Ambroise Paré (1509 / 1590), considéré comme l'un des deux pères de la chirurgie française (1), fut le chirurgien attitré de quatre rois de France. Bien qu'autodidacte, il fit passer la chirurgie d'un statut de discipline manuelle méprisée par les médecins, pratiquée par les barbiers, à celui d'une profession respectable, mais son zèle à dénoncer les charlatans lui valut l'hostilité d'un corps médical engoncé dans ses traditions.
Il fut aussi un prothésiste inventif, et s'intéressa aux monstres (regroupant sous ce terme aussi bien de réelles monstruosités de la nature que des animaux inhabituels tels que la baleine).
Sa devise était : Labor improbus omnia vincit (Un travail acharné vient à bout de tout).
Ambroise Paré âgé
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Biographie
Ambroise Paré est né en 1509 (2) au Bourg-Hersent, hameau proche de Laval dans la province du Maine, quatrième enfant d'un père coffretier (3) qui lui apprend à lire et à écrire avant de le placer à treize ans comme domestique chez un prêtre des environs, l'abbé Orsey, qui lui enseigne quelques rudiments de latin.
En 1525, il séjourne à Angers chez son frère aîné Jehan, barbier (c'est à dire aussi chirurgien). Il est ensuite placé en apprentissage auprès de Jean Vialot, le barbier du comte de Laval.
En 1532, il monte à Paris, chez son autre frère coffretier. Il rentre à l'Hôtel-Dieu (4) comme barbier-infirmier, et peut ainsi se perfectionner. Il y assiste en particulier à l'épidémie de peste de 1533 (5), et s'y lie avec de grands noms de la médecine et de la chirurgie, tels que Jacques Goupil (professeur au Collège de France) et Jacques Dubois (dit Sylvius, le premier médecin à étudier l'anatomie à l'aide de cadavres).
En 1536, ayant fini ses études mais n'ayant pas les moyens de fournir les 72 sols et 6 deniers parisis nécessaires à la soutenance de son diplôme devant les barbiers-jurés, Ambroise Paré devient chirurgien aux armées. Il est attaché à la personne du duc René de Montjean, le capitaine général des gens de pied (6), comme compagnon barbier.
Il part donc pour le Piémont, et reçoit le baptême du feu en octobre 1537 au combat de Pas-de-Suze. Parmi ses premiers patients figure le capitaine Le Rat, blessé à la cuisse droite d'un coup d'arquebuse. Paré lui applique le traitement habituel pour l'époque, brûlant la plaie avec un caustique à base d'huile de sambuc bouillante et d'un doigt de thériaque (7).
Après le combat, alors qu'il erre dans la ville jonchée de blessés et de morts à la recherche d'un lieu pour s'y loger (avec son valet et leurs chevaux), un soldat lui demande si trois blessés ont des chances de s'en tirer ; Paré ayant répondu par la négative, le soldat les égorge calmement pour abréger leurs souffrances. Cette scène choque fortement le jeune chirurgien.
L'huile bouillante venant à lui manquer pour les caustiques, Paré se voit contraint d'appliquer à leur place un pansement consistant en un digestif (8) fait de jaunes d'œufs, d'huile rosat et d'essence de thérébentine. Contrairement à ses craintes qui lui font passer une nuit blanche, il retrouva le lendemain ses patients, non pas morts empoisonnés, mais en meilleur état que ceux dont les plaies avaient été cautérisées par le caustique. Il préconise dès lors simplement de remplacer l'huile bouillante par de l'huile chaude, n'osant pas bousculer complètement une tradition profondément ancrée dans sa profession.
La campagne du Piémont est également l'occasion pour Paré d'essayer diverses nouvelles méthodes moins douloureuses que celles de ses confrères ; il pratique en particulier la première amputation par désarticulation du coude dans un cas de gangrène. Il ramènera encore d'Italie la recette obtenue auprès d'un chirurgien milanais de l'huile de petits chiens, un baume à base de chiots nouveaux-nés bouillis dans de l'huile de lis avec des lombrics et de la térébenthine.
Montjean meurt à Turin à l'automne 1538. Paré décline la proposition du nouveau maréchal de France, d'Annebaut, de le prendre à son service (moyennant un salaire supérieur) et rentre à Paris en 1539. Il y passe ses examens de barbier à partir de 1540, devient maître barbier-chirurgien et est incorporé en 1541 dans les chirurgiens de Saint-Côme et Saint-Damien (les barbiers), ouvre sa propre boutique et épouse Jeanne Mazelin le 30 juin 1541.
