Traveller

Les voyages du Conscience Tranquille : Anekthor, jour 4 (093-1105)


Anekthor, jour 3 (092-1105)


Vers un duel au sommet ?


Les hurlements du vent finissent par se taire (mais il continue à souffler pendant plusieurs heures), et la nuit s'écoule sans autre incident. Enfin, dire que la nuit s'écoule est un peu abusif, puisqu'une fois encore, les grimpeurs se lèvent bien avant le soleil de Tivid, pour pouvoir bénéficier d'une neige gelée plus fortement, donc moins susceptible de céder sous leur poids en cas de passage sur une crevasse qu'elle dissimulerait. Quoi qu'il en soit, tout le monde a mal dormi.

Le groupe tient un conciliabule pour décider de la conduite à tenir suite à ce qui s'est passé cette nuit, Dame Sandra se demandant s'il est décent de continuer la compétition si l'un des concurrents a, comme les choses semblent l'indiquer, été avec son équipe victime de circonstances tragiques. Wallace Dougal ne s'exprime pas, mais les autres sont globalement d'avis de continuer maintenant qu'ils sont levés. Quand il fera jour, Dame Sandra pourra appeler le baron Dupin et prendre une décision avec lui, mais en attendant il serait dommage, si la course devait continuer, de perdre plusieurs heures alors qu'ils sont en tête (et que, selon Henri Dupont qui est allé jeter un ½il sur le précipice et n'y a vu aucune lumière, l'autre expédition est encore endormie). Quant à chercher à aller voir ce qui s'est passé cette nuit, personne n'y tient : si quatorze personnes, toutes armées, se sont fait massacrer, le risque est grand de subir le même sort. Si la décision de redescendre est prise, tous comptent bien le faire à bord de l'aéromobile, voire à bord de celle des gardes ruraux si la patrouille qui doit se rendre sur les lieux venait les chercher.

Nos héros reprennent donc l'ascension après avoir avalé une collation, mais l'ambiance est plutôt morose.
Lorsque le soleil se lève enfin, ils sont à environ 11.000 m d'altitude, ce qui semble avoir amélioré l'humeur d'Henri Dupont : en effet, il n'était jamais monté aussi haut jusqu'à présent (la meilleure expédition n'ayant quant à elle pas réussi à atteindre 12.000 m). Il se dit persuadé que cette tentative sera la bonne pour lui. Wallace Dougal et Charlotte Bogner ont pour leur part l'air plutôt préoccupé.
La cordée fait une halte pour que Dame Sandra appelle Robert Dupin, en s'éloignant un peu du groupe. La conversation dure un moment, entre dix minutes et un quart d'heure, puis Dame Sandra revient et déclare que le baron et elle sont tombés d'accord pour poursuivre, attendu que les gardes ruraux vont arriver et qu'ils seront certainement mieux équipés et mieux à même de rechercher les membres de la cordée Redcliffe et de secourir d'éventuels survivants. Et puis, ils sont d'accord tous les deux pour reconnaître que la tentative leur fait courir un risque mortel (même s'ils ne pensaient pas à quelque chose du genre de ce qui a pu se passer cette funeste nuit), et que si l'un des trois devait succomber à la montagne, les autres continueraient leur compétition. "C'est ce que Thomas aurait voulu..."

Le groupe se perd en conjectures sur ce qui a pu se passer la nuit dernière. Il est hautement improbable qu'il se soit agi d'une attaque d'animaux : les seuls que l'on puisse éventuellement rencontrer à cette altitude seraient des volatiles en migration, passant au dessus de la chaîne de montagnes. Et même dans ce cas, il est probable que leurs couloirs de migration passent au dessus de sommets moins élevés. Hans se demande si la cordée Redcliffe aurait pu être victime d'hallucinations. C'est possible, tout ce qui est du domaine de la psionique restant un sujet méconnu. Mais jusqu'à présent, aucune des expéditions qui ont tenté l'ascension n'ont rapporté ce genre de phénomènes (bien sûr, certaines sont mortes ou ont disparu sans avoir pu raconter ce qui leur est arrivé).


Du sang sur la neige


Kyle n'aborde pas le sujet pour Collins1 : il ignore ce qui s'est passé et ne veut pas jouer les charognards d'une émission de télé-réalité. Il envoie cependant la caméra faire une reconnaissance rapide pour essayer de voir ce qui s'est passé. Mais rechercher des traces de l'expédition Redcliffe revient un peu à rechercher une aiguille dans une botte de foin : il fait un rapide balayage du flanc de la montagne, dans la zone où il estime qu'ont eu lieu les mystérieux évènements de la nuit dernière, sans repérer d'éléments intéressants. Quand il va faire remonter la caméra, découragé, son ½il est attiré par une tache rougeâtre dans la neige, qui commence à dépasser un peu de l'ombre projetée par un rocher (ombre qui devait la cacher quelques minutes plus tôt, quand il avait regardé pour la première fois). Approchant la caméra, il réalise qu'il s'agit de neige rougie ; et que, caché à l'objectif par le rocher jusqu'à ce qu'il décide d'envoyer son appareil fouiner à proximité, se trouve la source probable de cette couleur : le corps d'un alpiniste dont la tête a été écrabouillée sous son casque. Il gît sur le flanc, et porte un sac à dos auquel sont fixés entre autres un piolet et des cordes. Une carabine de chasse se trouve dans la neige à son côté : il l'a probablement lâchée en s'effondrant.
En faisant tourner la caméra en cercles autour de ce premier corps (qui, comme il peut le constater lorsqu'elle passe du côté où se trouvait son visage, non seulement s'est véritablement fait défoncer la figure, probablement au moyen d'une grosse (environ 25 bons centimètres selon son plus grand axe) pierre ensanglantée qui se trouve dans la neige à proximité, mais a aussi été sauvagement égorgé), Kyle repère peu à peu les vestiges d'un bivouac, que le vent (qui soufflait fort la nuit dernière) a pas mal éparpillés mais qui ont été retenus par divers rochers, et plusieurs corps dans un état comparable au premier (égorgés et/ou le crâne plus ou moins fortement écrasé). Tous n'étaient pas casqués et aucun d'entre eux (à part le tout premier) ne portait de sac à dos (mais tous ont leur carabine à proximité) : ils ont peut-être été agressés pendant qu'ils campaient. Les tentes sont là, plus ou moins abritées derrière une crête rocheuse enneigée, mais toutes effondrées et certaines en partie déchirées (ce qui, quand on connait la résistance de la toile utilisée pour ce type de tentes en général, indique qu'on y est allé de bon c½ur pour tenter de les détruire).
La neige autour des tentes et des corps a été abondamment piétinée, et le vent qui a soufflé pendant une partie de la nuit l'a déplacée, dissimulant sans doute des choses, voire d'autres corps. En même pas cinq minutes de cercles avec la caméra, Kyle compte neuf corps (a priori, pour autant qu'il puisse en juger sur des corps au visage détruit, portant des vêtements épais, et plus ou moins recouverts de neige, six hommes et trois femmes), sur une cordée qui comportait quatorze personnes.
Il ne montre les images qu'à ses trois coéquipiers, et ne les transmet pas à Collins1.


