Blue Planet

Exodus 2174


Ébauche de scénario historique pour Blue Planet, réalisée à l'origine pour le vingt-et-unième concours de scénarios de la Cour d'Obéron, et présentée ici dans une version mise à jour.
Le thème du concours était des hommes ordinaires, et l'élément imposé, un décalage.


Ce scénario, qui explore des évènements du passé assez récent (vingt-cinq ans auparavant) du contexte de Blue Planet, pourrait éventuellement faire office de prologue (un peu lointain, peut-être...) pour une campagne.

Si vous êtes censés participer à ce scénario en tant que joueurs, ne lisez pas plus loin...


Un peu d'histoire

(Voir le Player's Guide pp. 171 / 172)
Les premiers Hybrides furent "fabriqués" par Biogene en 2065, dans le cadre d'un projet secret (auquel participaient les États-Unis et l'Allemagne) visant à obtenir des "super-soldats". Deux types principaux d'Hybrides (ainsi que diverses autres variétés, produites en très petites quantités) furent créés, en intégrant au génome humain de l'ADN animal : les Silvas (avec des gènes de gorilles) et les Félins (avec des gènes de grands Félidés).
Scientifiquement parlant, ce fut un succès. Mais les Hybrides n'avaient pas particulièrement envie d'être des soldats, et lorsqu'on se rendit compte qu'il serait très difficile de les y contraindre, le projet, sur lequel des fuites avaient par ailleurs filtré dans les médias, fut abandonné.
Victimes de peurs et préjugés racistes et dépourvus de ressources, les quelque 1500 Hybrides furent parqués dans une sorte de réserve de plusieurs milliers d'hectares en Tanzanie, où ils parvinrent péniblement à survivre en autarcie dans des conditions plutôt pitoyables, jusqu'à ce que les frappe de plein fouet la Grande Famine au tout début des années 2090.
Durement touchés et cherchant par tous les moyens à survivre (et à éviter l'extinction), les Hybrides, ne parvenant pas à obtenir de l'aide des pays voisins, se tournèrent vers la GEO (Global Ecology Organization) et offrirent de servir comme casques bleus dans ses forces de maintien de la paix. Ces forces étant cruellement en sous-effectif, ils y furent les bienvenus, et s'y investirent au point qu'ils devinrent un symbole de la lutte contre la Grande Famine. Mais cela ne suffit pas à surmonter le racisme et la peur du reste de la population, et lorsqu'en 2120 la Grande Famine fut enfin déclarée vaincue, ils furent presque tous renvoyés à leur réserve, pour y retrouver des conditions de vie en complet décalage avec les élogieuses déclarations de remerciements de la GEO.

Contrairement aux Félins, qui bénéficient parfois d'un petit courant de sympathie lié en particulier au furry fandom et à un certain nombre de fantasmes (généralement vite déçus) au sujet des catgirls, les Silvas, pourtant physiquement encore plus proche des humains pure souche, ne se heurtent hors de leur réserve tanzanienne qu'à un racisme aggravé par leur faciès simiesque, source de quolibets, de surnoms blessants ("Babouin", "Macaque", "Guenon" et autres "Cheeta"), et de blagues sur leur goût présumé pour les bananes. Pourtant, tout ce qu'ils demandent, c'est qu'on les traite comme des humains normaux, des hommes ordinaires...


Aux hommes les étoiles...

Nous sommes en 2174 (voire un peu avant, si le MJ compte mettre en scène les préliminaires du scénario). En 2165, la Terre a renoué le contact avec Poséidon, et depuis quelques années, des émigrants traversent le trou de ver pour aller s'installer sur ce nouveau monde.
Parqués dans leur réserve tanzanienne où ils arrivent tant bien que mal à subsister dans des conditions peu brillantes, les Hybrides redressent la tête et regardent eux aussi vers les étoiles. Et ils se disent que leur avenir se trouve peut-être bien sur Poséidon.

Les personnages peuvent être, soit des Silvas, soit des sympathisants humains à leur cause, soit des Félins, soit pourquoi pas d'autres Hybrides (Fluid Mechanics p. 80). Ils doivent de préférence occuper des postes importants dans l'organisation de l'Exode, qu'ils en soient les chefs, les éminences grises, ou plus prosaïquement, les transporteurs.