En 1542, Paré repart en guerre, comme chirurgien du comte René de Rohan-Gié. Au siège de Perpignan (occupée par les Espagnols), il est appelé auprès du maréchal de Brissac, le grand maître de l'artillerie, duquel les médecins ne peuvent retirer une balle entrée près de l'omoplate. Applicant son précepte selon lequel il faut placer les blessés dans la position qu'ils occupaient au moment où ils ont reçu leur corps étranger pour extraire ce dernier, Paré permet au chirurgien du Dauphin, Nicolle Lavernot, d'ôter facilement la balle.
Après la trève hivernale, Paré repart en guerre auprès de Rohan, à Maroilles, en Bretagne, à Landrecies.
En 1545, sa femme accouche d'un petit François. Cette même année, sur les conseils de Sylvius, Paré fait paraître sa Méthode de traicter les playes faictes par hacquebutes et autres bastons à feu et de celles qui sont faictes par flèches, dartz et semblables ; aussi des combustions espécialement faictes par la poudre à canon (61 pages). Dans ce livre écrit en français, dont le retentissement dépassera les frontières françaises, il expose ses pratiques. Cet ouvrage est mal accueilli par les médecins eux-mêmes, qui ne voient pas d'un bon œil un simple barbier diffuser ainsi des connaissances nouvelles dans une langue accessible à tous.
En août, au siège de Boulogne par le roi d'Angleterre Henri VIII, Paré (toujours attaché au service de Rohan) soigne François de Lorraine, duc de Guise, retirant de sa tête le fer d'une lance au moyen de tenailles de maréchal ferrant et en prenant appui du pied sur le visage de son patient "après avoir pris son consentement". La cicatrice qui en résulta valut au duc de Guise son surnom Le Balafré. La réputation de Paré, considéré comme le premier chirurgien de France, en est encore grandie.
Son fils François meurt peu après.
En 1547, les Paré ont un deuxième enfant, Madeleine, qui mourra elle aussi en bas âge.
En 1549, prosecteur (9) de Sylvius, il fonde la chaire d'anatomie de la faculté de médecine de Paris et publie Briefve collection de l'administration anatomique avec la manière de conjoindre les os et d'extraire les enfants tant morts que vivants du ventre de leur mère, lorsque nature de soy ne peult venir à son effet.
Il fait venir à Paris et entrer à Saint-Côme Bertrand, le fils de son frère Jehan, mort en 1548 à Vitré où il s'était établi.
Il revoit aussi son Traité des playes d'hacquebutes dont, sur le conseil de Rohan, il fait hommage au roi Henri II (10).
En juin 1552, Paré suit Rohan lors de la campagne de Lorraine. Sa réputation va grandissant. Au siège de Damvillers, n'ayant plus de fers rouges il procède pour la première fois à la ligature des vaisseaux sanguins lors d'une amputation sur un gentilhomme blessé à la jambe d'un coup de couleuvrine (11).
En août, pour une expédition vers Hesdin, il devient chirurgien du duc de Vendôme, qui le présente ensuite à Reims au roi le 31 août. Henri II le nomme son chirurgien ordinaire.
Rohan meurt à l'automne.
Le 8 décembre, le roi envoie Paré dans Metz assiégée par Charles Quint. Ayant acheté un capitaine italien pour 1500 écus, il parvient à s'introduire dans la ville, où le duc de Guise qui défend la place lui obtient un accueil triomphal de la part des gentilshommes présents. Après la levée du siège, le chirurgien est richement récompensé par le roi.
En 1553, Paré est fait prisonnier par les troupes de Charles Quint le 17 juillet, lors de la chute d'Hesdin assiégée. Pour éviter les mauvais traitements, il révèle sa condition de chirurgien et est attaché aux soins d'un prisonnier de marque, M. de Martigny, qui finit cependant par décéder, privant le duc de Savoie d'une importante rançon. Pour échapper aux galères ou à la potence, il comparaît devant une commission de médecins et chirurgiens pour rendre compte du traitement administré. Suite à sa brillante démonstration, le premier chirurgien de l'empereur, puis le duc de Savoie, lui proposent de le prendre à leur service. Son refus auprès du second, auquel il annonce qu'il "avait délibéré de ne rester avec aucun étranger" manque de lui valoir les galères, auxquelles il échappe car le gouverneur de Gravelines le demande au duc pour traiter son ulcère à la jambe. Après cette guérison, Paré est libéré sans rançon.