Le mur de l'impossible


L'ascension reprend. En moins de deux heures, l'expédition arrive à 11.500 mètres environ. Mais là, les choses vont se corser : devant s'élève un grand et large mur quasiment vertical de roche gelée et de glace, d'une hauteur évaluée à à peu près 500 mètres.
"On y est" souffle doucement Henri Dupont à mi-voix. "Le mur de l'impossible. Jamais personne n'a réussi à arriver jusqu'en haut."
Chercher un passage moins difficile contraindrait la cordée à faire un "détour" de plusieurs centaines de mètres sur sa droite, sans garantie que ce soit beaucoup plus facile là-bas.
Se farcir ces 500 mètres d'à-pic sera particulièrement épuisant. Le manque d'oxygène lié à l'altitude aggravant les choses, il est peu probable d'arriver au sommet aujourd'hui.
Gam fait un état de la forme des participants et particulièrement de Dame Sandra. Comme la veille, celui qui a le plus de séquelles des trois dernières journées, éprouvantes, est Wallace Dougal. Il lui parait cependant encore en état de tenter l'ascension du mur, mais elle pense qu'il faudra le laisser à 13.000 mètres, s'il y arrive : à cette altitude (la "zone de la mort", où la pression partielle en oxygène est trop basse pour qu'il soit possible d'y rester longtemps, donc où l'ascension devient une course contre la montre), l'oxygène sera trop raréfié pour qu'il tienne le choc, et il deviendra un boulet pour le reste de l'équipe. Les autres sont "raisonnablement fatigués" étant données les circonstances. Personne ne souffre des effets de l'altitude et du manque d'oxygène. Gam pense néanmoins que tout le monde n'ira pas en haut. La priorité étant d'y emmener Dame Sandra, même si c'est en la soutenant sous chaque bras alors qu'elle avance comme une zombi.
Tout le monde a le moral, et Henri Dupont, qui n'était jamais arrivé aussi haut jusqu'à présent, a l'enthousiasme communicatif malgré son commentaire sur le "mur de l'impossible".

Kyle fait de beaux plans de la paroi avec la caméra.

Après avoir une fois encore soigneusement vérifié leur matériel au complet, les alpinistes entament l'ascension du mur de l'impossible. Gam place Hans en deuxième position, derrière elle. Il a beau s'être un peu laissé aller physiquement et se traîner pas mal de kilos en trop, il est meilleur en très haute montagne que ne le sont Kyle ou Al, et sa masse le rend capable d'encaisser le choc de son poids à elle pendu à la corde si jamais elle dévissait. En passant au niveau de Charlotte Bogner, le mécano remarque une odeur qui lui est familière : celle du lubrifiant "grand froid" pour pièces mécaniques, le genre de lubrifiant qu'on utilise entre autres pour entretenir les mécanismes d'armes à feu dans des conditions telles que celles-ci. Il remarque aussi que l'extrémité du canon de sa carabine est obturée par un bouchon en plastique, afin que ni la neige ni d'autres "corps étrangers" ne puissent y entrer. Les membres d'équipage du Conscience Tranquille ont d'ailleurs pris les mêmes précautions pour leurs armes personnelles.

L'ascension du "mur de l'impossible" semble devoir tenir ses promesses : non seulement c'est difficile pour la première de cordée, car extrêmement technique (d'ailleurs, Hans finit par la relayer régulièrement), mais la roche s'avère en outre plus dure que prévue, avec moins de fissures dans lesquelles enfoncer coinceurs ou pitons. Et pendant ce temps, la cordée Dupin rattrape petit à petit son avance : ils s'étaient déjà rapprochés un peu pendant que nos amis contrôlaient leur matériel ; mais là, ils ont préféré éviter le mur et partir sur une voie quelques centaines de mètres plus à droite (donc plus facile pour l'instant ; mais Gam, qui a bien regardé la paroi avant de se lancer sur le mur de l'impossible, pense qu'ils auront une mauvaise surprise dans quelques centaines de mètres, car au-dessus d'eux ils auront droit à un mur du même genre, alors que la cordée de Dame Sandra n'aura en principe pratiquement plus qu'à marcher jusqu'au sommet ; à moins évidemment d'une difficulté cachée à la vue, ce qui est loin d'être impossible). Dans tous les cas, ils sont désormais la cordée qui est arrivée le plus haut (11.700 m) sur les pentes de l'Anekthor... Un exploit dont ils sont très fiers. Kyle fait un panoramique en laissant la caméra s'attarder sur son altimètre.

Gam, qui se relaie avec Hans en tête de cordée, persiste sur la voie qu'elle a décidé de suivre plutôt que de chercher à rejoindre celle suivie par l'expédition Dupin. Mais comme c'était à craindre, l'ascension s'avère particulièrement difficile : ce n'est pas pour rien qu'on appelle cette paroi "le mur de l'impossible", ni que personne n'en est jamais venu à bout. Plus d'une fois il faut redescendre de quelques dizaines de mètres pour tenter de passer à côté du lieu d'une tentative infructueuse. Et pendant ce temps, l'expédition Dupin, elle, progresse sans interruption, et même plus vite qu'auparavant : sans doute le fait de voir leurs concurrents embarrassés sur le mur leur donne t-il des ailes, ou du moins les stimule t-il, car ils savent qu'il y a bien longtemps qu'ils n'ont pas été aussi proches de reprendre la tête de la course !
La cordée fait quelques haltes, accrochée à flanc de paroi au dessus du vide, pour reprendre quelques forces ; et c'est dans cette position inconfortable que les alpinistes avalent leur repas de midi. L'ambiance commence à tourner au morose, voire au découragement. Henri Dupont observe attentivement la progression des concurrents, et ceux qui sont proches de lui l'entendent à de multiples reprises s'exclamer, sur un ton de plus en plus dépité des choses comme : "Mais c'est pas possible ! Ils sont en train de nous rattraper !" "Oh non, mais c'est pas vrai !" et d'autres phrases parfois émaillées de jurons.
Al et Kyle, qui ferment la marche derrière Wallace Dougal, ont pour leur part l'impression que Dame Sandra grimpe de façon moins énergique, moins déterminée... Fatigue, ou découragement ?

