Ce document n'aborde que l'état des relations entre les principaux États terriens (en particulier, sauf exception les seuls États allemands envisagés ici sont les royaumes).
Quelques alliances militaires :
Entre la Bavière, le Hanovre, la Saxe, le Wurtemberg, quelques autres États allemands, et l'Autriche-Hongrie ;
Entre la Bavière et la France ;
Entre l'Autriche-Hongrie et la France ;
Entre la Russie et la France (à partir de 1892) ;
Entre la Prusse et l'Italie (Double-Alliance du 20 mai 1882) (1) ;
Entre la Prusse et la Roumanie ;
Probablement bientôt entre la Prusse et l'Empire Ottoman (les deux pays coopèrent déjà militairement depuis le début des années 1880).
Amitiés et inimitiés nationales
Angleterre
L'Angleterre se complait dans son splendide isolement.
Elle applique la politique de la balance : au moyen d'alliances évoluant selon la situation, et grâce à sa marine de guerre (dont l'influence va cependant en décroissant avec l'apparition des navires volants), elle fait en sorte qu'aucun pays continental ne puisse dominer l'Europe.
En 1889 a été adopté le Naval Defence Act, instaurant le two powers standard selon lequel la marine britannique doit être supérieure à la réunion des deux plus puissantes marines européennes.
L'Angleterre a de bonnes relations avec la Belgique, le Danemark, la Grèce et le Hanovre, pays relativement mineurs par leur poids sur l'échiquier politique européen et qui sont considérés un peu comme des protectorats.
La France, ennemie traditionnelle de l'Angleterre, est perçue comme une menace grandissante en raison de sa maîtrise croissante des airs ; la peur d'une invasion aéroportée a remplacé le fantasme du tunnel sous la Manche dans l'esprit des Anglais. Néanmoins, les relations entre les deux pays sont correctes.
L'Angleterre considère comme ennemies la Prusse (elle ne veut pas d'une hégémonie prussienne sur l'Europe centrale) et la Russie (essentiellement pour des raisons de géopolitique asiatique).
Les relations entre l'Angleterre et le Portugal se dégradent progressivement, et l'ultimatum posé en janvier 1890 par Londres au sujet des conquêtes portugaises en Afrique le montre manifestement. Un traité (plus favorable aux Anglais) est cependant signé le 11 juin 1891.
L'Autriche-Hongrie a pour amis la Bavière, la Belgique, l'Espagne (dont l'actuelle régente est autrichienne), la France, le Hanovre, la Saxe, le Wurtemberg.
Elle a pour ennemies la Prusse, et la Russie à qui elle s'oppose dans les Balkans (où les deux pays s'apprêtent à dépecer les restes européens de l'Empire Ottoman).
Ses relations sont mauvaises avec la Bulgarie, le Danemark (depuis la guerre des Duchés), l'Italie (à cause de la Vénétie que voudraient récupérer les Italiens), l'Empire Ottoman, la Roumanie, et la Serbie (en dépit d'un accord secret passé avec ce dernier État en 1881, par lequel chacun des deux assure l'autre de sa neutralité en cas de guerre contre un pays tiers).
La Bavière est alliée à l'Autriche-Hongrie, au Hanovre, à la Saxe, au Wurtemberg, et à la France (même si une crainte subsiste quant aux réelles intentions de la France vis à vis du Palatinat).
Elle a pour ennemie la Prusse.
La Belgique compte sur l'Angleterre, dont la menace a plusieurs fois dans le passé empêché la France d'annexer le pays.
La Belgique et l'Autriche-Hongrie sont amies.
Les relations sont assez tendues avec les Pays-Bas et le Luxembourg, sur lesquels la Belgique a des vues territoriales.
La France, puissant voisin dont la Belgique redoute l'expansionnisme jusqu'au Rhin, est considérée avec méfiance ; toutefois, la France a reconnu officiellement les frontières belges, et les deux pays ont des relations correctes.
