Discworld

Les toiles des neiges


Ébauche de scénario se déroulant sur le Disque-Monde, réalisée à l'origine pour le douzième concours de scénarios de la Cour d'Obéron, et présentée ici dans une version mise à jour.
Le thème du concours était une étrange disparition, et l'élément imposé, une toile.


Ce scénario est tout spécialement dédié à Michel, qui m'a fait plonger dans la lecture de Pratchett.

Ce scénario a pour cadre le Disque-Monde, de Terry Pratchett.
Ce contexte a été officiellement adapté en JDR avec les règles de GURPS. Mais le système de jeu adopté pour faire jouer ce scénario importe peu ; de toutes façons, je n'ai fourni aucune caractéristique technique.

Si vous êtes censés participer à ce scénario en tant que joueurs, ne lisez pas plus loin...


Vacances studieuses

Les personnages sont étudiants à l'Université de l'Invisible d'Ankh-Morpork. C'est la période des fêtes de fin d'année (Nuit du Porcher), et tous leurs camarades d'études sont repartis dans leurs familles respectives pour faire ripaille (ce qui, finalement, ne devrait pas beaucoup les changer de leur vie estudiantine).
Les personnages quant à eux ont préféré rester à l'Université, car le calme inhabituel qui y règne (les mages aussi sont pour la plupart partis ripailler ailleurs) est propice à l'étude, et ils comptent bien réviser au mieux pour leurs examens de début d'année.

Ils se trouvent tous à la bibliothèque de l'Université, en train de potasser en silence de vieux ouvrages sous le regard méfiant et soupçonneux du Bibliothécaire (qui n'a pas l'habitude de voir des étudiants studieux), quand la porte s'ouvre à la volée : Mustrum Ridculle, l'Archichancelier, fait irruption dans la salle de lecture, en tenue de chasseur et l'arbalète à la main.
Les personnages n'ont pas le temps de dire ouf ni la possibilité d'objecter : ils sont réquisitionnés (ainsi que le Bibliothécaire, qui quant à lui n'a pas eu le temps de dire oook) pour aller à la chasse, ce qui leur fera le plus grand bien, car ils sont particulièrement pâlots (on le serait à moins, vues les circonstances) et ont grand besoin de respirer le bon air de la montagne.
La chasse à laquelle Ridculle les emmène est la chasse au papillon des neiges (également appelé papillon à fourrure, cet insecte rarissime aux ailes recouvertes d'une fourrure chatoyante ne se trouve que dans certaines hautes montagnes du Disque-Monde) ; lors d'un récent dîner particulièrement arrosé, l'un des convives a eu l'outrecuidance de faire remarquer que cet animal à fourrure manquait au tableau de chasse de l'Archichancelier, et celui-ci, piqué au vif, a décidé de profiter des vacances pour combler cette lacune.

Ridculle annonce aux personnages (et au Bibliothécaire) qu'ils ont une heure pour se préparer. Les préparatifs du Bibliothécaire se limitent à se munir d'un grand sac (son sac de couchage, mais les personnages ne le savent pas encore) qu'il remplit de bananes et de plusieurs draps blancs, et à laisser la bibliothèque en ordre et bien rangée.
Les personnages quant à eux souhaiteront sans doute s'équiper pour le froid et la montagne... sans oublier de prendre des filets à papillons.


Pantières des neiges

Ce dernier point est une erreur, et montre bien qu'ils sont novices en la matière : le papillon à fourrure ne se chasse pas en le poursuivant avec un filet (puisque courir dans la neige épaisse n'est pas chose aisée), mais au moyen de grandes toiles blanches tendues sur des perches et dans lesquels le vent les pousse, selon un principe proche de celui des filets que nos lecteurs basques connaissent sous le nom de pantières : dans un environnement saturé de blanc, le papillon ne voit pas la toile blanche, la heurte avec violence et, assommé, tombe au sol, où il n'y a plus qu'à le ramasser. Voilà pourquoi le Bibliothécaire, cultivé (conséquence logique mais pas inévitable de sa fonction), a emporté des draps...


Le bel Outchistan

La destination choisie par Ridculle est les montagnes de l'Outchistan, à environ deux mille kilomètres d'Ankh-Morpork. Bien entendu, voyager l'hiver, en compagnie d'un mage de haut niveau au fort caractère et d'un orang-outan pas commode, n'est pas toujours chose facile. Le trajet amène les personnages à longer la frontière d'Omnia, et à subir un fort contraste thermique, entre ce pays chaud et l'hiver glacial d'où ils viennent... et où ils vont.
Le voyage en lui-même ne présente pas d'intérêt majeur par rapport au scénario lui-même, mais vous pouvez bien entendu le pimenter de quelques évènements de votre cru.
Selon le temps dont vous disposez, vous pouvez aussi faire une ellipse jusqu'à l'arrivée de la diligence dans les montagnes, tout au bout de la piste.
Là, les personnages vont devoir continuer par leurs propres moyens ; par exemple, en achetant des bêtes de somme auprès des populations locales (ce qui permet d'insérer des scènes classiques, du genre "quand lama fâché, lui toujours faire ainsi").
La toute dernière partie du voyage consiste en une véritable escalade : les personnages sont encordés, le Bibliothécaire, vues ses capacités naturelles, est tout naturellement premier de cordée, et tout ce monde supporte le poids de Ridculle, qui ne fait pas beaucoup d'effort pour se hisser...
Puis c'est l'établissement du campement, dans un coin abrité du vent, et des pantières, plus haut et en plein vent...