L'espoir d'atteindre aujourd'hui la limite des 13.000 mètres, celle de la zone de la mort, a été abandonné depuis un moment : Gam et Hans ne sont plus concentrés que sur un seul objectif, atteindre enfin le sommet de ce foutu mur de l'impossible, pour prendre pied sur le glacier qui les mènera (l'espèrent-ils) au sommet.
Ils n'en sont plus qu'à moins d'une centaine de mètres de dénivelé (approchant de la barre des 12.000 m), quand soudain Henri Dupont s'écrie "Ils sont à notre hauteur !", presque avec un sanglot de désespoir dans la voix : la cordée Dupin est parvenue à leur niveau, et va les dépasser.

Hans et Billy tentent de remonter le moral de leurs compagnons en faisant remarquer que les difficultés sont à venir pour leurs concurrents.

Billy qui est près de Charlotte Bogner constate qu'elle regarde de plus en plus souvent en direction de la cordée Dupin, au fur et à mesure qu'ils arrivent à leur niveau... Elle ne semble pas faire preuve d'une grande sérénité. Il la voit aussi à plusieurs reprises tripoter la bretelle de sa carabine, comme pour vérifier qu'elle n'est pas coincée et coulisserait correctement quand viendrait le moment de s'en servir.

Gam et Hans, qui se relaient en tête, bataillent pour trouver un passage sur l'à-pic lisse, dur et gelé. Plusieurs fois encore, ils font redescendre tout le monde de plusieurs dizaines de mètres pour repartir un peu plus à gauche ou un peu plus à droite, pendant que la cordée Dupin creuse l'écart.

Il faut plusieurs heures à la cordée de Dame Sandra pour enfin réussir à triompher du mur de l'impossible, après avoir franchi un passage en dévers, dans des conditions relativement acrobatiques pour Gam (qui ouvre la voie à ce moment là ; jolies images pour la caméra de Kyle, puisque, casquée et emmitouflée, elle n'est absolument pas identifiable et peut donc être filmée sans problème), et bien délicates pour les autres, qui n'ont pourtant qu'à suivre la corde qu'elle a laborieusement réussi à poser. Celui qui négocie le mieux ce passage pourtant très technique est Billy, qui semble avoir une certaine expérience de ce genre d'acrobaties (quoique pas dans de telles circonstances), et qui se paie le luxe d'aider Charlotte Bogner, qui le suit, à négocier l'obstacle.
Mais au-delà de ce surplomb rocheux, il ne reste plus que trente mètres d'à-pic environ à franchir. L'après-midi est bien avancé, et le soleil commence à décliner quand les alpinistes prennent l'un après l'autre pied sur le glacier qui descend directement du sommet, soulagés de pouvoir enfin poser leurs semelles sur autre chose que des pitons ou une corde, et de pouvoir faire quelques pas. Gam, puis Hans ; puis Henri Dupont, le visage barré par un sourire béat qui fait un instant craindre à Gam qu'il ne commence à souffrir du mal des montagnes.
"On l'a fait..." dit il à mi-voix en s'avançant d'un pas incertain sur la neige du glacier. "On a vaincu le mur de l'impossible !"
Il fait quelques pas vers le sommet, puis se laisse tomber sur le sol en poussant un gros soupir, et, assis dans la neige, procède à quelques étirements des membres. Il est visiblement fatigué (comme tous ses compagnons).
Billy arrive ensuite. Fatigué lui aussi, mais c'est celui à qui il semble rester le plus d'énergie... jusqu'à l'arrivée derrière lui de Charlotte Bogner, qui semblait à bout de forces quand elle grimpait mais qui, à peine sur le glacier, s'élance jusqu'à l'un des monticules enneigés qui brisent un peu la monotonie de la pente du glacier, se laisse (assez lourdement, car elle aussi est claquée) tomber derrière en saisissant sa carabine et prend une position de tireuse embusquée, guettant la cordée Dupin, toujours sur la droite et environ 150 à 200 m plus haut (ils sont à leur tour sur un mur, et ils en bavent manifestement au moins autant que leurs concurrents tout à l'heure).
Le reste du groupe arrive sur le glacier, Dame Sandra et Wallace Dougal visiblement bien fatigués, Al et Kyle fermant la marche (Kyle remontant les bicoins, pitons et broches à glace qu'il a pu dégager ; mais sur la fin il a été beaucoup moins efficace à cette tâche, la fatigue se faisant sentir de plus en plus).

Une fois que tout le monde aura soufflé un peu, il sera certainement possible de grimper encore un peu aujourd'hui, mais le sommet, à encore un peu moins de 2.000 m, ne sera pas pour ce soir.
Et sans doute pas pour tout le monde : Gam se dit que le lendemain matin, elle devra examiner chacun et faire le tri entre ceux qu'elle autorise à continuer et ceux qui devront s'arrêter là (probablement Wallace Dougal, pour commencer). En espérant que Dame Sandra soit encore en état de monter, car s'il faut la soutenir et la porter sur deux kilomètres de dénivelé, ça ne sera vraiment pas une partie de plaisir.


Au-delà du mur


Kyle redoute que Charlotte Bogner se mette à tirer sur leurs concurrents, et se demande si son comportement étrange pourrait être lié à des hallucinations ou une crise de folie dues à l'altitude, mais Gam lui explique qu'en principe il y a des signes avant-coureurs et d'autres symptômes associés, et qu'a priori elle n'en présente aucun pour l'instant.