Rentré à Paris, Paré est nommé conseiller et premier chirurgien par Henri II, et grâce à celui-ci la confrérie de Saint-Côme (qui ne voit pas d'un bon œil les idées "révolutionnaires" de Paré) le fait docteur en chirurgie, le dispensant de passer les épreuves de latin.
En 1557, il pénètre dans Dourlan (l'actuelle Doullens) assiégée par les Espagnols.
En 1559, il fait paraître ses 26 traités en un seul volume in-folio. C'est aussi l'année de la naissance de son fils Isaac (qui meurt le 2 août 1560 (12)), et de la mort du roi Henri II (le nouveau roi, François II, le garde comme chirurgien).
En 1560, Paré adopte Jeanne, la fille de son frère coffretier, à la mort de la veuve de ce dernier. Le 20 septembre, sa femme accouche d'une fille, Catherine.
François II meurt le 8 décembre, et Paré, accusé de l'avoir empoisonné, est condamné à mort par les Suisses. La reine intervient en sa faveur, et le nouveau roi Charles IX (qui l'appelle Ambroise) le conserve lui aussi comme chirurgien.
En 1561, Paré publie consécutivement Méthode curative des playes et fractures de la teste humaine et Anatomie universelle du corps humain. Le 4 mai, en allant voir un malade, il chute de cheval et se casse les deux jambes ; il est pansé par ses élèves et marche à nouveau deux mois plus tard.
En 1562 éclate la première des guerres de religion. Paré rejoint l'armée royale et participe aux sièges de Blois, Tours, Bourges, Rouen, soignant sans distinction catholiques et huguenots.
Devant Rouen, une épidémie mortelle éclate dans le camp royal. Les traitements habituels restant impuissants, Paré a confusément l'idée d'une infection des plaies par des germes aéroportés, et ce, plusieurs siècles avant Pasteur ! Il exposera ces idées et le traitement prescrit (injection dans la plaie ou introduction dans celle-ci, au moyen de sétons, d'onguent ægyptiac dissous dans du vin ou de l'eau de vie) en 1564 dans un traité des playes par hacquebutes. Grâce à ces pansements antiseptiques, il parvient à vaincre l'épidémie. En récompense, Charles IX lui octroie le titre de premier chirurgien du roi.
Paré est encore à la bataille de Dreux le 19 décembre, et au siège du Havre en juillet 1563.
Il accompagne Charles IX lors de sa tournée dans le royaume en 1564. Il combat l'épidémie de peste à Lyon et manque une nouvelle fois d'en être victime. Il publie aussi Dix livres de la chirurgie avec le magasin des instruments nécessaires à icelle en 1564, et Traicté de la peste, de la petite vérolle et rougeolle en 1568.
Sur les champs de bataille des guerres de religion, le roi le charge de soigner plusieurs seigneurs étrangers alliés (dont le comte Peter Ernest de Mansfeld, gouverneur de Luxembourg).
Le 24 août 1572, il est au chevet de l'amiral de Coligny blessé quand éclate la sanglante nuit de la Saint-Barthélémy. Il parvient à s'enfuir de la chambre de son patient quand surviennent les assassins de celui-ci.
Le 31 novembre 1573 (13), sa femme Jehanne meurt dans leur logis rue de l'Arondelle, lui laissant la charge de leur fille Catherine et de leur nièce Jeanne (qui a environ 19 ans). Paré se remarie le 18 janvier 1574 avec Jacqueline Rousselet.
Henri III, qui succède à Charles IX sur le trône, conserve Paré comme chirurgien. Cette même année 1574, il publie De la génération de l'homme et manière d'extraire les enfans hors du ventre de la mère.
En 1575, il rassemble tous ses écrits en un seul ouvrage, Les œuvres de M. Ambroise Paré, conseiller et premier chirurgien du roy, avec les figures et portraits, tant de l'anatomie que des instruments de chirurgie et plusieurs monstres. Sa deuxième épouse lui donne une fille, Anne.