La délimitation de la frontière entre l'Angola et l'État Indépendant du Congo (qui appartient au roi des Belges Léopold) est source de tensions avec le Portugal. Un accord est cependant trouvé en 1891.
La Bulgarie a pour amie la Russie.
Ses ennemis sont l'Autriche-Hongrie, la Serbie et l'Empire Ottoman.
Parmi les pays d'Europe occidentale, c'est avec la France que la Bulgarie entretient le plus de liens ; à tel point que la France est le seul pays d'Europe occidentale à former des officiers bulgares dans ses écoles navales, et que les navires de la marine de guerre bulgare sont construits dans les arsenaux français (cette coopération s'étendra dans quelques années à la formation des officiers de la petite aviation bulgare).
Le Danemark a pour amies l'Angleterre, la Grèce, la Russie et la Suède.
Il a pour ennemies la Prusse, et dans une moindre mesure l'Autriche-Hongrie.
L'Espagne a pour principale amie l'Autriche-Hongrie (la régente étant autrichienne).
Une certaine rivalité existe entre l'Espagne et le Portugal.
Les États-Unis ont une politique isolationniste (doctrine de Monroe).
Les États du Nord sont relativement francophiles (attitude héritée de la guerre d'indépendance), mais l'attitude du Sud est plus mitigée, en raison de la prise de position française en faveur du Nord pendant la guerre de Sécession (alors qu'auparavant, ces États étaient plus francophiles).
Une méfiance partagée envers l'Angleterre a renforcé l'amitié des États-Unis et de la Russie.
La France compte parmi ses amies l'Autriche-Hongrie, la Bavière, la Russie et la Suède.
La France est l'alliée militaire de l'Autriche-Hongrie, mais une partie de l'opinion voit cette alliance d'un ½il défavorable : en effet, la IIIème République est laïque, alors que l'Empire est catholique.
La Bavière est toujours l'alliée de la France, mais elle se méfie des tentations que cette dernière pourrait avoir d'annexer le Palatinat, situé à l'intérieur de ce que certains Français considèrent comme les frontières naturelles du pays.
Pour des raisons similaires, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, sans être hostiles, considèrent la France avec prudence depuis l'annexion de la Rhénanie ; car ces trois pays sont en effet partiellement ou totalement situés à l'intérieur des dites frontières naturelles de la France...
L'Italie a une attitude ambivalente : d'un côté, la France a permis l'unification, mais d'un autre côté elle est l'alliée de l'Autriche-Hongrie qui possède toujours la Vénétie ; de plus, certains Français voudraient récupérer les territoires italiens qui correspondent à d'anciens départements français sous Napoléon (Apennins (Chiavari), Doire (Ivrée), Gênes, Marengo (Alexandrie), Montenotte (Savone), Pô (Turin), Sesia (Verceil), Stura (Coni), et même pour certains Taro (Parme) et d'autres anciens départements encore plus éloignés), et certains Italiens estiment que des régions comme Nice, la Savoie, ou même la Corse (sans oublier la Tunisie), devraient être italiennes.
Le Portugal, dont la reine est française, est considéré avec bienveillance par une partie de la population (en particulier les monarchistes).
La France a pour ennemie la Prusse (ennemie déclarée ; la France redoute une hégémonie prussienne sur les États allemands).
L'Angleterre n'est pas une ennemie, mais les deux pays se considèrent réciproquement avec méfiance, chacun percevant l'autre comme l'ennemi ancestral.
Les principaux artisans de la politique d'expansion coloniale de la France sont Léon Gambetta et Jules Ferry. Mais elle compte aussi des opposants de poids (dont certains, comme Georges Clémenceau, sont pourtant du même bord politique que Gambetta et Ferry).
En 1890 apparait en France le parti colonial, non pas un véritable parti politique, mais un ensemble de groupes de pression et de propagande coloniaux (dont le tout premier est le Comité de Mars, créé en octobre 1890), qui exerce vite une influence majeure sur la politique étrangère du pays, au travers de ses membres (pour la plupart notables : politiciens, diplomates, militaires, journalistes, savants, hommes d'affaire, auteurs, etc...).