Tout en mangeant une barre énergisante, Billy rejoint Charlotte Bogner, pour la surveiller. Il se tient prêt à intervenir si elle fait seulement mine de retirer le cran de sûreté de son arme. Pour le moment, elle observe attentivement la cordée concurrente.
"Restez pas debout là !" lui souffle t-elle d'une voix dans laquelle on sent nettement la fatigue. "Vous faites une cible facile."
Son arme est pointée dans la direction générale de la cordée Dupin, mais elle ne vise personne en particulier (du reste, elle les observe à la jumelle, pas à travers sa lunette de visée). Le sélecteur de tir de sa carabine est toujours sur la position "sûreté".
Quant aux autres, là-bas sur leur mur, ils sont apparemment préoccupés par la paroi et ne semblent pas faire spécialement attention à nos amis ; encore que de temps en temps, certains des derniers se retournent dans leur direction.
Billy s'accroupit suivant sa suggestion : "Vous êtes bien sûre d'être seulement guide ?"
"Hmm mmh... Faut savoir tout faire ici."
"Vous redoutez quoi en particulier ? Vous ne croyez quand même pas que les autres concurrents vont nous tirer dessus ? Ils n'ont pas l'air d'être dans la position idéale pour ça ! Ou bien vous savez autre chose qu'on ne sait pas ? J'aime bien les histoires et je suis sûr que vous en avez une à raconter. C'est le moment..."
"Ce qui s'est passé la nuit dernière ; l'autre équipe qui s'est fait massacrer : vous croyez que c'est QUI exactement qui a fait ça ? Les Marcheurs du Vent, peut-être ? ? ! On était trois groupes sur cette montagne et puisque c'est pas nous, c'est forcément eux. Mais si on prend nos précautions, ils ne nous auront pas par surprise. S'il y en a un qui fait mine de pointer sa carabine dans notre direction, je vous garantis que c'est la dernière chose qu'il fera."
Elle parle d'un ton sec, pas agressif, mais déterminé. Billy lui répond sur le même ton : "Mouais... C'est quand même pas des gens accrochés à flanc de paroi qui ont dégommé une équipe qui était bien loin en arrière. Y a autre chose là-dessous... Enfin... Si vous vous servez de cet engin, tâchez au moins que ça soit en situation de légitime défense. Si jamais ça tournait mal, j'aimerais pas qu'on vienne dire partout ensuite "Charlotte a tiré la première !"".
"S'il y en a un qui commence à nous viser, je serai en légitime défense" réplique t-elle assez sèchement.
Ce qui ajoute aux préoccupations de Billy, c'est qu'elle est manifestement bien fatiguée par l'ascension du mur de l'impossible. Elle présente en particulier quelques tremblements musculaires "post-effort" : heureusement, elle n'a pas de doigt sur la détente, mais son état de fatigue pourrait peut-être altérer son discernement.

Après une pause d'une petite demi-heure qui leur a permis de récupérer un peu, les alpinistes endossent à nouveau leurs sacs à dos, s'encordent pour éviter les chutes dans des crevasses du glacier dissimulées par la neige, et reprennent l'ascension en marchant, crampons aux pieds, sur le glacier, s'aidant du manche de leurs piolets pour moins forcer sur les jambes, et à l'occasion, pour conserver l'équilibre.
L'ordre de la cordée est à nouveau : Gam, Henri Dupont, Billy, Charlotte Bogner, Hans, Dame Sandra, Wallace Dougal, Al et Kyle.
Tout le monde marche moins vite et avec moins d'entrain que les jours précédents : la fatigue accumulée (et en particulier celle de la récente ascension) se fait nettement sentir sur les organismes. Charlotte Bogner (surveillée discrètement mais attentivement par Hans, qui la suit) a remis sa carabine en bandoulière, mais elle continue à observer les faits et gestes de la cordée Dupin, qui misère sur son mur et sur laquelle nos amis refont petit à petit leur retard. Ils finissent par les dépasser (ce qui est moins pratique pour que Charlotte Bogner les surveille, et l'amène à se retourner relativement fréquemment pour voir ce qu'ils font).
Le groupe est à environ 12.500 m d'altitude quand Charlotte Bogner signale que l'autre cordée se déplace vers la gauche : ils sont en train de redescendre un peu, probablement dans l'intention de rejoindre leur piste et de leur emboîter le pas, le mur sur lequel ils sont actuellement s'étant avéré trop difficile à gravir...

L'ascension se poursuit dans une neige dans laquelle il arrive parfois de s'enfoncer jusqu'au-dessus du genou, ce qui ne fait qu'accroître la sensation de fatigue ; mais il est encore trop tôt pour s'arrêter et monter le camp, il faut absolument exploiter les dernières heures de clarté pour maintenir cette position en tête de la compétition.
Tout le monde est bien fatigué. Wallace Dougal en particulier semble avoir de plus en plus de raideurs articulaires, et Charlotte Bogner a fortement diminué la fréquence des coups d'½il méfiants qu'elle donne en direction de la cordée Dupin, qui suit plus bas sur le glacier.

Les alpinistes se posent quelques minutes pour faire une halte, pause pipi et grignotage, et sont donc désencordés, pour la plupart assis dans la neige. Même Charlotte Bogner semble plus préoccupée par le besoin de se poser pour souffler un peu que par celui de tenir en joue leurs concurrents : elle a laissé sa carabine dans son dos. Jetant un énième regard vers le sommet du monstrueux pic, qui n'a jamais été si près mais qui pourtant semble encore bien loin, ils voient, avec un grondement assourdi, d'abord presque imperceptible mais qui s'amplifie progressivement, le manteau neigeux qui les surplombe s'écrouler en masse dans leur direction. L'avalanche est trop rapide pour qu'ils puissent espérer lui échapper, et son front est trop large pour qu'ils puissent tenter de s'en sortir en se ruant sur le côté. La cordée Dupin sera prise elle aussi dans la coulée.
Les alpinistes n'auront pas le temps de s'encorder à nouveau avant que des TONNES de neige ne leur arrivent dessus, les balayant sur leur passage, les emportant, et probablement les recouvrant.
Heureusement, chacun d'eux a sur son ordinateur personnel une appli balise, conçue pour ce genre de situations et qui permettra de le localiser... si quelqu'un le cherche !


