à plat ventre dans la neige, le groupe s'éloigne un peu du bord du précipice et a fait de la lumière.
Sur la suggestion de Gam, Dame Sandra prend son ordinateur personnel et tente d'appeler ses concurrents. Elle commence par le baron Dupin. Celui-ci décroche rapidement, et ils parlent tous les deux quelques minutes. Dame Sandra résume rapidement leur échange : l'expédition Dupin (elle le désigne uniquement par son prénom, Robert) est celle qui bivouaque accrochée à flanc de rocher. Comme nos héros, ils ont été réveillés par le bruit des coups de feu, plus bas. Ils n'ont rien vu (mais il fait nuit), et aucun d'entre-eux n'a été blessé (ni n'a entendu la moindre balle siffler ou frapper à proximité). Ils ont aussi entendu des appels à l'aide et d'autres cris déchirants, mais maintenant ils n'entendent plus que les hurlements du vent.
Elle tente ensuite de joindre sire Thomas Redcliffe. Mais à chaque tentative, elle n'obtient que son répondeur...
Hans et Kyle discutent de la possibilité d'envoyer en reconnaissance la caméra antigrav, dont le module de pilotage porte à environ deux kilomètres. Elle n'a pas d'éclairage, il faudrait donc fixer dessus une lampe, qu'il ne serait pas possible d'éteindre à distance. Et évidemment, le vent risque de gêner les man½uvres. Mais le plus gros problème est qu'ils ignorent où se trouvait l'expédition Redcliffe : de nuit, cela s'assimile à la recherche d'une aiguille dans une meule de foin. Billy fait valoir que le risque de perdre l'appareil est grand, surtout s'il est victime d'un coup de fusil, pour un résultat absolument pas garanti. L'idée est donc abandonnée.

Une discussion s'engage sur la conduite à tenir maintenant : Kyle propose d'interrompre la compétition pour partir à la recherche de l'expédition Redcliffe. Mais outre la perte d'au minimum une journée, cela implique que le groupe risque de se retrouver à court de vivres avant d'atteindre le sommet si jamais l'ascension devient particulièrement difficile, donc lente, sur la fin, chose qui est probable. Il propose donc de scinder le groupe, une partie (lui-même, accompagné de ceux qui ont le moins de chances de tenir le coup jusqu'au sommet de la montagne) redescendant vers la cordée disparue (en faisant venir jusqu'à eux l'aéromobile télécommandée du Conscience Tranquille), les autres continuant l'ascension (mais au fond de lui, il préférerait continuer et faire partie de la première expédition à vaincre l'Anekthor).
Il fait nuit, tous ignorent ce qui s'est passé bien plus bas mais il y a eu de nombreux coups de feu : redescendre maintenant serait une mauvaise idée, il y a trop de danger et tout le monde est fatigué. Là dessus, tous sont d'accord. Et d'ici à l'aube, il peut se passer encore beaucoup de choses. L'expédition Redcliffe comportait quatorze personnes, la cordée de Dame Sandra est réduite à neuf depuis l'abandon d'Eric Jens : si quatorze personnes armées se sont faites massacrer (hypothèse la plus sombre mais qui est manifestement présente à l'esprit de tous), neuf personnes dont seulement huit armées (Billy n'a pas d'arme à feu) risquent fort de subir le même sort.
Billy estime qu'il faut prévenir les autorités pour qu'elles envoient des secours. Dame Sandra est de cet avis. Hans ayant bidouillé à cet effet l'émetteur de la caméra antigrav (seul appareil en possession de l'expédition qui soit capable de transmettre sur une distance aussi longue), elle parvient à joindre le commissariat de Collinsville et expose la situation au planton d'astreinte, qui lui répond qu'une patrouille de gardes ruraux sera envoyée demain.
Pour le reste, la question que Dame Sandra se pose n'est pas "Faut il redescendre voir ce qui est arrivé à l'expédition Redcliffe ?", mais "Est il décent de continuer la compétition dans ces circonstances ?". Elle propose de reporter toute décision au lendemain matin.
Billy fait valoir que seules les conclusions les plus négatives ont été tirées. Mais l'expédition Redcliffe a peut-être simplement eu à se débarrasser de bestioles gênantes et ses membres ont peut-être réglé le problème eux-mêmes. Et peut-être que l'ordinateur de Redcliffe est tout simplement tombé dans l'action. Il suggère de réinstaller rapidement un système d'alarme rudimentaire autour du camp et de retourner se coucher. Mais ce qui vient de se passer a rendu tout le monde plus ou moins nerveux. Les montagnards décident de faire des tours de garde (pénibles, dans le froid mordant), et ont du mal à se rendormir (tout particulièrement Gam et Al, mais tout le monde est affecté à des degrés divers).


Anekthor, jour 4 (093-1105)


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