En 1576 nait son sixième enfant, Ambroise, qui mourra en 1577. En 1578 nait un septième enfant, Marie, qui mourra la même année. En 1579 (année de la réédition de ses Œuvres complètes (14) et des livres Des monstres et Des venins), nait sa fille Jacqueline (morte en 1582). En 1581, les Paré ont encore une fille, Catherine (qui vivra jusqu'en 1659), et en 1583 un fils, Ambroise II, qui mourra en 1584.
Il publie encore Discours de la Mumie, des Venins, de la Licorne, de la Peste en 1582 (15), et Apologie et Traité, contenant les voyages faits en divers lieux en 1585.
En 1586, il a un différend avec sa fille aînée Catherine (qui fera un procès à sa veuve en 1595).
Il meurt dans sa maison le 20 décembre 1590, entouré de ses proches.
Feuille de personnage GURPS
Les données techniques qui suivent sont conformes aux règles officielles du jeu et n'incorporent aucune de mes propres modifications.
ST : 10 [0]
DX : 14 [45]
IQ : 14 [45]
HT : 11 [10]
Wealth : comfortable [10]
Status : 1 [5]
Reputation : +4 (auprès des soldats et de la population parisienne : chirurgien capable de faire des prouesses pour ceux qu'il soigne) [10]
Literacy [5] (en considérant que le default est Semi-literate)
Patron : le roi de France [30]
Versatile [5]
Delusion (les maladies sont un fléau divin) [-1]
Enemy (sommités médicales) [-20]
Intolerance (empiriques et charlatans) [-3]
Obsession (soulager les souffrances des blessés et des malades) [-10]
Sense of Duty (ses patients) [-10]
Quirk : Humble [-1]
Quirk : attribue à Dieu le mérite de ses succès thérapeutiques (Je le pansay, Dieu le guarist) [-1]
Quirk : très croyant, mais ni catholique ni protestant [-1] (16)
Quirk : compatissant et secourable [-1]
Quirk : n'aime pas opérer en présence des parents et amis du patient [-1]
Agronomy / TL 4 : 12 [½]
Animal Handling (Horses) : 11 [½]
Animal Handling (Mules & Burrows) : 12 [1]
Area Knowledge (Paris) : 13 [½]
Artist : 11 [½]
Botany / TL 4 : 11 [½]
Cooking : 13 [½]
Diagnosis / TL 4 : 16 [8]
Language (French) : 14 [0] (langue maternelle)
Language (Latin) : 6 [0]
Occultism : 12 [½]
Pharmacy / TL 4 : 15 [6]
Physician / TL 4 : 17 [10]
Physiology / TL 4 : 15 [12]
Psychology : 11 [½]
Riding (Horse) : 12 [½]
Riding (Mule) : 12 [0] (default du précédent)
Savoir-Faire : 13 [½]
Stealth : 12 [½]
Surgery / TL 4 : 19 [28]
Teaching : 12 [½]
Woodworking : 12 [½]
Writing : 12 [½]
Zoology / TL 4 : 11 [½]
Point Total : 188,5 pts
Paré est présenté ici vers 1560. Il est au sommet de son art, mais ne subit pas encore les rigueurs de la vieillesse. Pour une version plus âgée, il convient au minimum de réduire la DX.
Ambroise Paré opérant
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Rencontrer Ambroise Paré
Paré est relativement facile à rencontrer : au sein d'une armée en campagne, si l'un des personnages est blessé par exemple ; en tant que praticien, lors de sa formation à l'Hôtel-Dieu ou dans son exercice parisien par exemple ; ou encore à la Cour, en particulier sous Charles IX.
Un personnage barbier pourrait aussi vouloir suivre les enseignements du père de la chirurgie.
À moins que Paré ne soit dans le camp opposé aux personnages : ce pourrait être le cas si ceux-ci sont des médecins ou apothicaires charlatans, en particulier s'ils tentent par ce biais d'obtenir les faveurs du roi.
Paré étant probablement le plus brillant chirurgien de son époque, il serait difficile à un personnage de le concurrencer ; mais il ne refuserait certainement pas de discuter boulot avec un confrère dont l'expérience pourrait venir enrichir ses propres connaissances.
Par contre, il admettait mal de trouver meilleur que lui dans le domaine médical...
Paré est un personnage remarquablement intéressant ayant vécu au début de la période couverte par Swashbucklers et en plein dans celle servant de cadre au jeu Te Deum pour un massacre.