Les neiges de l'Anekthor (bis)


Forçant sa voix pour couvrir le fracas de la neige qui débaroule à grande vitesse, fracas qui s'amplifie très rapidement et devient assourdissant, Gam crie aux autres de se placer face à la pente, de tenter de nager avec le flot, et dès que la coulée sera arrêtée après les avoir ensevelis, de faire des grands mouvements de tous leurs membres (le but étant de ne pas se retrouver coincé dans une étroite gangue de glace et de créer une poche d'air autour de soi pour pouvoir respirer aussi longtemps que possible ; mais elle n'a pas le temps de l'expliquer que la neige est déjà sur eux).
Kyle a eu le temps d'envoyer la caméra antigrav haut en l'air, pour qu'elle puisse filmer en direct sans être prise dans l'avalanche (et éventuellement faciliter le travail des secours...). Et chacun essaie de mettre en pratique les conseils hurlés par Gam.
Quand la coulée va les engloutir, Hans se jette sur Dame Sandra, l'empoigne en lui criant "Venez avec moi !", et commence à nager énergiquement dans la neige qui est en train de les avaler, en direction d'un gros bloc de glace qui fait saillie plusieurs dizaines de mètres en aval. Il se dit qu'il est ridiculement petit et qu'ils risquent fort de passer à côté, puis tout est noyé dans la blancheur froide et, n'y voyant plus rien, il n'a plus d'autre solution que de continuer dans sa direction supposée, en espérant que le flot ne le fera pas dériver suffisamment pour qu'il le rate.
Billy a pour sa part tenté de faire de même avec Henri Dupont, qui lui a aussitôt hurlé "Mais lâchez moi !", ce à quoi il a aussitôt obtempéré.

L'avalanche s'abat sur tous dans un fracas assourdissant, tandis que chacun tente de se jeter dans le flot de neige pour y nager. Puis c'est le grand silence, blanc, comme la masse de cristaux humides et froids les avale, les recouvre, les engloutit les uns après les autres. La sensation de glissement cesse, et ils se retrouvent emprisonnés dans un cocon immaculé et glacé.

Hans a longtemps réussi à maintenir sa prise sur Dame Sandra, mais il a fini par la laisser glisser contre son gré. Abrité ensuite par son sérac, qui a résisté au poids de la neige, et grâce à ses connaissances en la matière, il se retrouve dans une cavité que ses mouvements ont creusée dans la neige. Par chance, elle n'était pas poudreuse, et il n'en a donc presque pas inhalé. Par contre, elle va très rapidement geler et donc durcir, et il est de ce fait impératif de s'en extraire le plus rapidement possible. Au c½ur de tout ce blanc, qui laisse pourtant à peine passer la lumière de l'après-midi, son sens de l'orientation est perturbé. Il repère le bas grâce au bloc de coinceurs accroché à sa ceinture qui, soumis à la gravité, pend, et se met donc aussitôt à la tâche pour creuser laborieusement (sans son piolet qu'il a perdu) dans la direction opposée. Comme il avait réussi à se maintenir plutôt en surface de la coulée, il parvient à se dégager et à s'extraire de la gangue glacée. À la surface du glacier règne désormais un grand silence qui contraste avec le fracas de l'avalanche. Tout autour de lui, vers l'amont comme vers l'aval, est d'une blancheur immaculée, et à part le sommet de l'Anekthor, plus lointain que tout à l'heure, les repères qu'il avait dans le paysage "d'avant" ont disparu.
La neige en surface se met à tourbillonner autour de lui (et seulement autour de lui).


Le grand silence blanc


Hans tente de localiser les balises de ses compagnons d'infortune. La portée du signal de ces applis est d'environ 800 m. Il capte ceux de tout le monde, sauf Wallace Dougal : soit son appareil est défectueux ou éteint, soit il a été entraîné encore plus bas (ce qui est possible, vu l'aspect de la coulée). Tous sont situés en aval par rapport à lui, qui a eu la chance de réussir à s'"abriter" relativement tôt : les plus proches sont Dame Sandra et Gam. Ensuite, par éloignement croissant, il y a Al, Kyle, Henri Dupont, Charlotte, et Billy qui a été entraîné le plus loin. Le signal de l'appli ne permet pas d'estimer la profondeur d'ensevelissement de façon fiable, à moins d'être à l'aplomb de l'appareil.
Plus on reste longtemps enseveli, plus les chances de survie s'amenuisent... Dans les quinze minutes elles sont encore très bonnes, au delà ça descend très rapidement : il y a donc urgence !
Hans décide de dégager en priorité Gam, puisque c'est elle le médecin.

Kyle s'extrait à son tour laborieusement de la couche de neige. Il a su garder son sang froid (et, contrairement à Hans, son piolet), et en d'autres circonstances, il aurait pu trouver l'expérience qu'il vient de vivre intéressante, car question adrénaline, il a été servi !

Comme chacun de leurs compagnons, les deux hommes sont pourvus d'une petite pelle pliante, prévue justement pour dégager les victimes d'une éventuelle avalanche.

Mi-marchant, mi-glissant pour aller un peu plus vite, Hans arrive au niveau de la balise de Gam et s'attelle aussitôt à la tâche au moyen de sa pelle. Mais quelques instants plus tard, son outil fait un bruit métallique, comme s'il venait de taper sur quelque chose de dur : Gam était en train de se dégager elle-même et, devinant par transparence à travers la couche de neige qui la recouvre la pelle se rapprocher dangereusement de sa tête, a tapé dedans avec son piolet. En conjuguant leurs efforts, il ne faut guère de temps pour qu'elle retrouve la surface et puisse enfin respirer à pleins poumons.
Elle est endolorie par quelques contusions mineures, mais rien de grave : elle en sera quitte pour quelques bleus. Son casque est cabossé.
Après avoir constaté que Hans et Kyle vont bien, à part quelques bleus, elle prend part aux opérations de sauvetage du reste de la cordée.

Kyle se dirige vers le signal de la balise d'Al, quand les trois déneigés reçoivent un appel de ce dernier sur leurs communicateurs : "Je suis tombé dans une crevasse, j'arrive pas à m'en sortir tout seul ! Si vous êtes dans une meilleure posture, venez m'aider, s'il vous plait ! Je suis en train de me congeler..."
À la voix, on sent très nettement qu'il a perdu sa jovialité habituelle : sa situation doit effectivement être grave.