Un groupe colonial est constitué à la Chambre le 15 juin 1892, suivi par un autre au Sénat en 1898.
Le chef de file du parti colonial est Eugène Étienne (né le 15 décembre 1844), député d'Oran depuis 1881, sous-secrétaire d'État aux Colonies en 1887, puis à nouveau depuis février 1889. En 1892, il est président du groupe colonial de la Chambre, et élu vice-président de la Chambre.
Contrairement aux Anglais, qui construisent leur empire colonial par le commerce, les Français taillent le leur par les conquêtes militaires.
L'expansion coloniale française a trois raisons principales : économique (en fournissant des débouchés à la métropole), politique (pour rester une grande puissance) et philosophique (la France, patrie des Lumières, se doit de faire connaître aux autres peuples ce message universaliste).
Les amis de la Grèce sont l'Angleterre, le Danemark et la Russie.
Elle a pour ennemi l'Empire Ottoman.
Il est allié à l'Autriche-Hongrie, à la Bavière, à la Saxe et au Wurtemberg.
Il entretient en outre des liens particuliers avec l'Angleterre.
Il a pour ennemie la Prusse.
L'Italie a pour alliée la Prusse.
Elle a de mauvaises relations avec l'Autriche-Hongrie (qui possède toujours la Vénétie).
L'attitude italienne vis à vis de la France est double (voir France) ; mais globalement, l'opinion italienne est relativement francophile.
Cependant, la conquête de la Tunisie par la France en 1881 a été très mal vécue en Italie, qui considérait ce pays comme lui étant dû dans le partage colonial. C'est la raison pour laquelle l'Italie, coincée entre ses deux puissants voisins (Autriche-Hongrie et France) s'est éloignée de cette dernière pour s'allier à la Prusse l'année suivante.
Pauvre et surpeuplée, l'Italie connait un véritable exode (surtout suite à la crise économique des années 1880 et à ses conséquences sur l'agriculture du pays), qui alimente en particulier son expansion coloniale.
Comme les Pays-Bas.
Le Monténégro a pour amies la Russie et la Serbie.
Il a pour ennemi l'Empire Ottoman.
L'Empire Ottoman est l'ami (et sans doute le futur allié) de la Prusse.
Ses ennemis sont l'Autriche-Hongrie, la Bulgarie, la Grèce, le Monténégro, la Russie et la Serbie.
Les Pays-Bas ont pour principaux amis le Wurtemberg et le Luxembourg.
La Belgique ayant des vues territoriales sur Maastricht et les bouches de l'Escaut, les relations entre les deux pays sont tendues.
Les Pays-Bas se méfient également des ambitions territoriales de la France.
Le Portugal a une certaine rivalité avec l'Espagne. Il est par ailleurs plutôt francophile.
Traditionnellement, l'Angleterre jouait le rôle de protecteur du Portugal sur l'échiquier politique européen ; mais la situation entre les deux pays s'est progressivement dégradée en raison de rivalités coloniales, et en janvier 1890, l'ultimatum sur les conquêtes portugaises en Afrique permet en quelque sorte la manifestation nette d'un sentiment anti-anglais grandissant. Des négociations, après un premier échec en août 1890, aboutissent à un traité (encore moins avantageux pour les Portugais) signé le 11 juin 1891.
Les relations ne sont pas très bonnes avec la Belgique en raison des problèmes de délimitation de la frontière entre l'Angola et l'État Indépendant du Congo ; mais des négociations aboutissent en 1891 à un accord sur ce sujet.
Depuis 1866, la Prusse est perçue comme un État fortement expansionniste, ce qui l'a longtemps quasiment mise au ban des pays européens.
Les années ayant passé, sa situation s'est quelque peu améliorée et elle est redevenue fréquentable, mais elle n'a quasiment pour amis que l'Italie, la Roumanie, et l'Empire Ottoman.
