Histoires naturelles
Ébauche de scénario naturaliste pour Traveller, réalisée à l'origine pour le quinzième concours de scénarios de la Cour d'Obéron, et présentée ici dans une version mise à jour.
Le thème du concours était un port étrange(r), et l'élément imposé, une danse improvisée.
Ce scénario a pour cadre l'univers de Traveller. Je l'ai plus précisément situé sur Chamois (Marches Directes / Voile de Trin 3139), de préférence à l'époque Classic ou au début de la Rébellion (ou pendant l'histoire parallèle de GURPS Traveller), mais son action peut facilement être déplacée vers une autre planète et/ou à une autre époque.
Aucune caractéristique technique n'est fournie.
Si vous êtes censés participer à ce scénario en tant que joueurs, ne lisez pas plus loin...
Chamois
Les données de base sur la planète Chamois figurent ici. La description figurant page 122 du supplément Behind the Claw pour GURPS Traveller peut apporter quelques compléments. Il faut en particulier noter que la majeure partie de la population humaine de la planète s'est rassemblée autour de l'unique spatioport, près de la mesa de Wefrai. Le reste de la planète abrite en particulier de nombreux Gazouilleurs, mais seuls de rares humains s'y aventurent et on le connait essentiellement par les photos satellites, l'essentiel restant encore inexploré.
Les personnages
Les PJ font partie d'une expédition scientifique constituée de biologistes. Ils peuvent être eux-mêmes scientifiques (l'expédition comportant au minimum un botaniste et un zoologue, de préférence des PJ), ou faire partie des roadies de l'expédition : chauffeur, spécialiste de la vie en pleine nature, etc...
L'expédition est de taille relativement réduite (au moins un PNJ (autre que le zoologue), mais pas plus de trois).
Un port étrange
Le principal sujet d'études de l'expédition est une plante, la brochésie chamoisienne (Brochesia rupicaprae), qui pousse dans certaines régions karstiques de Chamois. Contrairement aux autres brochésies, qu'on rencontre sur diverses planètes, l'espèce chamoisienne se caractérise par son port très particulier : en effet, alors que toutes les brochésies ont un port arborescent (certaines, dont les analyses génétiques ont prouvé qu'il s'agissait de la même espèce que la chamoisienne, peuvent atteindre dix mètres de haut dans une gravité pourtant légèrement plus élevée que celle de Chamois), la brochésie chamoisienne présente un port buissonnant (en termes simples pour les lecteurs non botanistes, cela signifie que la plante chamoisienne est la seule à avoir une forme de buisson, les autres étant des arbres).
C'est pour déterminer les raisons de ce port étrange que l'expédition a été entreprise.
Là où la main de l'homme n'a jamais mis le pied
L'expédition part de Wefrai à bord de deux aéromobiles (air/raft), de modèles comparables dans leur concept à des utilitaires tous-terrains (robustes, rustiques, mais pas forcément confortables).
Dans un premier temps, le MJ devra mettre en scène les premiers jours dans la brousse (le trajet durant lui-même quelques jours) : après avoir choisi un emplacement pour établir le camp et s'être installés, les membres commencent à explorer de plus près leur environnement. Si le botaniste s'est tout naturellement précipité sur les buissons de brochésie, les autres explorateurs disposent d'un peu plus de latitude dans le choix de leurs activités.
La région présente un relief fortement accidenté, avec de multiples crevasses et de nombreuses aiguilles rocheuses qui la rendent difficilement praticable (pensez au tsingy malgache). Elle est en outre sèche sans être aride, les précipitations (pourtant relativement fréquentes et entraînant parfois des glissements de terrain) s'enfonçant directement dans le sol et les cours d'eau étant souterrains. La seule eau disponible en surface est constituée par les flaques qui se constituent dans les creux de rochers suite aux pluies, et s'assèchent plus ou moins rapidement ensuite.