Sondant régulièrement la neige avec le manche de sa pelle pliante pour vérifier qu'il ne va pas tomber sur autre chose que de la neige, Hans parvient sans grande difficulté à dégager Dame Sandra. Elle est consciente (et avait commencé à tenter de creuser vers le haut avec son piolet), mais choquée, à la fois moralement (se retrouver enseveli sous la neige d'une avalanche est une expérience qu'il faut avoir les nerfs sacrément solides pour trouver intéressante, comme Kyle) et physiquement (elle est blafarde et souffre manifestement du froid). Il la hisse hors de son trou et elle s'effondre mollement à la surface du névé, le remerciant avec un faible sourire. Hans la frictionne énergiquement et la soutient, en attendant de la confier à quelqu'un de plus qualifié qui puisse gérer le soutien psychologique.
"Comment vont les autres ?" lui demande Dame Sandra en frissonnant et en claquant des dents dès qu'elle a un peu repris ses esprits. "Où est Wallace ?" ajoute t-elle avec inquiétude en regardant tout autour.

Descendant vers le signal de Billy, Gam voit quelqu'un émerger de la neige : c'est Charlotte Bogner. Elle se secoue un peu, pour se réchauffer et faire tomber la neige, et fait un tour d'horizon. Elle fait signe que tout va bien, puis consulte l'ordinateur personnel à son poignet et se dirige rapidement vers l'emplacement de la balise de Billy, où elle commence à creuser énergiquement avec sa pelle pliante. Gam change de direction et se dirige vers le signal d'Henri Dupont.
Billy, recouvert d'une épaisse couche de neige qui a bien commencé à geler (et donc, à durcir), est en train d'essayer de se dégager avec son piolet quand il reçoit un appel de Charlotte Bogner sur son communicateur.
"Billy ?" (ton angoissé)
"Billy !" (ton soulagé, quand il répond)
"C'est Charlotte... Vous n'êtes pas blessé ?" (ton inquiet)
"Tout va bien, je n'ai rien !"
"Je suis au-dessus de votre signal, je vais vous dégager. Ne paniquez pas..." (son ton dynamique habituel)
"Vous vous en êtes sortie ? Comment vont les autres ?"
"Oui, ça va. J'ai vu Gam, Kyle, Hans et Dame Sandra. Les autres sont encore enfouis, mais on va les sortir aussi."
Un interminable moment plus tard, la pelle de Charlotte Bogner crève la couche de neige au-dessus de Billy. Il reçoit un paquet de neige en pleine figure, mais surtout une bouffée d'air frais qu'il inspire goulûment. La pelle disparait vers le haut, vite remplacée par les mains gantées de la jeune femme, qui élargissent le trou traversant 80 bons centimètres de neige au-dessus de sa tête : "Billy !"
Après avoir inspiré goulûment, l'interpellé s'extirpe du trou, Charlotte s'évertuant à l'attraper par sa combinaison pour le tirer vers le haut, sans que ce ne soit d'une grande aide vue leur différence de poids. Son casque mauve fluo est cabossé sur la tempe droite, elle a un filet de sang séché sur le visage dont le bronzage a légèrement pâli, et maintenant elle tremble (alors que quand elle finissait de dégager Billy tout à l'heure, ses gestes avaient l'air sûrs). Le grand barbu lui passe un bras autour des épaules, la plaque contre sa poitrine, lui dit merci et lui fait une bise sur le dessus du casque. Elle le serre très fort, comme quelqu'un qui a pris un gros coup de stress et qui est brusquement en train de décompresser, le pic de stress étant passé. Il tente de s'écarter, car il reste encore un peu méfiant à son égard. "Le mieux pour me réchauffer, c'est de me mettre au boulot tout de suite. On peut sortir qui maintenant ?" Charlotte, qui ne l'a pas encore lâché, répond d'une petite voix : "Je ne capte pas la balise de Wallace..."
"Allons trouver Hans, il aura peut-être une idée pour localiser Wallace par d'autres moyens. Il a l'air très fort pour tout ça."

Il faut un peu de temps à Gam pour arriver à dégager Henri Dupont, qui avait lui aussi commencé à creuser de son côté. Elle l'aide à s'extraire de son trou, le visage pâle, le souffle court et les mouvements raides. Elle l'examine rapidement : il va aussi bien que quelqu'un de quarante ans, en bonne forme physique au départ, qui vient de passer dix à quinze minutes enfoui dans de la neige gelée, puisse aller : il est frigorifié (mais il s'active immédiatement pour se réchauffer, y compris faire des grimaces pour ne pas geler du visage). L'appli biomédicale de son ordinateur personnel n'indique rien d'anormal. Certes, il a le c½ur qui bat un peu vite, mais il vient de se prendre un sacré coup de stress ; et le souffle un peu court, mais il a passé un bon moment partiellement écrasé par de la neige gelée et avec une quantité d'air limitée. Pendant qu'elle l'examine, il lui dit un peu vivement : "Ça va merci, vous inquiétez pas, j'ai rien. Y en a sûrement qui ont plus besoin de vos soins. Allons aider les autres. Est ce que tout le monde a été sorti ?"