Que se serait il passé si... ?
Pendant son apprentissage chez Jean Vialot, barbier du comte de Laval, Paré fut remarqué par la comtesse qui lui proposa de devenir gâte-sauce aux cuisines.
Qu'aurait il pu se passer si Paré était devenu cuisinier au lieu de continuer dans la voie de la chirurgie ? Quelles nouvelles recettes ou astuces culinaires aurait il élaborées ? Qui aurait été à l'origine d'un éventuel renouveau de la chirurgie française ?
Lorsque Paré applique son digestif sur les blessés au lieu du traditionnel caustique en usage à l'époque, il ne le fait pas dans un but d'innovation, ni pour éviter une pratique délétère, mais bien parce qu'il y est contraint par les circonstances et doit, en l'absence du médicament approprié, faire semblant de soigner quand même ses patients.
Qu'aurait il pu se passer si Paré n'avait pas été à court d'huile bouillante ? Aurait il eu d'autres occasions de constater que l'application de son digestif avait de meilleurs effets sur les patients que la cautérisation par le caustique ? Ou aurait il persisté toute sa vie dans l'emploi des méthodes traditionnelles ?
En sauvant le duc de Guise, important personnage du royaume, gravement blessé au visage, Paré a probablement fait beaucoup pour sa réputation de grand chirurgien.
Qu'aurait il pu se passer s'il n'avait pas pu sauver Guise ? Aurait il quand même pu se forger la réputation qui fut la sienne ? Cet échec aurait il été une tache sur son parcours, attirant l'opprobre sur lui et ruinant définitivement sa réputation professionnelle ?
Lorsqu'il ligature les vaisseaux de la jambe du gentilhomme de la suite de Rohan qu'il ampute au siège de Damvillers, Paré se trouve une nouvelle fois à court du traitement habituel pour l'époque, ici les fers rouges utilisés pour cautériser le moignon.
Qu'aurait il pu se passer s'il avait eu des fers rouges à sa disposition ? Aurait il quand même tenté la ligature, ou aurait il cautérisé le membre ? Et dans ce dernier cas, aurait il procédé à la ligature sur un autre patient, en une autre occasion ? Cette dernière possibilité est probable, car Paré connaissait déjà le principe de la ligature, et sa curiosité scientifique l'aurait sans doute amené à tenter l'expérience...
Et si, au lieu de rentrer chez lui avec une jambe de bois en louant les mérites du chirurgien qui lui avait évité d'avoir été misérablement brûlé pour lui étancher le sang, le patient était mort, malgré ou à cause de la nouvelle technique chirurgicale employée sur lui ? Paré aurait il persisté dans cette voie ? Sa réputation n'aurait elle pas été ternie ?
À plusieurs reprises, Paré s'introduisit dans des villes assiégées pour porter secours aux défenseurs. La qualité de ses soins, ainsi que ses conseils en matière d'hygiène et de prophylaxie, ont probablement contribué de façon non négligeable à éviter la chute des villes concernées, et par là même à influer sur le cours des campagnes militaires.
Qu'aurait il pu se passer s'il n'avait pas pu rentrer dans Metz en 1552, par exemple ? La ville serait elle finalement tombée aux mains de Charles Quint ? Quelles auraient été les conséquences de la prise de cette place sur la suite de la campagne ?
Sylvius, qui fut l'un de ses protecteurs, a joué un rôle non négligeable dans l'importance de l'œuvre écrite de Paré.
Qu'aurait il pu se passer si ce dernier n'avait pas été poussé par son mentor à se lancer dans l'écriture et la publication ? Aurait il quand même publié ? Aurait il été aussi prolifique ?
Paré ne savait pas le latin. Orsey lui en avait bien enseigné quelques rudiments, mais pour le reste le grand chirurgien avait appris son métier sur le terrain ou dans des traductions en français.
Qu'aurait il pu se passer s'il avait su écrire le latin ? Aurait il été plus conformiste, baigné qu'il aurait été dans une littérature nettement plus abondante ? Aurait il écrit en latin ? Et ses livres, écrits dans cette langue, auraient ils eu la même diffusion, le même retentissement ? À toutes choses égales par ailleurs, un Ambroise Paré latinisant aurait il été le père de la chirurgie française, ou n'aurait il été lu que de quelques initiés ? Ses œuvres seraient elles mieux passées auprès du corps médical de l'époque si elles avaient été écrites en latin, comme tout ouvrage sérieux ?