Le zoologue va vite tomber sous le charme d'une espèce inconnue de petits (deux ou trois cm de long pour les plus gros spécimens) animaux grégaires ressemblant d'assez loin à nos rainettes et se déplaçant en troupeaux de flaque dans un creux de rocher en flaque dans un creux de rocher : si c'est un PJ, le MJ devra réussir à convaincre le joueur de l'intérêt que présentent pour lui ces bestioles (en jouant sur le tableau animaux inconnus de la science et pouvant permettre au chercheur écrivant le premier article sur eux de passer à la postérité, par exemple).
En étudiant ces animaux (qu'il pourra en prime baptiser, étant leur découvreur ! Pour faciliter la lecture du scénario, nous les appellerons tuidas), notre savant remarquera une particularité intéressante de leur comportement : quand la flaque où vit un groupe de tuidas va se tarir, des éclaireurs isolés partent à la recherche d'une nouvelle flaque. Lorsque l'un d'entre eux a découvert une flaque potentiellement intéressante, il revient vers son groupe et indique, au moyen d'une succession complexe de tours et de détours, la direction et la distance de la nouvelle mer promise. Si nécessaire, l'information est répétée pour les autres par ceux qui l'ont déjà reçue. Ainsi, la "tribu" toute entière peut migrer, chacun pour soi essayant d'échapper aux nombreux prédateurs qui guettent ces animaux vulnérables.
Il s'agit ni plus ni moins d'un comportement proche de la danse des abeilles ; se documenter sur cette dernière (par exemple ici) peut éventuellement être utile au MJ pour ses descriptions.
(bien entendu, si le zoologue est un PJ, il ne faut pas lui présenter les choses de façon aussi simple : ce n'est qu'en étudiant le comportement des tuidas pendant plusieurs semaines qu'il finira par comprendre à quoi correspondent ces circonvolutions complexes)
Pour le reste, on peut agrémenter ces premières semaines de terrain avec quelques rencontres avec la faune locale (n'ayez pas la main trop lourde avec les grands prédateurs), des intempéries contraignant à déplacer le campement (pour échapper à une coulée de boue ou à un éboulement, par exemple), des soucis avec le matériel, et des problèmes relationnels avec les PNJ. Et bien sûr, l'expédition devra résoudre le problème de l'approvisionnement en eau !
Twill
Au bout de quelques jours, un gazouilleur va s'approcher des membres de l'expédition, les observant d'abord d'assez loin, puis s'enhardissant et venant de plus en plus près.
Bien que son espèce soit grégaire, cet individu est solitaire : il a été rejeté par ses congénères en raison d'une tare (il est muet) et vit depuis en paria errant.
Faisant montre de curiosité envers les humains, il se prend d'affection pour eux. Si la réciproque devient vraie, il pourra être considéré comme une mascotte par l'expédition (d'autant plus aisément si l'intelligence des gazouilleurs n'a pas encore été découverte dans la campagne et si les persos le considèrent juste comme un animal à l'intelligence comparable à celle d'un singe ou d'un chien).
Pour faciliter encore une fois la lecture du scénario, nous appellerons cet individu Twill, en hommage au personnage du même nom (Tweel en V.O.) de L'odyssée martienne de Stanley Weinbaum, probablement le premier ET pensant de la SF à n'être ni bêtement hostile, ni humanoïde. Mais il est probable que vos joueurs choisissent un autre nom !
L'accident
Cette scène ne doit avoir lieu qu'une fois la danse des tuidas décodée par le zoologue.
L'un des PNJ membres de l'expédition, parti seul (ou presque : il était accompagné de Twill si l'expédition l'a "apprivoisé", suivi discrètement à distance si elle s'est montrée hostile à son égard (auquel cas la suite des évènements risque d'être délicate à résoudre pour les PJ !)), dévale brusquement plusieurs mètres suite à l'effondrement sous son poids d'un bloc de roche pourrie, se blesse plus ou moins grièvement (selon les compétences médicales des PJ ; au minimum une jambe cassée, mais si vous êtes sadique, vous pouvez aller jusqu'au traumatisme rachidien) et, assommé dans sa chute, perd connaissance.