Ses ennemis par contre sont nettement plus nombreux : Angleterre, Autriche-Hongrie, Bavière, Danemark, France (la Prusse a été particulièrement humiliée en 1866 en cédant la Rhénanie et veut absolument la reprendre), Hanovre, Russie, Saxe, Wurtemberg.
Bien que plutôt francophile, la Roumanie est l'alliée de la Prusse.
Elle a pour ennemies l'Autriche-Hongrie et la Russie.
La Russie a pour alliée la France, et pour amis le Danemark, la Grèce, le Monténégro, la Serbie et les États-Unis (cette dernière amitié est renforcée par une méfiance commune envers l'Angleterre).
Ses ennemis sont l'Angleterre, l'Autriche-Hongrie, l'Empire Ottoman et la Prusse.
La Saxe est alliée à l'Autriche-Hongrie, à la Bavière, au Hanovre et au Wurtemberg.
Elle a pour ennemie la Prusse.
La Serbie a pour amis le Monténégro et la Russie.
Ses ennemis sont la Bulgarie et l'Empire Ottoman.
Elle a de mauvaises relations avec l'Autriche-Hongrie, en dépit d'un accord secret signé entre les deux pays.
La Serbie convoite la Bosnie-Herzégovine (qui dépend de l'Autriche-Hongrie), où vit une importante communauté serbe. Elle convoite aussi pour les mêmes raisons le Kosovo et la Macédoine, l'Empire Ottoman paraissant plus facile à dépecer que l'Empire austro-hongrois.
Les royaumes unis de Suède et de Norvège ont pour amis le Danemark et la France.
Jalouse de son indépendance et de sa neutralité et soucieuse de les préserver face à ses puissants voisins, la Suisse considère ces derniers (et tout particulièrement la France, l'Autriche-Hongrie et l'Italie) avec méfiance, fortifie ses frontières, et va jusqu'à miner les routes qui en viennent.
Il a pour alliés l'Autriche-Hongrie, la Bavière, le Hanovre, les Pays-Bas et la Saxe, et pour ennemie la Prusse.
Le rôle des attachés militaires :
Les attachés militaires sont des officiers-diplomates placés auprès des ambassades et légations de leur pays à l'étranger, et chargés de collecter des renseignements sur les forces armées du pays où ils sont stationnés. Tous les pays européens en emploient. Leur statut étant officiel (puisqu'ils sont accrédités auprès des chefs de gouvernement étrangers), ils font du renseignement ouvert. Ils sont censés transmettre les informations qu'ils recueillent par l'intermédiaire des diplomates dont ils dépendent (mais les attachés militaires français par exemple, s'ils transmettent bien leurs rapports officiels au ministère de la Guerre sous couvert du ministre des Affaires étrangères, sont également directement en relations avec le deuxième bureau de l'État-Major de l'armée), et ne s'occuper que des questions purement militaires (mais ils ne peuvent faire autrement que de s'intéresser aussi aux questions de haute politique).
Certaines affectations sont plus prestigieuses que d'autres : c'est le cas par exemple de l'ambassade de France à Vienne.
D'autres pays, considérés comme moins importants, ne se voient pas affecter d'attachés militaires : ainsi, le Monténégro, la Roumanie et la Serbie n'auront d'attachés militaires français qu'à partir de 1892 (avant cette date, les informations les concernant étaient collectées par les attachés militaires français à Vienne et à Constantinople).
Il existe aussi des attachés navals, qui les secondent pour les aspects concernant la marine de guerre. La France en a affecté à Londres (depuis 1860), Rome (1886), Saint-Pétersbourg (1886), Vienne (1886) (2), Berlin (1888) (3), Washington (1889) et Tokyo (1889).
Notes
1 : historiquement, cette date correspond à l'adhésion de l'Italie à la Double-Alliance (devenant ainsi Triple-Alliance), mais ici l'Autriche-Hongrie n'est pas du même bord.
2 : historiquement inexact.
3 : historiquement, 1895.