Ce scénario a ceci de particulier qu'il ne nécessite pas, pour être réussi, que la "quête" des personnages soit menée à bien (bien que ceux-ci n'en sachent rien). Les différentes étapes de cette "quête" seront donc décrites ci-après, et le MJ décidera au besoin du moment où il portera l'éventuel coup d'arrêt, en fonction des actions des PJ.


Pharaon, laisse partir mon peuple !

Dans la réserve hybride, où vivent plus de cinq mille personnes (les autres Hybrides étant pour la plupart dans les rangs des troupes de la GEO, comme le jeune (dix-sept ans) Geronimo Pacheco (Moderator's Guide p. 142)), l'idée d'une émigration vers Poséidon gagne du terrain depuis le Recontact, tout particulièrement parmi les Silvas.
Certains dirigeants hybrides ont d'ailleurs à plusieurs reprises demandé aux instances de la GEO que les habitants de la réserve soient pris en charge dans un programme d'émigration vers Poséidon, où ils ne pourront que trouver de meilleures conditions de vie que celles dans lesquelles ils croupissent depuis plusieurs générations. Mais la GEO a toujours refusé de financer un tel déplacement de population.
Les Hybrides les plus motivés pour aller sur Poséidon décident donc de rassembler les ressources nécessaires pour permettre l'émigration d'un groupe d'environ huit cents Silvas (ce nombre correspondant à la capacité d'emport d'un vaisseau interstellaire, facteur limitant du projet).

Si les PJ ont des rôles qui le leur permettent, le MJ pourra faire jouer les phases préliminaires du projet : dernières tentatives infructueuses de négociation avec la GEO, établissement des contacts nécessaires, obtention de finances et organisation pratique du projet, tout ceci nécessitant de commencer le scénario avant 2174, afin que l'émigration elle-même puisse avoir lieu cette année là.

Enfin, les détails du plan ayant été réglés et sa logistique mise en place, il ne restera plus qu'à passer à sa réalisation. Nous sommes alors en principe début 2174.


La Fuite d'Égypte

Quitter la réserve ne posera aux personnages et à leurs quelques centaines de compagnons aucun problème. Après tout, du moment que leurs papiers sont en règles et qu'ils paient le transport, rien ne leur interdit de voyager, que ce soit pour faire du tourisme ou pour toute autre raison...
Gageons toutefois que les responsables, méfiants comme le sont en général les PJ, élaboreront des plans compliqués pour faire sortir discrètement d'Afrique les émigrants et leurs bagages (par petits groupes, échelonnés sur plusieurs mois, en faisant appel à des passeurs de clandestins pour quitter la Tanzanie par la mer sans passer par la douane, etc...). Vous pouvez en profiter pour jouer sur leur paranoïa et leur donner quelques sueurs froides.


Vous montez à quel étage ?

La première étape du voyage est Quito, plus précisément Port Horizon et son ascenseur orbital.
Là encore, rien ne s'opposera au passage des émigrants, pourvu que leurs papiers soient en règles, mais les fonctionnaires des douanes, surpris devant cet afflux inattendu d'Hybrides, les contrôleront minutieusement, et bloqueront même la plupart d'entre eux, le temps de demander des instructions en haut lieu.
Cette arrivée massive de Silvas à Port Horizon va également attirer l'attention des médias, et les hypothèses vont aller bon train, allant de la simple vérité (ils émigrent pour Poséidon) à des explications farfelues. Bien entendu, racistes et conspirationnistes de tout poil vont s'en donner à c½ur joie...

Selon leur degré de paranoïa, les émigrants subiront les examens médicaux préalables à l'inhibition métabolique hypothermiquement induite, ou au contraire prétendront qu'ils ne partent pas pour un voyage en cryo-sommeil et ne subiront donc que les opérations de décontamination "classiques" avant tout départ pour l'orbite.
Des organisateurs paranoïaques mais prévoyants court-circuiteront cette étape, car ils auront fait passer ces examens à tout le monde avant de quitter la Tanzanie, et se contenteront d'un rapide check-up une fois à bord du vaisseau.