Pour obtenir le bonnet de docteur en chirurgie, Paré eut besoin de l'appui du roi Henri II, qui fit pression sur la confrérie de Saint-Côme pour le dispenser des épreuves de latin.
Qu'aurait il pu se passer si la confrérie avait persisté dans son refus ? Paré aurait il effectué de nouvelles tentatives pour devenir docteur ? Ou se serait il contenté de son sort, un titre honorifique ne préjugeant pas de la valeur de l'individu ?
Et si Paré avait été latiniste, aurait il pu passer les épreuves sans problème, ou la confrérie aurait elle trouvé d'autres prétextes pour l'empêcher de devenir docteur ?
Paré n'a pas pu soigner le roi Henri II lorsqu'il fut mortellement blessé en 1559 par un coup de lance qui lui pénétra dans l'orbite. En effet, bien que la blessure semble avoir été en elle-même moins grave que celle qui valut au duc de Guise son surnom de Balafré, les choix de traitement étaient pris par les médecins, qui indiquaient le cas échéant aux chirurgiens les opérations à effectuer (opérations dont ils n'avaient souvent aucune expérience). Leur incompétence ne put rien pour Henri II qui, blessé le premier juillet, ne mourut que le 10.
Qu'aurait il pu se passer si Paré, qui n'était à l'époque que chirurgien ordinaire du roi, avait pu intervenir ? Aurait il pu sauver son patient ? Quelles auraient été les conséquences sur le cours de l'Histoire ?
Paré se trouvait dans la chambre de son patient l'amiral de Coligny lorsque celui-ci fut assassiné lors de la nuit de la Saint-Barthélémy.
Qu'aurait il pu se passer si le chirurgien n'avait pas pu fuir ? Aurait il été assassiné lui aussi ? Après tout, la rumeur le faisait passer pour secrètement protestant... Ou les sicaires l'auraient ils épargné, peut-être sur l'ordre du roi comme le veut une théorie (controversée) selon laquelle Charles IX aurait ordonné d'épargner Paré qui le soignait pour une maladie vénérienne ?
Et si Paré avait défendu son patient, aurait il pu mettre en fuite les assassins et empêcher la mort de Coligny ?
En 1582, Paré publia son Discours de la Mumie, des Venins, de la Licorne, de la Peste, dans lequel il affirme entre autres l'inefficacité totale de la corne de licorne en pharmacopée. Cet ouvrage est intéressant à plus d'un titre.
D'abord, et contre toute attente au vu de son argumentation, Paré n'y met pas en doute la réalité de l'existence des licornes, au prétexte qu'il en est fait mention dans la Bible : Certes, n'était l'autorité de l'Écriture Sainte, à laquelle nous sommes tenus d'ajouter foi, je ne croirais pas qu'il fût des licornes. Tout porte à croire qu'il n'a fait cette déclaration que pour ne pas enflammer les esprits : étant déjà soupçonné de protestantisme, il n'aurait pas voulu donner un argument supplémentaire aux fanatiques catholiques en contestant les textes bibliques. Mais qu'aurait il pu se passer si Paré avait été réellement convaincu de l'existence des licornes ? Ou au contraire, s'il avait catégoriquement nié leur existence dans son ouvrage ?
Ensuite, l'ouvrage suscita une réponse haineuse et anonyme, sous la forme d'un texte intitulé Réponse au discours de la licorne (paru avec le visa de M. Grangier, doyen des écoles de médecine). Paré s'y voit reprocher de sortir de son domaine de qualification (la chirurgie) pour aborder des sujets (médecine et pharmacie) qu'il ne connait pas, et ce faisant, de se couvrir de ridicule en allant à l'encontre de traditions vieilles de plus de quinze siècles et dont l'ancienneté est censée prouver l'efficacité. Paré répliqua d'ailleurs par une fort courtoise Réplique d'Ambroise Paré à la réponse faite contre son discours de la licorne. Mais qu'aurait il pu se passer si les adversaires de Paré avaient décidé de prendre des mesures plus radicales contre cet empêcheur de tourner en rond qui menaçait le lucratif commerce de corne de licorne ? Seraient ils aller jusqu'à faire assassiner le vieux chirurgien ?
La plupart des enfants de Paré sont morts en bas âge.