Dans de beaux draps

Les personnages sont chargés de monter les pantières (la neige, ça glisse, surtout quand on essaie d'enfoncer fermement quelque chose dedans), puis de les surveiller.
Il ne leur est bien entendu pas demandé de rester en permanence à côté des toiles, mais le papillon à fourrure étant plein de ressources, il ne reste que peu de temps étourdi par sa rencontre un peu brutale avec la pantière ; il convient donc d'être en mesure d'intervenir rapidement si l'un d'eux se faisait prendre.
Laissez les personnages inventer les dispositifs qui leur passent par la tête, pour rester au chaud dans leur tente et être avertis en cas de prise : fil relié à une clochette sonnant en cas d'impact sur la pantière (la clochette sonnera souvent sous la simple action du vent sur la toile !), etc...

Rester immobile dans le froid, dans la neige, et en plein vent (car bien entendu, pour que la chasse soit efficace, il faut monter les pantières dans un courant d'air !) n'est pas ce qu'il y a de plus confortable. Les personnages qui adoptent cette stratégie vont donc se retrouver confrontés aux risques liés à ces conditions : gelures, hypothermie, etc... Vous pouvez par exemple jouer en grandeur nature un concours de grimaces organisé entre les chasseurs pour éviter les gelures du visage.
Toutefois, l'intérêt principal de ce genre de scénarios ne réside pas dans la simulation précise des effets du froid sur l'organisme, et on peut considérer que les personnages, pour peu qu'ils soient suffisamment couverts et qu'ils acceptent d'ingurgiter une mixture nauséabonde et infecte que leur apporte le Bibliothécaire (qui sera très vexé s'ils refusent le cul sec !), ne subiront pas de conséquences graves pour avoir fait le poireau à côté des pantières.

Ridculle et le Bibliothécaire, qui partagent une tente d'où s'élèvent les fumées d'un samovar et de la pipe de l'Archichancelier, viennent de temps en temps s'assurer que les personnages sont vigilants, et voir s'ils ont fait des prises (ce qui n'est évidemment pas le cas).

Prévoyez plusieurs scènes autour des pantières, puisque les personnages vont passer un sacré bout de temps près de ces toiles... Par exemple, une bataille de boules de neige (Ridculle et le Bibliothécaire attaquent les personnages par surprise), des rencontres avec la faune locale (un troupeau de mouflons dévale la pente et emporte les pantières), une tempête de neige qui force les personnages à descendre s'abriter dans leur tente (car ils en ont emmené une, n'est-ce-pas ?) et enfouit entièrement les pantières, etc...


Yéti ? Yéti pas ?

Alors que les personnages sont remontés auprès des pantières, Ridculle et le Bibliothécaire arrivent, couverts de neige ; en fait, il s'agit de deux abominables hommes des neiges qui leur ressemblent de façon saisissante ; la méprise des personnages ne sera visible qu'à très courte distance...
Les deux hommes des neiges sont acariâtres, affamés, et en plus, les personnages chassent sur leur territoire... Il n'en faut pas plus pour transformer les chasseurs en proies.
Mettez en scène une poursuite acharnée dans la neige, faites stresser les joueurs, mais permettez à leurs personnages de semer les abominables hommes des neiges et de redescendre au campement.


Une étrange disparition
(ben ouais, ça faisait partie des critères du concours, non ?)

De retour au campement (après avoir semé les abominables hommes des neiges), les personnages le trouvent abandonné : Ridculle et le Bibliothécaire ont mystérieusement disparu, laissant à peu près tout leur matériel sur place, et en particulier le samovar. Dans un premier temps, leurs traces, qui descendent la montagne en direction de l'autre versant, sont faciles à suivre, mais le blizzard se lève à nouveau, et voici les personnages perdus en pleine tempête de neige.
Entre deux bourrasques, ils entrevoient deux silhouettes ayant la même démarche que Ridculle et le Bibliothécaire, à quelque distance. S'ils les hèlent, s'approchent, ou attirent leur attention d'une manière ou d'une autre, ils ont une désagréable surprise : car, comme vous vous en doutiez, il s'agit à nouveau des deux abominables hommes des neiges, qui reprennent à nouveau la poursuite.
Si besoin est, vous pouvez améliorer les conditions météorologiques pour jouer cette nouvelle scène ; la nouvelle poursuite doit être particulièrement animée ; inspirez vous au besoin des Jeux Olympiques d'Hiver, entre autres, ou de vos souvenirs de séjours au ski.
Les personnages pourraient par exemple rejouer la fameuse scène de luge sur rocher dans les Andes qu'on voit dans l'adaptation Disney des Enfants du capitaine Grant, avec une plaque de neige verglacée, qui bien entendu va finir par se fracasser sur un rocher recouvert de neige (mais les abominables hommes des neiges sont à nouveau semés).
Et le tout se finit en une apocalyptique avalanche...