À noter que si (comme c'est probable) les émigrants doivent acheminer jusqu'à leur vaisseau des bagages illicites ou fortement règlementés (des armes, par exemple), il faudra leur faire emprunter un autre moyen de transport jusqu'à l'orbite, afin d'éviter la douane.


Bienvenue à bord !

Leurs ressources financières étant limitées, les émigrants n'ont pu affréter qu'un vaisseau lent et vieux, le Président Byford (pour les caractéristiques techniques, voyez si besoin est celles du Slow Boat en pages 108 et 109 de Fluid Mechanics).

Si les ressources financières de l'opération sont vraiment insuffisantes ou ont été utilisées à mauvais escient, les Hybrides pourraient tenter de voler un vaisseau, au lieu de l'affréter. C'est une mauvaise idée, car la mise en cryo-sommeil d'environ huit cents personnes demandera plusieurs semaines, pendant lesquelles le vaisseau sera immobilisé et facile à arraisonner par les forces de l'ordre. Évidemment, les personnages pourraient décider d'induire l'inhibition métabolique des passagers alors que l'appareil fait route vers le trou de ver (voire carrément de ne placer personne en cryo-sommeil) ; mais cela exigera pour le trajet des réserves supplémentaires en nourriture et en air, qui réduiront d'autant la place disponible pour "les bagages".
N'oubliez pas que parmi les opérations préalables au cryo-sommeil figurent un rasage complet (opération fastidieuse pour un Hybride !) et une diète de deux jours (Player's Guide pp. 193 / 196).

Le Président Byford, un cargo ravitailleur indépendant battant pavillon panaméen et dont l'équipage est principalement ukrainien, surtout utilisé pour ravitailler des habitats sur les lunes joviennes, est ancien et décrépit, et son aspect extérieur pourrait laisser craindre aux personnages qu'il ne sera pas capable d'effectuer la traversée. Mais il est plus robuste qu'il en a l'air, et, bien qu'il ne réponde pas aux exigences des normes de sécurité pour un tel voyage et qu'il n'ait jusqu'à présent jamais dépassé l'orbite de Saturne, il est parfaitement en mesure de faire le trajet.

L'équipage du vaisseau (constitué d'humains pure souche et de quelques spaciens (Player's Guide p. 173)), et tout particulièrement son capitaine, Oleksandr Kvitko (OK pour les intimes ; un ancien casque bleu de la GEO, qui a comme tel eu l'occasion de côtoyer sur le terrain et d'apprécier les Hybrides), est favorable au projet des Silvas, qui peuvent donc compter sur leur aide (à moins que le MJ ne décide de placer un traître dans leurs rangs).

Il faudra plusieurs semaines pour placer tous les passagers en cryo-sommeil. Les personnages pourraient être sur leurs gardes, s'attendant à ce que "quelque chose" soit tenté contre le Président Byford.

En fait, personne ne s'opposera aux projets d'émigration des Silvas, sauf si par leur comportement, ceux-ci ont défavorablement attiré l'attention sur eux à Port Horizon, en laissant croire à certaines personnes qu'ils constituent pour elles une menace. Ainsi, si la rumeur court que les Hybrides sont en réalité des troupes de la GEO voyageant incognito pour aller mener un coup d'état sur la Lune ou sur Mars, ou pour reprendre le contrôle de Poséidon aux Natifs, ou pour démanteler telle ou telle station spatiale appartenant aux Américains, aux Chinois ou à un État corporatiste, il est probable que leurs "adversaires" décident d'agir, par des sabotages, l'arraisonnement du Président Byford pendant le trajet, voire un tir de missile (dans ce dernier cas, évitez quand même de détruire corps et biens le vaisseau en plein espace interplanétaire, ça risquerait d'être frustrant pour les joueurs).