Qu'aurait il pu se passer si un de ses fils avait vécu ? Aurait il pu lui transmettre ses connaissances, son expérience, son goût pour les choses médicales ? Aurait il constitué le début d'une dynastie de chirurgiens de pointe ? Auraient ils été attachés de père en fils à la personne du roi de France ?
Le digestif que Paré appliqua sur les blessés de la campagne du Piémont était un banal médicament.
Qu'aurait il pu se passer si un changement dans sa composition l'avait doté de propriétés particulières ? C'est la piste envisagée par l'auteur de science-fiction britannique Gerald Kersh dans sa nouvelle Qu'est il arrivé au caporal Cuckoo ? (Whatever happened to caporal Cuckoo?, publiée pour la première fois en 1953 et parue en français dans Histoires de pouvoirs, l'un des volumes de la Grande anthologie de la science-fiction éditée par le Livre de Poche). Dans ce texte, Paré a appliqué une version légèrement différente de son digestif (en raison encore une fois d'une pénurie d'un des ingrédients) sur une blessure au crâne (et au cerveau) d'un des soldats du capitaine Le Rat, un nommé Lecoq (qui en gagnant les États-Unis, transformera son nom en Cuckoo). L'homme guérit, et découvre qu'il est désormais immortel, quelle que soit la gravité des blessures subies. Il vole à Paré le carnet contenant la recette du digestif, et n'a plus pour but que de reproduire ce produit miraculeux.
Les personnages pourraient avoir été traités avec cette variante du digestif. Comment réagiront ils lorsqu'ils découvriront leur relative invulnérabilité ? Parviendraient ils à reproduire à l'identique le fameux digestif ? Et leur nouvel état est il bien dû à ce produit miracle ?
Bibliographie
Parmi les principales sources consultées pour réaliser cette page, on peut citer :
BLAESSINGER Edmond : Quelques grandes figures de la chirurgie et de la médecine militaires (J.-B. Baillière et fils, éditeurs, 1947).
Ambroise Paré - [ 1510 Laval - 1590 Paris ]
Notes
1 : Le second étant Pierre Franco, auteur entre autres du Traité des hernies (1561).
2 : Probablement le 7 décembre. D'autres sources indiquent 1510, mais toutes s'accordent à situer l'évènement dans l'hiver entre ces deux années. Mais on avance également des dates comprises entre 1502 et 1517 !
3 : La légende en fait le valet de chambre et barbier (donc en quelque sorte chirurgien) du comte de Laval...
4 : Le plus ancien des hôpitaux d'Europe, fondé en 650, il s'appelait hôpital des pauvres de Saint-Christophe et hôpital Sainte-Marie jusqu'au XVIème siècle. Du temps de Paré, il tenait plus d'un asile / mouroir pour misérables (malades ou non) que d'un hôpital tels que nous les concevons !
5 : Il faillit d'ailleurs en être lui-même victime, sans doute en raison de ses dissections de cadavres de pestiférés.
6 : Montjean (également orthographié Montejan ou Montejean) devint maréchal de France en 1538.
7 : Les plaies d'armes à feu étaient considérées comme vénéneuses, et le caustique avait pour but d'en détruire le poison.
8 : Médicament destiné à faire suppurer la plaie pour la "purger" et faciliter sa cicatrisation.
9 : Celui qui prépare les dissections pour un cours d'anatomie.
10 : Selon certaines sources, cette deuxième édition paraît en mars 1553.
11 : La ligature des vaisseaux pour juguler l'hémorragie lors de l'amputation est souvent attribuée à Paré ; mais celui-ci n'a fait que mettre en pratique une idée déjà avancée par de multiples auteurs depuis l'Antiquité.
12 : Le 6, selon d'autres sources.
13 : Le 4, selon d'autres sources.
14 : Rééditées encore en 1582 (année de leur traduction en latin : Opera Ambrosii Parei) et en 1585.
15 : Dédié au chevalier Christofle des Ursins, qu'il a soigné en 1580 sans lui administrer de remède à base de momie et qui l'avait incité à écrire un tel ouvrage pour dénoncer les tromperies basées sur de tels "traitements".
16 : Ceci est une interprétation personnelle. Dans l'état actuel de nos connaissances, rien ne permet d'affirmer que Paré s'était converti au protestantisme, mais ses fréquentations et sa personnalité montrent qu'il n'y était pas hostile.