Au niveau du signal d'Al, Kyle enfonce le manche de son piolet dans la neige sans rencontrer de résistance... Il réalise qu'il ne pourra pas dégager son ami tout seul : il est dans une crevasse, hors d'atteinte, et il risque d'y tomber lui-même. Il appelle donc à l'aide, ce qui sert de prétexte à Hans pour laisser Dame Sandra seule, après lui avoir vite expliqué que "On en a déjà dégagé quelques uns, tous ceux qu'on a dégagés vont bien. Il faut au plus VITE dégager les autres. Excusez moi, je reviens dès que possible.". Les deux hommes utilisent le piolet de Kyle pour réaliser hâtivement un point d'ancrage dans la couche de neige gelée qui a été recouverte par celle de l'avalanche. Ils y fixent une corde à laquelle ils s'attachent. Hans, qui est le plus lourd et le plus costaud des deux, reste en surface pour assurer son camarade qui descend dans la crevasse remplie de neige pour tenter de dégager Al.
Par chance, la neige qui a comblé la crevasse n'a pas été tassée, et bien qu'elle soit en train de geler rapidement, elle se déblaie avec une pelle sans difficultés majeures. Mais Al ne parle plus, et ses amis craignent qu'il n'ait perdu connaissance, à cause du froid et du manque d'oxygène.
Après quelques longues minutes passées à pelleter la neige en la rejetant tant bien que mal vers le haut et en la tassant sur les bords du puits étroit qu'il creuse, Kyle perce enfin le sommet de la cavité dans laquelle Al est prisonnier ; il est à cinq ou six bons mètres sous la surface de la couche de neige. Al est bien là, immobile, le visage constellé de neige tourné vers lui : il ne réagit pas à son arrivée. Il n'y a pas un instant à perdre pour l'extraire de sa crevasse et lui prodiguer les gestes qui sauvent.
Kyle élargit le trou qu'il a creusé pour arriver jusqu'à lui, descend encore un peu (toujours assuré par Hans) pour lui passer une corde sous les aisselles, puis remonte rapidement et ils se mettent à deux pour hisser leur compagnon. C'est un peu laborieux, le trou restant relativement étroit et le sac à dos obligeant à plusieurs reprises Kyle à laisser Hans seul pour maintenir la corde tendue, pendant qu'il dégage un peu plus le passage pour la victime. Au bout de quelques longues minutes, Al est enfin de retour à l'air libre. Le senseur biomédical de son ordinateur personnel indique un pouls très faible : il respire et n'a pas encore fait d'arrêt cardiaque. Mais il faut le réchauffer de toute urgence, voire lui injecter quelques médicaments analeptiques.

Plus bas, un des membres de la cordée Dupin est en train de s'extirper de la couche de neige. Les autres ne sont pas visibles.

Gam rejoint Kyle et Hans auprès d'Al. Elle fait un rapide examen clinique : il est en hypothermie, c'est probablement la raison de sa perte de connaissance. Elle lui pose une voie veineuse, lui injecte des analeptiques pour soutenir ses fonctions vitales, et lui colle une poche de perfusion autochauffante pour le réchauffer (on tire une languette et une réaction exothermique se produit entre des composés dans l'enveloppe de la poche, qui réchauffe le contenu autour de 38 °C). Pendant ce temps, Hans et Kyle l'ont emmitouflé dans une couverture sèche et ajouté une couverture de survie par dessus, et lui frictionnent le visage. Sa température corporelle remonte doucement : ça devrait aller, il suffit d'attendre patiemment. Il n'est pas inconscient depuis très longtemps, le pronostic est très favorable.

Billy et Charlotte Bogner s'encordent pour réduire les risques de tomber dans une crevasse, et remontent vers Hans, qui est au chevet d'Al avec Gam, Kyle et Henri Dupont.
Marcher dans cette neige épaisse et pas encore complètement gelée (donc dans laquelle ils s'enfoncent plus profondément qu'avant l'avalanche) est pénible, et Charlotte Bogner se casse la figure, le nez dans la neige, à plusieurs reprises (mais elle se relève immédiatement à chaque fois).
Quand ils rejoignent les autres, Al commence à reprendre connaissance.

Gam suggère de faire venir l'aéromobile du Conscience Tranquille grâce à la télécommande (ce qui les disqualifierait pour la compétition).

Billy prend la parole : "Hans, on a pensé que tu pourrais faire quelque chose pour localiser Dougal autrement qu'avec la balise. Elle a l'air d'être morte. Ou peut-être tout simplement trop loin. On ne peut pas mettre un communicateur sur la caméra et s'en servir comme relais ? Ça permettrait de quadriller du terrain rapidement. À moins que tu n'aies une meilleure idée, bien sûr. Sinon, est-ce qu'on n'irait pas aider ceux de l'autre expédition ? Il y a des vies en jeu, c'est plus important qu'un pari, vous ne trouvez pas ? Et..." il poursuit en baissant la voix : "Dame Sandra m'inquiète un peu."
Henri Dupont abonde lourdement dans son sens : la priorité est d'aller secourir les autres victimes avant qu'il ne soit trop tard. Le sommet sera toujours là après.

Kyle ramène la caméra, restée stationnaire au-dessus du névé, vers le groupe. Hans fixe soigneusement son ordinateur personnel devant l'objectif (en faisant la mise au point sur l'écran de telle sorte qu'il soit lisible) avant de l'envoyer vers le bas, dans un triangle de dispersion qui s'écarte au fur et à mesure de la descente, pour tenter de repérer le signal de la balise de Wallace Dougal... en espérant que son ordinateur ne soit pas tombé en panne. Au bout de quelques centaines de mètres seulement, la balise s'affiche à l'écran.

Gam remonte en suivant les traces de Hans, qui sont encore visibles, pour éviter de tomber dans une crevasse dissimulée par la couche de neige. Elle parvient sans encombre au niveau de Dame Sandra, qui piétine dans la neige pour ne pas se refroidir. Elle est pâle, mais n'a pas l'air d'être blessée. Elle lui fait un faible sourire quand elle arrive à son niveau : "Je n'ai pas osé descendre seule vers vous, j'avais peur de tomber dans une crevasse..."
Puis elle enchaîne rapidement : "J'ai appelé Wallace sur son communicateur. Il a décroché, mais c'est tout, et depuis il ne répond plus, je tombe systématiquement sur le répondeur. Ça m'inquiète..."
Elle semble avoir toute sa tête. Quand Gam aborde le sujet de la poursuite du concours, elle lui réplique qu'il faudrait d'abord qu'il y ait encore un concours... En d'autres termes, avec Redcliffe disparu et Dupin enseveli par l'avalanche, elle est peut-être la seule encore en course. Son avis est d'aller tenter de secourir la cordée Dupin, et ensuite elle verra (car elle peut remporter le prix même si les autres sont morts ou ont abandonné, mais il faut bien entendu pour ça qu'elle arrive en haut de l'Anekthor...). Tout en parlant, elle s'encorde à Gam et l'entraîne vers le reste du groupe.

Al est désormais pleinement conscient, il s'est assis le temps que sa perfusion finisse de passer, puis s'est mis debout. Il parle et semble avoir toute sa tête.
Réalisant enfin que Charlotte Bogner a du sang séché sur la figure et qu'elle a fait plusieurs chutes pendant leur remontée, Billy lui demande : "Ça ira ? Vous devriez faire voir ça à Gam quand elle redescendra. On ne sait jamais."