L'Exode

Une fois que le Président Byford aura quitté l'orbite terrestre, accélérant en direction de l'entrée du trou de ver, le trajet se décomposera ainsi (Fluid Mechanics p. 108) : 52 jours d'accélération, 185 jours sur cette lancée, puis 37 jours de décélération avant de pénétrer dans le trou de ver. Les personnages restant éveillés risquent de trouver le temps long... à moins bien entendu que d'éventuels adversaires décident de pimenter leur voyage (voir ci-dessus).


La traversée du trou de ver

Hole City n'existe pas encore, puisque cette station spatiale de la GEO ne sera assemblée qu'en 2179. Mais il y a déjà quelques installations près de l'ouverture du trou de ver, y compris une plate-forme d'appontage pour deux vedettes de patrouille de la GEO. Elles ne sont pas armées, mais elles pourraient quand même tenter d'arraisonner le Président Byford, si celui-ci a été déclaré volé par exemple. Il n'y a toutefois pas grand chose que ces petits vaisseaux puissent faire pour le stopper, à moins de se placer directement en travers de sa route, risquant une collision fatale pour les deux appareils impliqués (Blue Planet est un jeu de hard science, et les vaisseaux spatiaux ne s'y man½uvrent pas comme des avions de chasse !).


La Terre Promise

Une fois le trou de ver franchi, plus rien ne peut en principe empêcher les Silvas d'arriver sur Poséidon. L'accueil qui leur sera réservé sur place ne sera pas forcément très enthousiaste, mais les Natifs ne voient en eux que des nouveaux colons comme les autres, et leur hostilité plus ou moins marquée n'est pas due à l'aspect physique ou au patrimoine génétique des Hybrides. Ces derniers ont donc atteint leur objectif : ils sont ici des hommes comme les autres. Il leur reste encore à se faire une place au soleil de Lambda Serpentis II. Et la rude et impitoyable nature locale ne les traitera, elle non plus, pas différemment des autres colons.


Retour à la case départ

Si l'expédition des Silvas est stoppée par la GEO, le Président Byford sera ramené jusqu'à l'orbite terrestre. Là, les passagers seront sortis du cryo-sommeil, transférés à Port Horizon par l'ascenseur orbital, et de là, ramenés en cargo jusqu'à la Tanzanie, sous forte escorte (on évitera d'employer à leur garde d'autres Hybrides).
Mais une fois le cargo au port de Dar-es-Salaam, les émigrants, fanatisés par quelques meneurs (dont les PJ, peut-être ?) refuseront d'en descendre, déclarant avec force : "Nous voulons nous rendre sur Poséidon, on ne nous débarquera ici que morts !". La police de la GEO interviendra de façon musclée pour les y forcer, et ce qui n'était au départ qu'un simple refus d'obtempérer tournera rapidement (après les sommations d'usage) à l'affrontement violent avec les forces de l'ordre, qui feront usage de matraques, lances à eau et gaz lacrymogènes. Il pourrait même y avoir des morts parmi les Silvas, affaiblis par leur long voyage dans des conditions pas franchement idéales. Des images frappantes de ces brutalités policières seront abondamment diffusées dans les médias et choqueront l'opinion publique. Quant aux voyageurs, ils regagneront de force leur réserve, autour de laquelle une présence policière sera mise en place.


Épilogue

S'il s'est fini dans le sang, l'exode des Silvas a fini par émouvoir quelque peu l'opinion publique, et par faire prendre conscience à la GEO, embarrassée par l'image que les médias ont donnée d'elle, que la solution à leur problème est peut-être effectivement d'envoyer les Hybrides s'installer sur Poséidon. En 2176, plus de 95 % des six mille et quelques Hybrides accepteront de prendre part à un projet de colonisation monté par la GEO (Player's Guide p. 188). Tout ceci n'aurait jamais eu lieu sans les actions des personnages. Mais ceci est une autre histoire...

Et si... les personnages et leurs compagnons réussissaient à atteindre Poséidon ?
Ça ne changerait pas grand chose aux conséquences pour leurs congénères restés sur Terre : les informations historiques fournies dans le jeu sont suffisamment peu précises pour que cela ne contredise pas la version officielle, et la GEO, devant le succès de l'opération, prendra la même décision. Le MJ ne doit donc pas s'assigner pour but de faire capoter à tout prix la tentative d'émigration des Silvas...


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