Elle descend de la montagne en chantant...

Émergeant de la coulée de neige qui les a emportés, les personnages voient alors en dessous d'eux une petite vallée étroite et parfaitement déneigée, couverte d'herbe verte et visiblement habitée.
Ils sont épuisés, frigorifiés, et vont donc probablement descendre.
Au passage, ils auront la surprise de retrouver les traces de leurs deux compagnons.

La vallée est en fait la mythique Shalima, isolée du monde extérieur au c½ur des montagnes de l'Outchistan, et habitée par une paisible communauté de bonzes (tous étant bien entendu d'impressionnants maîtres ès arts martiaux), quelques paysans, et des gens qui exercent les activités traditionnellement liées au tourisme (hôteliers, restaurateurs, guides de haute montagne, animateurs culturels, etc...) ; car il est bien évident que le tourisme, en particulier agatéen, n'épargne pas ce genre d'endroits (encore qu'à cette période, ce soit plutôt la morte saison).
Les personnages retrouvent Ridculle et le Bibliothécaire, tranquillement installés à la terrasse de l'Hôtel Shangri-La, dans cette vallée où la température de 25 °C surprend nos montagnards tout juste sortis de la neige (attention aux chauds et froids !).
Une petite précaution : lorsque les personnages raconteront à leurs compagnons leurs démêlés avec les abominables hommes des neiges, et aborderont en particulier le délicat point de leur air de famille avec eux, qu'ils fassent bien attention au vocabulaire employé : non, ce n'est pas au tempérament parfois sanguin de Ridculle que je pense, mais au fait que comparer le Bibliothécaire à un homme, même des neiges et même sans le qualificatif d'abominable, risque d'entraîner la même réaction que de le traiter de singe : c'est un anthropoïde, bon sang, combien de fois faudra t-il vous le répêter ? ! !


"Alors, vous les avez attrapés, ces papillons ?"

C'est là que les filets à papillons que les personnages prévoyants auront emmenés vont s'avérer utiles : car les papillons des neiges ne sont pas fous : en plein hiver, ils descendent se mettre au chaud dans les prés fleuris de Shalima !

Une fois les papillons capturés et remis à Ridculle, l'expédition peut songer au retour vers Ankh-Morpork...


I Can Never Go Home Anymore
(pour ceux qui n'auraient pas saisi la subtilité de cet intertitre, il s'agit du titre d'un single des Shangri-Las...)

Les habitants de la vallée tenteront d'empêcher les personnages de quitter Shalima. En effet, sa localisation doit rester secrète ; déjà qu'avec tous ces touristes agatéens, on n'est plus chez soi...
Ce peut être l'occasion d'organiser une splendide chorégraphie, avec tous ces bonzes adeptes des arts martiaux. Pour s'en sortir, les personnages peuvent imaginer les plans les plus loufoques ; faute d'idée géniale de leur part, vous avez deux solutions pour les sortir de cette cage dorée :

  • soit ils profitent du chaos causé par un raid opportun de Cohen le Barbare et de sa Horde d'Argent sur la vallée ;
  • soit vous vous lancez dans une splendide démonstration de kung-fu, au cours de laquelle le Bibliothécaire aura l'occasion de démontrer sa maîtrise de la Voie de l'orang-outan : impressionnés, les bonzes feront cercle autour de lui et l'affronteront un par un en combat singulier, ce qui permettra au reste de l'expédition de déguerpir...

  • Un volcan dans l'âme, ils r'vinrent au village
    (Georges Brassens, La chasse aux papillons)

    Comme pour l'aller, le retour, une fois la montagne escaladée et le camp levé, ne présente pas d'intérêt majeur pour le scénario ; vous pouvez aussi bien le détailler que le survoler d'une phrase.
    Les personnages reviennent juste à temps pour la reprise des cours... aussi fatigués que leurs condisciples, mais pas pour les mêmes raisons !
    (oui, je sais que ça fait de looongues vacances, mais vous croyez franchement qu'après les excès qu'ils ont fait pendant les fêtes, les mages de l'Université de l'Invisible sont en état de reprendre leurs missions d'enseignement avant quelques semaines de récupération ?)


    Développements possibles

    Si vous avez suffisamment de temps pour jouer ce scénario, vous pouvez, outre le voyage, développer deux aspects typiques des montagnes de l'Outchistan, sur lesquels je ne me suis pas étendu ici, faute de temps : d'une part, le monastère de Malamute, véritable nid d'aigle servant de forteresse à la secte des havanin, de redoutables tueurs ; d'autre part, La Fondation (en outchistanais alka-ida), une secte de philosophes pacifistes et non-violents dirigée par un certain Ben Lasimov, qui s'est réfugiée dans ces montagnes inaccessibles pour échapper à la cruauté du monde.


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