Kyle ramène la caméra antigrav et Hans récupère son précieux ordinateur personnel. Hans s'encorde à Billy, et tous deux descendent prudemment mais aussi vite que les circonstances le permettent en direction de la balise de Wallace Dougal. Au bout de quelques centaines de mètres, ils captent enfin son signal sur leurs ordinateurs personnels. Malgré quelques crevasses traîtreusement dissimulées par la neige, ils mettent moins d'une demi-heure en tout pour atteindre le point sous lequel est enfoui leur infortuné compagnon, et s'attellent immédiatement à son déneigement. Lorsqu'ils l'atteignent, il est sans surprise glacé, inconscient, et ne respire plus. À la force des bras, ils le hissent rapidement à la surface et se mettent à pratiquer sur lui massage cardiaque et bouche-à-bouche.

Pendant ce temps, Gam a examiné Charlotte Bogner : elle va bien, le sang sur son visage vient d'une estafilade qu'elle s'est faite pendant l'avalanche. Par contre, elle est épuisée, physiquement et surtout nerveusement, et a besoin de repos (comme tous).
À la demande d'Al, Kyle redescend dans la crevasse récupérer son piolet (pendant qu'Henri Dupont l'assure).

Plus bas, le survivant de la cordée Dupin dégage ses compagnons : ils étaient encordés, il n'a donc pas de difficultés à les retrouver ; mais les quatre qu'il a sortis pour l'instant semblent inanimés.

Al étant en mesure de se déplacer, Henri Dupont suggère de descendre, au moins jusqu'à Wallace Dougal à qui Gam pourrait peut-être apporter des soins cruciaux s'il n'est pas déjà trop tard, voire jusqu'à la cordée Dupin. "On ne va quand même pas rester là à les regarder sans les aider, bon sang !"
Charlotte Bogner, qui était si méfiante à l'égard de leurs concurrents avant l'avalanche, n'a pas de réaction.

Gam propose d'abandonner la course : ce défi devient stupide et mortel. Mais de toutes façons, pour l'instant la "question" ne se pose pas : il n'y a plus de course, il s'agit de sauver ceux qui peuvent encore l'être. Quand tout le monde aura été sorti de la neige et quand les survivants se seront comptés, viendra le moment d'aviser, mais là il y a autre chose à faire.

Le groupe se rassemble au niveau de Wallace Dougal, sur lequel Hans et Billy suent à grosses gouttes, malgré la température négative, en lui prodiguant massage cardiaque et bouche-à-bouche. Ils accueillent avec soulagement l'arrivée de Gam (et de sa trousse médicale).
La médecine moderne est capable de choses que des Terriens du XXIème siècle auraient considéré comme miraculeuses. Quelques injections médicamenteuses adéquates permettent de relancer le c½ur de Wallace Dougal ; mais il reste comateux et a besoin de soins intensifs qu'il ne sera pas possible de lui prodiguer à flanc de montagne dans la neige : il faut de toute urgence l'évacuer vers l'hôpital de Collinsville, en espérant qu'il soit suffisamment bien équipé pour le traiter. En attendant, Gam le met sous perfusion (plus pour se donner bonne conscience qu'autre chose) et on le fourre dans son sac de couchage chauffant. Dans l'état actuel des choses, il n'y a rien de mieux à faire pour lui (à part peut-être l'abriter sous une tente, pour l'isoler un peu mieux).

Plus bas, le survivant de la cordée Dupin en est à huit corps dégagés. La plupart restent étendus sur la neige, inanimés, mais l'un au moins est encore vivant, car il est assis et remue les bras.
Billy propose de descendre les aider.

Gam demande à nouveau à Dame Sandra si elle pense encore à la course. Pour l'instant, ce qui la préoccupe c'est d'abord la santé de Wallace Dougal et celle des survivants de la cordée Dupin. "Bien sûr que j'y pense toujours. Avoir fait tous ces efforts pour rien... Mais c'est tellement futile à côté des vies qui sont en jeu. Au pire, on pourra toujours recommencer, si Robert est toujours vivant..." Et là, sa voix s'étrangle.

Dame Sandra tente de joindre les camps de base de ses deux concurrents pour obtenir de l'aide. Si elle n'en obtient pas, Hans fera monter l'aéromobile avec la télécommande. Le camp de base de la cordée Dupin refuse d'envoyer une aéromobile pour porter secours à leurs collègues : leurs instructions sont de ne surtout pas bouger, car leur intervention disqualifierait Dupin. Ils n'agiront que sur l'ordre express de Dupin lui-même, ou si ce dernier est mort. Par contre, le camp de base de la cordée Redcliffe répond à Dame Sandra qu'ils envoient immédiatement une aéromobile avec leur médecin à bord, qu'ils contactent dans la foulée les gardes ruraux de Collinsville pour tenter d'obtenir des secours supplémentaires, et qu'ils préviennent également l'hôpital de la ville qu'on va leur apporter en urgence des victimes d'avalanche.

Dame Sandra, Charlotte Bogner (complètement vidée, sans doute en grande partie par le contrecoup du stress subi lors de l'avalanche et du déneigeage de Billy) et Al, qui a quelques connaissances médicales de base et peut donc surveiller le patient inconscient, restent avec Wallace Dougal, et les autres entament après s'être encordés la descente vers la cordée Dupin.


Secours en montagne


Il leur faut un bon quart d'heure pour atteindre leurs concurrents. Ils étaient quatorze, il n'y a plus pour l'instant que deux survivants et neuf corps étendus dans la neige. L'un des deux survivants, une femme, est en train de creuser pour déneiger un de ses infortunés compagnons, et l'autre s'acharne à prodiguer massage cardiaque et bouche-à-bouche sur l'un des corps inanimés (le quatrième en partant du haut). En s'approchant, ils le reconnaissent : il s'agit du baron Dupin. Quant au montagnard qui tente de le ranimer, Kyle le reconnait également : il l'avait vaguement croisé à Collinsville avant le début de la compétition, quand il avait tenté d'approcher les équipages concurrents. À l'époque, l'individu l'avait hautainement toisé. Mais là, malgré sa combinaison de montagne très coûteuse et ses lunettes de glacier de marque, il fait beaucoup moins le malin : il a même l'air au bord de la panique.


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