Lorsque Twill, indemne, réalise que son compagnon est blessé et inconscient, et qu'il n'est pas assez fort pour le déplacer, il fonce à perdre haleine vers le camp.
Une danse improvisée
Les membres de l'expédition restés au camp commencent à s'inquiéter de ce que leur camarade ne revienne pas, quand ils voient accourir Twill, épuisé et visiblement dans un état d'excitation intense.
Il court droit au zoologue, se plante devant lui pour attirer son attention, puis se lance dans une sorte de danse improvisée, décrivant une succession de boucles.
Il ne devrait pas être trop difficile aux PJ de comprendre que Twill veut leur indiquer l'emplacement d'un lieu au moyen du même système de communication que les tuidas. En décryptant ses mouvements (qu'il répétera jusqu'à ce qu'il estime que les humains ont compris, qu'on le chasse, ou qu'il tombe d'épuisement), les PJ peuvent déterminer où se trouve l'endroit indiqué par le Gazouilleur, en plein c½ur d'un dédale d'aiguilles. S'y rendre en aéromobile ne prend que quelques minutes et leur permet de découvrir leur camarade, mal en point et toujours inconscient.
Twill quant à lui n'a plus les forces nécessaires pour les guider sur les lieux de l'accident : une fois sa danse accomplie, il s'écroule, épuisé par sa course. Les PJ s'inquiéteront peut-être, mais il a simplement besoin de repos.
Complications possibles
Au lieu d'un simple accident, l'explorateur pourrait avoir été victime d'un attentat.
La zone où les persos se livrent à leurs études est en effet située dans un terrain grenatifère, ce qui n'a pas échappé à un petit groupe de prospecteurs sans scrupules. Craignant qu'à force de fouiner, les PJ découvrent leur mine clandestine, parfaitement illégale mais fort lucrative, ils ont provoqué l'accident au moyen d'une charge explosive, et comptent bien éliminer les membres de l'expédition l'un après l'autre.
Sur les lieux du crime, des persos curieux pourront trouver des indices d'une intervention humaine malveillante. La gestion de la suite des évènements est laissée au MJ, mais si l'expédition se sépare, les uns restant sur place pendant que les autres ramènent la victime à Wefrai pour qu'elle reçoive des soins sérieux, il est probable que ceux qui ne seront pas retournés à la civilisation seront la cible d'une attaque commando. Espérons que leurs armes de chasse seront suffisantes pour repousser les assaillants !
Épilogue
L'expédition terminée, le zoologue tient matière à toute une série d'articles, de conférences et d'ouvrages qui devraient lui ouvrir bien des portes dans la communauté scientifique.
Le botaniste aussi, car il aura probablement élucidé les raisons du port particulier de la brochésie chamoisienne...
Sur Chamois, on trouve des bandes de tuidas partout où poussent des brochésies. Les femelles tuidas pondent leurs ½ufs par grappes à la base des buissons de brochésie, au cours des migrations de flaque en flaque. Lorsque ces ½ufs éclosent, en sortent de minuscules larves qui vont parasiter les bourgeons situés à proximité immédiate, c'est-à-dire ceux des rameaux bas de la plante, avant de s'y transformer en adultes. La présence d'une larve dans un bourgeon y stimule la production d'auxines (hormones de croissance végétales), entraînant donc l'élongation du rameau portant le bourgeon et l'inhibition de la croissance des autres rameaux. Si les tuidas pondaient au sommet des buissons de brochésie, ces plantes auraient sans doute un port arborescent, mais ce n'est pas le cas.
Et si dans votre campagne la communauté scientifique n'a pas encore réalisé à quel point les Gazouilleurs sont intelligents, le témoignage des PJ peut tout faire changer...
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